Intervention de Pierre Médevielle

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 octobre 2017 à 9h30
Proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d'eau potable — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle, rapporteur :

J'ai effectivement disposé de peu de temps pour rédiger ce rapport sur un texte technique, relativement bref, et qui a le mérite assez rare de proposer une réelle simplification.

Cette proposition de loi a été déposée par nos collègues Bernard Delcros et René Vandierendonck le 1er août 2017. Elle a été cosignée par plusieurs membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il s'agit donc d'une initiative transpartisane.

J'en viens au contexte général d'élaboration de ce texte. Le 23 juin 2016, le Sénat et le CNEN, présidé par notre ancien collègue Alain Lambert, ont conclu une charte de partenariat afin de renforcer leur coopération en faveur de la simplification des normes.

Notre assemblée est très mobilisée sur ce sujet de la simplification depuis plusieurs années, en particulier dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales. Je salue à ce titre l'engagement et le travail de notre collègue Rémy Pointereau, qui fut ces trois dernières années vice-président de la délégation en charge de la simplification des normes.

Dans le cadre de ce partenariat, auquel le président Gérard Larcher est très attaché, le Sénat a été saisi le 1er février 2017 par le CNEN de difficultés relatives au service public d'eau potable. Il s'agit plus spécifiquement de problèmes liés au délai donné aux collectivités territoriales pour transmettre certaines informations aux agences de l'eau. Afin de répondre à cette saisine, la délégation a missionné Bernard Delcros et René Vandierendonck. Lors d'une table ronde organisée au Sénat le 20 juin 2017, nos collègues ont réuni les principaux acteurs concernés : le CNEN, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et le ministère de l'environnement. Cette rencontre a permis de préciser les difficultés rencontrées et d'identifier les solutions possibles. Un travail de rédaction a ensuite été mené, en étroite collaboration avec les différentes parties prenantes. Finalement, la présente proposition de loi a été déposée le 1er août 2017.

J'en viens au fond. Les communes ou les EPCI doivent verser aux agences de l'eau une redevance sur les prélèvements en eau, dans le cadre de l'exercice de leur compétence en matière de service public d'eau potable. Pour déterminer le montant de la redevance due au titre d'une année, chaque collectivité doit transmettre avant le 1er avril de l'année suivante les volumes prélevés ainsi que plusieurs indicateurs de performance. Lorsque le taux de perte sur le réseau dépasse un certain seuil et que la collectivité n'a pas établi de plan d'actions pour y remédier, la redevance fait l'objet d'une majoration qui double le montant dû à l'agence de l'eau.

Cette déclaration avant le 1er avril pose des difficultés pour certaines collectivités qui ne disposent pas de données stabilisées aussi tôt dans l'année. À partir d'informations non définitives, les collectivités peuvent donc avoir à subir une majoration aléatoire. Ces informations sont souvent consolidées ultérieurement, dans le cadre du rapport sur le prix et la qualité de service (RPQS), qui doit être présenté au plus tard le 30 septembre dans les collectivités de plus de 3 500 habitants, et dont les données doivent être saisies dans un système informatique lié aux agences de l'eau.

La date du 1er avril est particulièrement difficile à respecter lorsque les activités de production et de distribution de l'eau sont séparées, car certaines données nécessaires au calcul de la redevance ne sont alors pas directement détenues par la collectivité redevable.

Ces incohérences de calendrier posent deux problèmes : l'application de la majoration s'appuie sur des indicateurs non définitifs, ce qui peut conduire à une majoration indue. En outre, ces différentes échéances créent des charges administratives supplémentaires, compte tenu d'une première transmission de données non consolidées, suivie d'une rectification ultérieure. En d'autres termes, cette situation est à l'origine d'une instabilité financière pour les collectivités, et de contraintes administratives jugées excessives pour de nombreux élus locaux.

Il avait été envisagé de reculer la date de transmission des données au 30 juin, mais cette solution n'a pas été jugée satisfaisante. C'est pourquoi cette proposition de loi prévoit qu'au lieu d'être mise en oeuvre dès l'année suivante, la majoration sera appliquée deux ans après le fait générateur. En d'autres termes, la transmission des indicateurs de performance pour une année n et l'application éventuelle de la majoration seront effectuées non pas l'année n+1 mais l'année n+2. Les indicateurs seront alors complètement stabilisés, ce qui garantira une application fiable du mécanisme de majoration. La sécurité juridique et financière des collectivités s'en trouvera donc renforcée.

Le second élément de simplification pour les collectivités territoriales est le pré-remplissage de la déclaration effectuée auprès de l'agence de l'eau avant le 1er avril. En effet, dans le cadre de la présentation du RPQS, les collectivités auront déjà renseigné les indicateurs de performance dans le système informatique des agences de l'eau. La proposition de loi prévoit donc que la déclaration à effectuer avant le 1er avril sera pré-remplie grâce à ces informations.

Cette évolution s'inspire de la logique du « dites-le nous une fois », visant à réduire la charge administrative en évitant les transmissions redondantes lorsque l'administration dispose déjà des informations concernées.

L'application de ces nouvelles dispositions nécessite cependant un temps d'adaptation. C'est pourquoi leur entrée en vigueur est différée. Les dispositions de ce texte entreront en vigueur le 1er janvier 2020, pour tenir compte du transfert de la compétence eau aux EPCI prévu par la loi NOTRe, mais également pour permettre aux agences de l'eau de procéder aux développements informatiques nécessaires au pré-remplissage des déclarations. De plus, le dispositif de majoration ne sera pas appliqué en 2020 ni en 2021, afin de permettre le décalage nécessaire à la mise en oeuvre du nouveau calendrier mais aussi pour ne pas imposer aux EPCI nouvellement compétents une majoration liée à un exercice géré par une commune.

La proposition de loi prévoit ainsi deux années blanches pour la majoration de la redevance sur le prélèvement en eau, dans le cadre du service public d'eau potable. En partant du montant constaté ces dernières années, le manque à gagner pour les agences de l'eau serait théoriquement de 4 à 5 millions par an. Il faut toutefois noter que la plupart des cas récents de majoration étaient liés à la faible taille des collectivités redevables. Le transfert de la compétence eau aux EPCI devrait réduire le nombre de ces cas, et par conséquent diminuer le manque à gagner résultant de ces deux années blanches.

La proposition de loi propose donc une solution pragmatique à des difficultés administratives réelles, rencontrées par un grand nombre d'élus locaux. Compte tenu de l'effort de concertation qui a guidé son élaboration, je vous demanderai de la soutenir sans réserve et ne vous proposerai que des ajustements rédactionnels, ainsi qu'une modification permettant d'étendre le dispositif aux départements d'outre-mer.

Cette initiative illustre parfaitement l'engagement du Sénat en faveur de la simplification des normes. Elle témoigne aussi de son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales. En adoptant cette proposition de loi, nous ferons oeuvre utile et faciliterons l'exercice des compétences locales.

Enfin, ce texte permet de concrétiser le partenariat établi avec le CNEN. Je crois que nous pouvons tous nous en féliciter.

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