Cette circonscription transnationale sera l’occasion toute particulière d’une réponse européenne au Brexit.
L’unité de l’Europe est bien sûr une réalité politique ; c’est aussi une réalité économique – je vais y revenir. Mais la base, le socle sur lequel tous ces projets peuvent se construire, c’est le lien sensible, le vivre ensemble, en un mot, la conscience qu’ont nos concitoyens d’être des Européens. Fortifier cette conscience, en particulier dans notre jeunesse, par l’enseignement, par les échanges universitaires et par les échanges d’apprentis, c’est garantir l’avenir de l’idée européenne, cet universel qui se dit en plusieurs langues, cette civilisation que chacune de nos cultures nationales exprime d’une façon propre, singulière.
Il y a là, également, un enjeu d’égalité. Notre jeunesse n’a jamais été aussi mobile, aussi ouverte sur le monde, et en premier lieu sur les pays européens. Assurer une égalité d’accès à l’horizon européen : c’est aussi de cette manière que nous conjuguerons l’unité de l’Europe et l’exigence démocratique.
Les objectifs qui ont été affichés par le Président de la République sont ambitieux. Ceux qui veulent aller plus loin, plus vite, doivent pouvoir le faire sans en être empêchés. Les coopérations seront ouvertes à tous, avec pour seul critère le niveau d’ambition partagée. Le Président de la République a d’ailleurs proposé de réunir au sein d’un « groupe de la refondation européenne » tous les États membres qui partagent cette vision, afin de définir les mesures qui traduiront concrètement cette ambition à l’horizon 2024.
À cet égard, je dois dire que l’accueil réservé par nos partenaires à nos propositions – lesquelles sont en lien avec celles portées par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker –, lors du sommet des chefs d’État ou de gouvernement de Tallinn, montre que cet exercice collectif de refondation a toutes les chances d’aboutir. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui est aujourd’hui même à Paris, présentera dans les prochaines semaines une feuille de route en ce sens.
Pour avancer, l’Allemagne sera notre partenaire majeur. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la République fédérale est entrée dans une période de négociation du contrat de coalition sous l’égide d’Angela Merkel. Je tiens d’ailleurs à souligner la qualité des relations qui se sont nouées depuis plusieurs années entre les ministres allemands et les membres du Gouvernement.
Cette base politique et relationnelle est essentielle pour porter le projet européen, d’autant plus que les élections allemandes, et notamment le score très élevé de l’extrême droite, ont révélé que le scepticisme voire le rejet de l’Europe étaient également un risque outre-Rhin. La meilleure réponse à ce risque sera apportée par l’action conjointe d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron pour permettre à l’Europe de progresser en puissance et de relever les grands défis qui nous font face, et ce dans la solidarité.
Nous avons si souvent été le moteur de l’Europe par le passé ; nous le serons de nouveau demain. Le Président de la République a souhaité l’élaboration d’un nouveau traité de l’Élysée. Ce pourrait être le creuset du futur projet européen.
L’unité de l’Europe doit aussi se manifester face à la crise migratoire. Ce drame exige la solidarité des pays européens : solidarité s’agissant de l’accueil et du droit d’asile, mais solidarité, aussi, dans l’aide à apporter aux pays de départ et de transit, afin d’éviter que celles et ceux qui font l’objet de tentations de la part des passeurs ne risquent leur vie pour rejoindre l’Europe.
C’est dans ce but que le Président de la République a réuni à Paris, le 28 août dernier, ses homologues allemand, espagnol, tchadien, nigérien, ainsi que la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini.
C’est aussi le sens des mesures concrètes que le Président a exposées dans son discours de la Sorbonne – je pense à la mise en place d’un véritable office européen de l’asile pour harmoniser les procédures, ou encore à la création d’une police aux frontières européenne.
Sur ce sujet comme sur d’autres, l’exigence de solidarité européenne repose sur un équilibre, une réciprocité, entre les droits et les obligations. La cohésion entre les États, la cohérence et la légitimité du projet européen passent par là.
L’unité de l’Europe passe également par une convergence sociale et fiscale accrue. Jacques Delors a coutume de dire que « le modèle économique européen doit se fonder sur trois principes : la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit ».
