Intervention de Marc Laménie

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 octobre 2017 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « anciens combattants mémoire et liens avec la nation » et articles 50 et 51 - examen du rapport spécial

Photo de Marc LaménieMarc Laménie, rapporteur spécial :

Je recommanderai l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » du projet de loi de finances pour 2018, ainsi que des deux articles rattachés à la mission. Mon sentiment est toutefois mitigé car les équilibres proposés sont critiquables sur des points cruciaux.

Les crédits de la mission s'élèveraient à 2,459 milliards d'euros, dont 2,418 milliards de dépenses d'interventions, ce qui en fait, conformément à sa vocation, un réservoir de transferts en faveur du monde combattant.

Les crédits retracés dans le projet annuel de performances (PAP) donnent une image incomplète de l'effort financier de la Nation envers ses anciens combattants. Il convient d'y ajouter au moins 751 millions d'euros de dépenses fiscales, soit 31 % du montant des crédits d'intervention. Encore les dépenses fiscales ne sont-elles pas exhaustivement recensées par le PAP - et les dépenses sociales en sont exclues. D'ailleurs, compte tenu de la perspective d'une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), dont se trouvent exonérées plusieurs prestations versées aux anciens combattants, l'effort financier de la Nation en leur faveur s'en trouvera mécaniquement augmenté, sans pourtant qu'il en résulte aucun gain financier pour les bénéficiaires.

L'effort financier au bénéfice des anciens combattants tend à se déformer dans le sens d'une accentuation de la part des avantages sélectifs aux dépens des prestations à caractère universel. À cette tendance, il faut associer une forme de concentration sur certaines catégories de bénéficiaires au sein de la population générale des anciens combattants. C'est le résultat de la dynamique des dépenses fiscales, qui est relativement bonne par rapport à la tendance nettement baissière des dépenses budgétaires. C'est aussi la conséquence de l'alourdissement de la part des charges liées aux majorations de rentes mutualistes dans le total des interventions financées par le programme 169. Le nombre des bénéficiaires de ces majorations est trois fois moins important que celui des bénéficiaires de la retraite du combattant.

Cette accentuation de la sélectivité des prestations versées aux anciens combattants s'accompagne d'une sous-indexation chronique des interventions financées par la mission, ce qui renforce l'acuité des interrogations sur la distribution des transferts qu'elle met en oeuvre. L'évolution des dépenses de la mission est tendanciellement négative, puisque le nombre de ses bénéficiaires se réduit. Mais ce facteur démographique peut être plus ou moins ralenti par des mesures de revalorisation. Or celles-ci semblent obéir à un cycle : tous les cinq ans environ, on se souvient que l'indexation des prestations n'a pas permis d'en maintenir le pouvoir d'achat. Celle-ci est en effet calée sur la valeur du point d'indice de la fonction publique, qui connaît des fortunes diverses. Le projet de budget pour 2018 illustre cette cyclicité. Les crédits de transferts baissent de 3,1 %, ce qui réalise une économie d'environ 80 millions d'euros. C'est un peu moins que les 120 millions d'euros d'économies spontanées liées aux prévisions démographiques, mais c'est davantage que l'an dernier, si bien que la programmation budgétaire pour 2018 représente un premier pas vers un retour à la tendance naturelle des crédits. Si celle-ci n'est pas totalement rejointe, ce n'est que parce que des mesures de revalorisation acquises prolongent leurs effets en année pleine. Il faut certes noter l'impact des deux mesures nouvelles formalisées dans les articles rattachés à la mission. Mais, avec 6,5 millions d'euros, elles ne présentent pas les mêmes enjeux que le choix de ne pas indexer les différentes prestations. Il dégage une économie de plus de 23 millions d'euros.

En somme, le projet de budget adresse un signal plutôt négatif aux anciens combattants, celui d'une perte régulière de pouvoir d'achat des prestations qui leur sont versées et, avec elle, celui d'une dévalorisation de la reconnaissance de la Nation envers eux. Le projet de loi de programmation des finances publiques et sa traduction triennale pour les anciens combattants prolongent cette inquiétude d'autant que dans le passé le défaut d'indexation sur les prix a occasionné des pertes de pouvoir d'achat, notamment de la pension militaire d'invalidité. Dans ces conditions, il est indispensable que le filet de sécurité que constitue l'action sociale de l'ONAC-VG fonctionne bien. La préservation des moyens en 2018 et la consolidation des bases juridiques des interventions de l'établissement - qui conduit une restructuration à encourager - ne compensent pas tout, mais il faut plutôt s'en féliciter. L'engagement de la transformation de l'Institution nationale des Invalides (INI), à laquelle nous avons consacré une étude complète l'an dernier, est également un motif de satisfaction.

Dans ce contexte d'ensemble, je m'interroge sur les moyens de mieux agencer notre politique de reconnaissance envers le monde combattant. Outre la préoccupation de ne pas lui imposer une part disproportionnée dans la contribution au rétablissement de nos comptes publics, je crois qu'il conviendrait de réfléchir à l'adéquation entre notre appareil de reconnaissance et la nouvelle sociologie des combattants. La quatrième génération du feu présente des particularités qu'il faudrait sans doute mieux prendre en compte. Pour des jeunes gens qui quittent l'armée précocement après des périodes d'engagement militaire très fort, la perspective éloignée de disposer d'une retraite du combattant après 65 ans, voire plus, me paraît poser problème. De même, certaines situations individuelles devraient faire l'objet d'améliorations. Il en va ainsi de celle des forces qui protègent notre territoire contre les actions terroristes, notamment dans le cadre de l'opération Sentinelle, ou encore des aidants des très grands invalides de guerre.

Pour conclure, le PLF pour 2018, mais également la mission telle qu'elle est programmée pour les années 2018 à 2020, me semblent faire l'impasse sur des éléments importants. J'en mentionnerai deux parmi d'autres.

Le service universel obligatoire d'un mois, qui pourrait remplacer la Journée défense et citoyenneté (JDC), n'est pas budgété. Je rappelle que la JDC dure un jour et coûte environ 150 millions d'euros au budget de l'État. De son côté, la réorientation des missions de réparation des spoliations antisémites, financées par le programme 158, vers une politique plus proactive consistant à identifier des oeuvres spoliées et les ayants droit des réparations afin de lever les parts réservées des indemnisations, ne fait l'objet d'aucune traduction dans le projet de budget non plus que dans le projet de loi de programmation pluriannuelle.

Sous réserve de ces observations, qui valent avertissement, je vous recommande d'adopter les crédits de la mission.

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