Les moyens de la justice doivent augmenter, c'est une évidence. Le président du tribunal de grande instance de Lille dit qu'il ne fait même plus laver les carreaux, faute de moyens pour payer une femme de ménage. Cela fait peine.
Vous parlez de stabiliser les affectations des magistrats, j'en suis fort aise. Si l'on peut ouvrir ainsi des perspectives professionnelles à de brillants étudiants en droit qui peinent à s'insérer dans le monde professionnel et hésitent, en particulier dans le Nord, à s'engager dans une voie qui leur paraît inaccessible, c'est tant mieux. Car une telle situation est regrettable. Le juge est le garant des libertés, celles des plus misérables, en particulier. C'est un beau métier. Ceux qui l'exercent dans le Nord sont contents d'y être, et demandent même parfois des prolongations. Pour les autres, ils doivent comprendre qu'un fonctionnaire est appelé à s'adapter aux ambiances locales.
À Lille, 150 000 plaintes ont été déposées et 8 000 affaires pénales jugées. La conciliation, qui est une bonne chose, n'explique pas tout de cette déperdition. Les justiciables, qui veulent des explications sur les classements sans suite de leurs plaintes, se tournent bien souvent vers les élus locaux pour les obtenir...
Que les peines d'emprisonnement de moins de deux ans ne soient pas exécutées est un fait. À Tourcoing, j'ai mis en place des chantiers de travaux d'intérêt général dont le juge de l'application des peines est très content, vu le taux de jeunes en attente de sanction. Les faire participer à de tels chantiers, pour repeindre la salle de sports par exemple, c'est faire entendre qu'ils ont commis une infraction et qu'une sanction a bien été appliquée. Peut-être pourrait-on, dans le texte, inciter les municipalités à proposer de tels chantiers, car il n'y a rien de pire que de ne pas exécuter une peine prononcée.
J'ai évoqué la place du juge, garant des libertés. Il est de bon ton de dire qu'il faut déjudiciariser la protection des mineurs. J'estime, depuis trente ans que je travaille dans ce domaine, que l'on a baissé le seuil de tolérance pour en venir à confier à l'administration, au conseil départemental, le soin de s'occuper du sujet. Cela me peine, car un juge peut avoir plus de poids qu'un éducateur ou qu'un médiateur, face à une famille maltraitante, pour mettre le holà. Nous sommes dans un domaine où il ne faut pas négliger la puissance de la parole de la loi.