Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de l’avenir de l’Union européenne, c’est débattre de notre propre avenir, de celui de tous les Français, c’est donner une vision et un espoir pour les générations à venir. C’est, pour reprendre la formule que vous avez utilisée, monsieur le ministre, « quantifier la conscience de nos concitoyens d’être Européens ». C’est aussi retrouver l’esprit qui a guidé les Pères fondateurs de notre Union.
Lors de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à proposer une refondation de l’Union européenne. Force est de constater que, depuis son élection, le Président de la République ne s’est pas ménagé sur ce dossier, et je souhaite saluer sa détermination ainsi que le contenu des deux discours ambitieux qu’il a prononcés, début septembre à Athènes et il y a deux semaines à la Sorbonne. Le Président de la République a posé les bases de son engagement et de son ambition pour l’Europe.
Pour retrouver le souffle originel de l’Europe, deux piliers solides me paraissent importants à mettre en exergue : une Europe plus démocratique devrait permettre de renouer le lien avec les citoyens européens ; une Europe plus protectrice doit assurer un rôle concret aux institutions de l’Union.
Dans un premier temps, il apparaît une volonté de recréer une « Europe souveraine, unie et démocratique », comme énoncé dans le discours de la Sorbonne. Cette refondation démocratique ne pourra se faire qu’en associant l’ensemble des citoyens à la réflexion et aux décisions à prendre. Nous ne pouvons plus « jouer » avec l’opinion publique, comme cela a été souvent le cas lors des décennies écoulées, en particulier après différents référendums plus ou moins concluants.
Le Président de la République a proposé que soient organisées des conventions démocratiques en 2018 dans l’ensemble des États membres qui le souhaitent, afin d’écouter et de faire débattre les Européens entre eux. La reconstruction doit partir des peuples. C’est le meilleur moyen de donner l’envie d’Europe. C’est aussi une bonne manière d’intégrer des idées nouvelles soutenues par les citoyens.
Je pense que les parlements nationaux auront également toute leur place dans ces conventions. Il sera d’ailleurs important que notre commission des affaires européennes – n’est-ce pas, monsieur le président Bizet ? – contribue à ces débats. Nous savons, monsieur le président du Sénat, pouvoir bénéficier de votre soutien.
Nous avions produit l’année dernière un important rapport avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, intitulé Relancer l’Europe : retrouver l’esprit de Rome. Il pourrait servir de base à une réflexion qui s’inscrit dans le cadre des propositions du Président de la République.
Redonner du sens à la démocratie européenne, c’est aussi redonner une légitimité au Parlement européen. La proposition de listes transnationales aux prochaines élections européennes va dans le bon sens : elle améliore le sentiment d’appartenance à une communauté de citoyens européens, la possibilité de partager un projet.
Cela devrait peut-être également passer par un rééquilibrage des pouvoirs entre les différentes institutions communautaires, avec un Parlement plus représentatif, plus démocratique. Vous connaissez aussi l’importance de la question des moyens, du montant du budget européen, de la possibilité de disposer d’un budget de la zone euro.
Étant donné l’état de l’opinion publique, et ce depuis de nombreuses années, il y a urgence à lancer ces débats. Les deux années à venir seront, je l’espère, celles de la reconstruction démocratique. Notre pays en sera acteur ; il est revenu dans le débat, il a retrouvé « une volonté d’Europe », « une exigence de responsabilité », pour reprendre les mots de M. le ministre.
Dans un second temps, et au-delà de la refondation démocratique de l’Union, il nous faut lui redonner du sens, à la mesure de sa dimension et à la mesure des attentes des citoyens, et j’entends, à cet égard, que tout n’est pas qu’économie sur ces sujets. Pour cela, l’axe principal sur lequel je souhaite m’attarder est celui d’une Europe qui protège. La protection peut couvrir des champs naturellement divers.
Une Europe qui protège, c’est une Europe qui tend vers une convergence des droits sociaux, des droits des salariés et de la fiscalité.
À cet égard, l’initiative lancée par la France sur la révision de la directive dite « travailleurs détachés » est un marqueur fort, et elle est assez différente de ce qui a été dit par l’orateur qui m’a précédé. Aujourd’hui, la situation n’est convenable ni pour les salariés ni pour les entreprises, tant sont déséquilibrées les conditions de travail et de protection sociale.
Dans ce domaine, nous devons également nous lancer – c’est aussi une réponse à l’intervention précédente – dans une refonte des bases de la fiscalité des entreprises. La convergence fiscale doit être recherchée pour limiter le dumping entre les différents États membres. Elle doit également nous permettre de nous protéger des stratégies à caractère d’optimisation fiscale et anticoncurrentiel de certaines multinationales ; vous aurez reconnu la problématique propre aux « GAFA ».
Une Europe qui protège, c’est une Europe favorable au développement économique, à la recherche et à l’innovation technologique, mais c’est aussi une Europe suffisamment unie et puissante pour adopter des règles justes vis-à-vis de ce type d’entreprises, qui ne peuvent pas se développer au détriment des citoyens ou au détriment de plus petites sociétés.
Enfin, une Europe qui protège, c’est aussi une Europe qui assume des choix clairs en matière de sécurité et de défense.
Depuis plus de deux ans, toute l’Europe est la cible d’attentats, sans cesse plus meurtriers. Une réponse concertée et une protection forte au niveau de l’Union sont indispensables.
En matière de défense, l’Europe pourrait aussi se doter d’une force commune d’intervention et d’un budget de défense commun, tel que l’a proposé le Président de la République et tel que vous l’avez évoqué dans votre intervention, monsieur le ministre.
N’oublions pas non plus la dimension du renseignement dans la lutte contre le terrorisme : celui-ci se coordonne, s’organise au niveau européen.
Pour conclure, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui à cette tribune soutient totalement les démarches entreprises par le Président de la République pour refonder l’Europe et lui redonner tout son sens.
Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous avons le sentiment que la France retrouve une place de leader, une parole dans la construction européenne, et ce dans un partenariat de bon aloi avec nos voisins allemands.
Oui, mes chers collègues, nous avons besoin d’Europe, et surtout d’une Europe forte qui puisse jouer un rôle de pivot et de stabilisateur. Nous ne partageons pas la vision, même si elle est bien sûr respectable, de mon prédécesseur à cette tribune, car il ne faut pas exploiter toutes les facettes d’une volonté de catastrophe ou de déclinisme. Pour être plus explicite encore, je dirai que nous sommes fiers de siéger dans cet hémicycle devant le drapeau tricolore, mais également devant le drapeau de l’Europe !