Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 11 octobre 2017 à 14h30
Avenir de l'union européenne — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, président de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en septembre dernier, le Président de la République et le président de la Commission européenne ont chacun lancé un appel en faveur d’une Union européenne plus forte. Or une Union plus forte, ainsi que l’a exprimé M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, passe par une Europe qui soit une véritable puissance économique et financière ; une Union plus forte suppose une Union économique, monétaire et financière plus forte.

Le Brexit nous pousse à faire de l’Europe continentale un centre financier majeur pouvant s’appuyer sur une union des marchés de capitaux. La France doit tirer son épingle du jeu dans la réorganisation en cours, et il est positif que le Gouvernement ne remette pas en cause les mesures prises par le gouvernement précédent pour améliorer la compétitivité de la place de Paris, et qu’il reprenne même dans le projet de loi de finances des mesures proposées par la commission des finances du Sénat et par son rapporteur général, notre collègue M. de Montgolfier.

L’avenir de l’Union suppose également de consolider la zone euro. De nombreuses mesures ont été adoptées ces dix dernières années pour répondre aux situations d’urgence rencontrées lors de la crise.

Aujourd’hui, le débat sur l’avenir de la zone euro est intense, mais surtout institutionnel. Les propositions ne manquent pas : ministre des finances de la zone euro, budget propre, Fonds monétaire européen, Trésor de la zone euro, Parlement de la zone euro… Il s’agit là de sujets importants et qui soulèvent des questions juridiques, comme l’ont illustré les auditions que nous avons organisées sur ce thème en juillet dernier.

Toutefois, ce débat institutionnel ne doit pas nous éloigner de la question essentielle : la zone euro serait-elle aujourd’hui en mesure de faire face à une nouvelle crise d’une ampleur comparable ou supérieure à celle de 2008 ? Et, parmi les réformes proposées, lesquelles sont les mieux à même de protéger les citoyens européens ?

L’architecture et le fonctionnement de la zone euro demeurent vulnérables. Si les mesures de la Banque centrale européenne sont efficaces, les gouvernements ne pourront pas se reposer indéfiniment sur son action.

La décision du peuple britannique de sortir de l’Union européenne et les négociations sur le Brexit ne doivent pas nous conduire à remettre à plus tard la réforme de la zone euro. Au contraire, il s’agit d’une raison supplémentaire pour avancer rapidement.

À cet égard, quatre ensembles de mesures revêtent une importance particulière pour l’avenir de l’Union économique et monétaire.

Premièrement, avec l’Union bancaire et la prise en charge des risques rencontrés par les systèmes bancaires nationaux, nous vivons un test grandeur nature de la capacité des États à gérer ensemble les risques en partageant leur souveraineté. Le test n’est pas encore concluant puisque les discussions sur le mécanisme européen de garantie des dépôts bancaires et le Fonds de résolution unique sont bloquées, et vous nous direz si vous pensez que la nouvelle feuille de route présentée par la Commission européenne sera de nature à faire avancer les choses.

Deuxièmement, le mécanisme européen de stabilité doit être renforcé pour répondre aux crises pouvant affecter la stabilité de la zone euro. Toutefois, il ne pourra pas devenir un véritable fonds monétaire européen, prêteur en dernier ressort des États membres, sans une réflexion préalable sur son contrôle démocratique par les parlements nationaux.

Troisièmement, il manque aujourd’hui un mécanisme de stabilisation budgétaire en cas de choc macroéconomique affectant la zone euro, notamment dans des circonstances où la politique monétaire atteindrait ses limites. Que ce mécanisme prenne la forme d’un budget d’investissement de la zone euro ou d’une ligne budgétaire dédiée à la zone euro au sein du budget de l’Union, sa mise en œuvre aura des conséquences sur nos systèmes fiscaux, en partageant des ressources ou en en levant de nouvelles. Là encore, nous touchons à l’essence de la souveraineté des États.

À ce sujet, la proposition du président de la Commission européenne d’introduire le vote à la majorité qualifiée en matière de fiscalité soulève une question cruciale : alors que la concurrence fiscale s’attise, quels États seraient prêts à renoncer à leur droit de veto sur la fiscalité ? La réussite de plusieurs chantiers ambitieux initiés par la Commission européenne dépend de la réponse à cette question.

Enfin, la définition d’une politique économique européenne et un pilotage cohérent au niveau de la zone euro supposent une plus grande convergence des économies des États membres.

Les règles de surveillance budgétaire sont particulièrement complexes et sujettes à interprétation. Le débat actuel sur la flexibilité du pacte de stabilité et de croissance en est un exemple éloquent. A minima, une clarification des règles de surveillance budgétaire et de leurs objectifs serait donc la bienvenue.

S’agissant des réformes structurelles, les recommandations adressées chaque année aux États membres par leurs pairs réunis au sein du Conseil ne deviennent pas des éléments des débats publics nationaux.

La procédure est « hors sol » : elle manque probablement d’ancrages démocratiques, là encore, dans les institutions nationales.

Madame la ministre, mes chers collègues, en définitive, la mise en œuvre des mesures nécessaires pour rendre la zone euro plus solide suppose une volonté politique forte et une confiance mutuelle entre États membres. Pour reprendre les mots de Jean Monnet, « il n’y a pas d’idées prématurées, il y a des moments opportuns qu’il faut savoir attendre. » Près de dix ans après le déclenchement de la crise économique et financière et alors que le Conseil européen est appelé à statuer sur l’avenir de l’Union d’ici à mars 2019, le moment est certainement venu d’agir.

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