Force est de reconnaître que l’Union européenne a davantage avancé sur le premier volet que sur les deux autres. Or il est fondamental de préserver un équilibre pour que les États membres convergent économiquement et socialement, et le fassent vers le haut. C’est ce que nous demandent nos concitoyens.
Je pense notamment au travail détaché ; je sais que ce sujet mobilise l’attention et le travail du Parlement. La directive actuelle n’est satisfaisante pour personne : ni pour les travailleurs français, qui font face à une concurrence déloyale, ni pour les travailleurs étrangers, dont les conditions de vie et de travail sont souvent insuffisamment protectrices, ni pour leurs pays d’origine, qui souffrent d’une insuffisance de main-d’œuvre qualifiée.
L’ensemble des ministres concernés par ce dossier est mobilisé, avec une méthode claire : parler à tous, écouter nos partenaires, notamment les pays d’Europe centrale et orientale, afin de dégager des convergences avec le plus grand nombre d’entre eux.
J’ajoute que la convergence sociale passe aussi par la définition d’un socle minimal des droits sociaux européens. Parvenir à cet objectif est indispensable ; cela fait partie de la refondation, et le Premier ministre participera à Göteborg, dans les jours qui viennent, à une rencontre dont l’objectif est que nous avancions sur ce sujet.
Cette convergence des niveaux de développement est aussi le but du Fonds de cohésion, qui bénéficie aux États membres les plus éloignés du niveau moyen de développement en Europe. Il s’agit d’un outil puissant et nécessaire pour minimiser les disparités entre les régions, ce qui profite en même temps à la croissance collective.
Ce même objectif de minimiser les disparités au sein de l’Union guide l’affectation des fonds structurels. La France bénéficie, sur la période 2014–2020, de 27 milliards d’euros au titre des différents fonds. Les élus que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, savent l’importance de ce soutien européen à notre politique de cohésion économique, sociale et territoriale.
Sur le terrain économique, la condition de l’unité européenne est bien sûr le marché unique, avec, aujourd’hui, un objectif : progresser sur l’Union économique et monétaire, en poursuivant l’établissement de l’Union des marchés de capitaux, afin de stimuler la croissance en favorisant l’investissement et l’innovation. De même, les discussions doivent se poursuivre sur l’achèvement de l’Union bancaire, avec la mise en place d’un système européen de garantie des dépôts.
Plus généralement, nous devons faire de l’Europe une véritable puissance économique et monétaire, et c’est pour cette raison que le Gouvernement porte une ambition forte pour la zone euro. Nous souhaitons ainsi la renforcer, pour qu’elle puisse en particulier mieux garantir ses membres contre les crises financières lorsque c’est nécessaire. La proposition du Président de la République de créer un budget de la zone euro constitue un objectif pragmatique au service de cette ambition.
Le renforcement de la zone euro nécessitera également d’inventer une gouvernance adaptée, avec un ministre commun et un contrôle parlementaire au niveau européen, devant lequel ledit ministre devra rendre compte de son action. Mais, plus encore qu’une gouvernance, il sera nécessaire de définir les grandes orientations économiques et politiques de la zone euro, pour permettre à celle-ci de s’affirmer comme une puissance économique mondiale capable de défendre les intérêts des États membres.
Cette exigence de protection, c’est le deuxième élément qui définit aujourd’hui notre ambition d’une Europe souveraine.
Le souci de protection est inhérent au projet européen, y compris dans ses politiques les plus anciennes et les plus emblématiques. En effet, quelles étaient les préoccupations des Européens lorsqu’ils instituèrent la politique agricole commune ? C’étaient la protection du revenu des agriculteurs, la sécurité alimentaire, la protection des consommateurs. À ces objectifs historiques se sont ajoutés la protection de l’environnement et le développement rural. Et nous devons, dans le cadre d’une PAC rénovée, nous assurer que ces objectifs essentiels seront encore mieux atteints, afin que notre agriculture assure un niveau de vie décent aux producteurs et que les consommateurs puissent accéder à des produits agricoles de qualité à un juste prix.