Intervention de Jean Bizet

Réunion du 11 octobre 2017 à 14h30
Avenir de l'union européenne — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de cette occasion de débattre avec le Gouvernement de l’avenir de l’Union européenne. Le Sénat avait en quelque sorte pris les devants, il y a déjà quelque temps : à la demande du président Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin et moi-même avions créé un groupe de suivi du Brexit et de la refondation de l’Union européenne, groupe commun aux commissions des affaires européennes et des affaires étrangères. Retrouver l’esprit de Rome, tel était l’intitulé partiel du rapport qui en est issu et tel est le défi qu’il nous incombe désormais de relever.

Au terme de huit mois de travaux, à quels constats sommes-nous arrivés ? La construction européenne est un grand projet, mais l’Europe est confrontée à de graves crises internes. La décision britannique a constitué un choc. C’est un non-sens géostratégique – gardons-nous d’ailleurs d’encourager les autres forces centrifuges à l’œuvre ! Je profite de cette occasion pour saluer le travail de notre ancien collègue Michel Barnier, qui, avec beaucoup de fermeté et de rationalité au regard de l’incohérence et de l’inconstance britanniques, mène l’ensemble des négociations.

Nous voulons une séparation ordonnée d’avec le Royaume-Uni et la construction d’une relation solide pour l’avenir, mais un échec des négociations est toujours possible. L’Union doit maintenir sa position, qui est claire : pas de passage à la seconde phase sur les relations futures avant la résolution des trois questions clefs que constituent la situation des citoyens européens installés au Royaume-Uni, le règlement financier et la question de l’Irlande, M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a rappelé tout à l’heure.

L’Europe paie aussi son impuissance face à la crise économique et financière, aux attaques terroristes et au choc migratoire.

Pour relever ces défis, une vision et un leadership font défaut. Les États membres ont refusé de s’approprier véritablement le projet européen, avec une fâcheuse propension à reporter sur l’Union la responsabilité de tous les maux pour s’en attribuer les seules réussites. Nous en avons payé le prix fort, avec une dérive bureaucratique doublée d’un déficit démocratique, qui a alimenté la montée des populismes. La défiance a donc remplacé la confiance.

Il n’y a en réalité qu’une alternative : soit le sursaut européen, soit, malheureusement, la sortie de l’histoire. Le Brexit doit précisément donner le signal du sursaut. L’Europe ne doit pas seulement être une « Europe espace », centrée sur le marché intérieur, mais doit être plutôt une « Europe puissance », assumant sa dimension politique. Le projet européen doit être refondé sur une vision assumée, portée par les États-nations, à partir de quelques priorités pour lesquelles la plus-value européenne est clairement identifiée par les peuples.

L’Europe doit se réaffirmer comme puissance. Elle doit exercer ses responsabilités en matière de défense, dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure et consolider sa réponse à la crise migratoire. C’est une attente forte des peuples européens ; il faut y répondre. Première puissance commerciale, avec la force de son marché unique – on aurait tort de l’oublier –, l’Union doit se faire respecter dans les négociations commerciales internationales, notre collègue André Reichardt l’a rappelé à l’instant.

L’Europe doit définir des priorités économiques. À l’image d’Airbus ou d’Ariane hier, elle doit lancer de nouvelles actions pour la croissance et l’emploi ; le numérique et l’énergie sont des priorités. L’Europe doit aussi aller vers la convergence fiscale. La politique de la concurrence doit être mise au service de la reconquête industrielle et de l’emploi et non plus constituer une entrave à l’émergence de champions européens. L’Union européenne doit parachever la gouvernance de l’euro avec un contrôle démocratique effectif impliquant pleinement les parlements nationaux.

Il s’agit également de renforcer la cohésion européenne, en progressant vers la convergence sociale – le dossier des travailleurs détachés en souligne l’impérieuse nécessité – et en modernisant la politique de cohésion. Cette politique est nécessaire aux pays d’Europe centrale et orientale qui ont rejoint l’Union, mais nos obligations en la matière n’ont d’égale que leur propre obligation à respecter les valeurs de l’Union.

Je veux aussi insister sur l’enjeu crucial de la prochaine réforme de la politique agricole commune. Nous y avons travaillé avec la commission des affaires économiques et, dans la résolution qui en est issue, le Sénat « rappelle la légitimité d’une politique agricole commune forte, simple et lisible » et il affirme l’importance de la PAC pour « la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire » de l’Europe tout entière.

Cette Europe recentrée doit respecter pleinement la subsidiarité ; elle doit être plus lisible et plus proche des citoyens ; elle doit faire toute leur place aux parlements nationaux. Le fonctionnement institutionnel doit être revu, au travers notamment d’une diminution du nombre de commissaires. L’Europe a également besoin de simplification et de transparence ; cela doit être une priorité permanente.

Cette nouvelle ambition doit être portée par le moteur franco-allemand, lui seul peut réveiller l’Europe. L’Allemagne cherche des partenaires fiables et forts. Partenaire, la France l’est depuis le premier jour ; fiable et forte, elle pourrait l’être davantage si elle assumait et entreprenait les réformes qui sont sans cesse pensées, mais toujours repoussées. La relation franco-allemande ne doit pas être exclusive ; elle n’en est pas moins décisive. Une feuille de route franco-allemande tournée vers les enjeux du XXIe siècle, tels que la numérisation de notre économie, donnera une impulsion nouvelle au projet européen.

Le pragmatisme conduit aussi à encourager le recours aux coopérations renforcées entre les États membres volontaires pour avancer. Nous n’y avons recouru que trop peu souvent, je dois le déplorer ; or, chaque fois que nous l’avons fait, nous avons eu du succès. L’avant-dernier en date, la coopération renforcée sur le brevet communautaire, a été un véritable succès pour la dynamisation de l’économie européenne.

L’Union européenne doit enfin redevenir le projet partagé des citoyens européens. Mobilisons les jeunes autour de ce projet ! Le programme Erasmus constitue une formidable réussite : plus de trois millions d’étudiants en ont bénéficié, Colette Mélot l’a rappelé tout à l’heure. Il faut maintenant aller plus loin et mettre en place un programme Erasmus pour les apprentis. Autant de sujets et de dossiers qui nous attendent…

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