Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 11 octobre 2017 à 14h30
Avenir de l'union européenne — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, quelle Europe pour demain ? Si l’on songe aujourd’hui à ce qui se joue en Espagne, on pourrait se dire que c’est un obstacle de plus au grand projet européen.

Le réveil identitaire qui agite cet État membre, un voisin, un ami de la France, travaille aussi, nous le savons, d’autres pays. L’entrée massive au Bundestag de l’AfD aux dernières élections allemandes a une nouvelle fois démontré le poids croissant des mouvements nationalistes, populistes et eurosceptiques au sein de plusieurs États membres, la France n’échappant pas à cette tendance. C’est un défi politique qui s’ajoute à de nombreux autres, quand il n’en est pas une conséquence.

Crise de la dette, crise migratoire, terrorisme : l’Europe est sur tous les fronts, avec – il faut le souligner – des résultats. Certains prêtent beaucoup de maux à l’Union européenne sans se demander ce que serait chacun des pays européens seul, isolé, face à la puissance démographique et industrielle de la Chine, face à l’hégémonie financière américaine, ou encore, à terme, face aux grands ensembles régionaux qui s’organisent aussi bien en Asie qu’en Amérique du Sud.

En effet, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, l’addition des forces est une nécessité et une condition de la survie économique de la plupart des États membres de l’Union européenne, contrairement à ce que certains aimeraient faire croire.

Que serait devenue la Grèce sans tous les mécanismes de sauvetage et de régulation mis en œuvre depuis 2010 ? Quel serait l’état de nos frontières sans FRONTEX, l’accord avec Ankara ou bien d’autres instruments venus depuis 2015 contenir un mouvement migratoire avec lequel il faudra vivre ?

Naturellement, beaucoup reste à faire, mais, quelle que soit l’ampleur de la tâche, nous ne devons pas attendre d’être au pied du mur pour agir. Trop souvent, certains des outils que j’ai cités sont intervenus dans l’urgence. Parfois même, c’est l’émotion qui a accéléré une politique, comme ce fut le cas pour la politique migratoire parce qu’un corps innocent échoué sur une plage avait heurté les consciences. C’est regrettable !

En attendant, malgré ses insuffisances, ses retards, l’Union européenne doit demeurer notre indéfectible horizon. La déclaration de Bratislava le concède : « L’Europe n’est pas parfaite, mais c’est le meilleur instrument dont nous disposons pour relever les nouveaux défis ». Le 26 septembre dernier, à la Sorbonne, le Président de la République a rappelé que l’Europe était « une idée portée depuis des siècles par des pionniers, des optimistes, des visionnaires et que sans cesse il nous appartient de nous réapproprier ».

Oui, mes chers collègues, les Pères fondateurs ont inventé l’Europe, nous avons aujourd’hui le devoir de la réinventer. Le Président de la République a livré sa vision de l’Europe, une vision fondée sur le concept de souveraineté européenne et, pour ma part, en tant que président d’un groupe profondément européen, je ne peux que me réjouir de cet élan, et ce d’autant plus qu’il a été plutôt bien accueilli par nos partenaires.

Le Président a décliné cette nécessaire souveraineté en matière de défense, de contrôle des frontières, de politique étrangère, de transition écologique, de mutation numérique et, bien sûr, de puissance économique et industrielle.

Rien ne m’effraie dans la plupart des propositions avancées – au contraire ! – et certaines d’entre elles, assez concrètes, figurent déjà dans les discussions qui animent régulièrement le Conseil européen. D’autres convergent aussi avec le scénario 5 « Faire beaucoup plus ensemble », formalisé dans le Livre blanc sur l’Europe présenté au début de l’année par Jean-Claude Juncker.

Mais, pour qu’une vision pour plus d’Europe aboutisse, il faut que chacun des États membres se retrouve sur l’essentiel, que les valeurs que nous partageons soient clairement approuvées. La première d’entre elles, c’est la solidarité, et ce n’est pas une tâche facile que de l’encourager davantage. Elle a été souvent mise à rude épreuve au cours de ces dernières années, le Brexit en est un exemple.

Il faudra donc faire preuve d’une mobilisation sans bornes pour rappeler que la solidarité doit être au cœur du fonctionnement de l’Europe, car, sans celle-ci, rien ne peut avancer, aucune convergence fiscale, sociale ou environnementale ne peut aboutir sans un minimum de bonnes volontés partagées. Mais comment forcer cette solidarité quand elle fait défaut ? La réponse doit passer par une réforme des institutions. Cette question ne doit pas être taboue. Donnons-nous une chance de rendre le fonctionnement des institutions européennes plus transparent et plus démocratique. Ainsi, ses décisions seront mieux acceptées et les résistances mieux surmontées, en tout cas souhaitons-le !

Mes chers collègues, Maurice Faure, qui était mon mentor en politique, m’a confié un jour avoir négocié et signé le traité de Rome contre le Quai d’Orsay…

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