Je suis très heureuse de présenter devant votre commission le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette mandature. Ce PLFSS est un texte dense, qui fait des choix et qui porte une orientation politique forte.
Le texte a quatre dimensions. C'est d'abord le PLFSS des engagements tenus, sur le pouvoir d'achat ; l'aide aux entreprises et aux entrepreneurs, l'adossement du RSI au régime général, la priorité forte donnée à la prévention et l'attention portée à ceux de nos concitoyens qui sont dans les situations les plus difficiles et les plus vulnérables.
Si le projet de loi permet de tenir les engagements pris devant les Français, c'est parce qu'il est un PLFSSS de responsabilité. En tant que ministre en charge des solidarités, je suis particulièrement attentive, et vous l'êtes aussi, à l'équilibre des comptes, parce qu'il conditionne la confiance de nos concitoyens, à moyen et long terme, dans notre système de protection sociale. Le déficit de la sécurité sociale - régime général et FSV - devrait s'établir en 2017 à 5,2 milliards d'euros, en amélioration de 2,6 milliards par rapport à 2016. En 2018, ce déficit sera de 2,2 milliards d'euros, soit une nouvelle amélioration de 3 milliards d'euros. C'est le déficit le plus faible depuis 2001. Nous sommes donc clairement sur la trajectoire du retour à l'équilibre à l'horizon 2020, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale.
C'est aussi un PLFSS de la solidarité : nous avons fait des choix, mais ces choix privilégient les personnes, les familles les plus en difficulté, pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.
Le PLFSS revalorise le minimum vieillesse. Le Président de la République s'est engagé à le revaloriser de 100 euros pendant le quinquennat. Cela commencera avec une augmentation de 30 euros le 1er avril prochain, puis de 35 euros en 2019, et de 35 euros en 2020. Nous harmoniserons la date des revalorisations des avantages vieillesse au 1er janvier, en avançant celle du minimum vieillesse de trois mois et en reculant celle des pensions de trois mois. Cette mesure représente un moindre gain temporaire pour les pensionnés mais elle doit être mise en regard de l'effort de solidarité très important que représente la revalorisation du minimum vieillesse, un effort sur moins de trois ans de plus de 500 millions d'euros.
Je veux également mieux répondre aux besoins des personnes âgées en perte d'autonomie. Ce PLFSS crée 4 500 places d'hébergement permanent en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), 1 500 places d'accueil de jour ou d'hébergement temporaire. Nous renforçons l'encadrement en soins des Ehpad, avec 100 millions d'euros de crédits consacrés à cet objectif. Nous aiderons au déploiement d'infirmières de nuit pour une meilleure évaluation et une meilleure prise en charge des difficultés des personnes âgées pendant la nuit et éviter des hospitalisations inutiles. Cette forme d'organisation, adaptée, a fait ses preuves.
En matière de politique familiale, le PLFSS traduit ma priorité aux familles qui ont le plus de difficultés et en particulier aux familles monoparentales. Telles sont les orientations de la politique familiale que j'ai exposée au conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) début septembre : augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants ; créer une véritable politique de soutien à la parentalité, qui fait parfois défaut ; soutenir les familles fragiles, notamment monoparentales, et permettre aux femmes de travailler quelle que soit leur situation ; lutter contre la pauvreté des enfants, et nous lançons aujourd'hui avec le Président de la République une concertation nationale pour aboutir en mars 2018 à un plan d'ensemble de lutte contre la précarité des enfants et des jeunes.
Plusieurs dispositions du PLFSS augmenteront les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront de la hausse du complément familial majoré au 1er avril 2018, une augmentation de 17 euros par mois qui concernera 450 000 familles. Le montant de l'allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également, pour 750 000 familles monoparentales. Le montant maximum de l'aide à la garde d'enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, une garde à domicile ou une micro-crèche augmentera de 30 %. Ainsi, un parent avec un enfant, qui perçoit 2 000 euros de revenus et qui emploie directement une assistante maternelle, percevra jusqu'à 138 euros de plus par mois pour payer la garde de son enfant. Nous faisons évoluer le montant du barème et le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Ce faisant nous dégageons des marges d'action pour satisfaire aux besoins prioritaires, nous redonnons une cohérence dans l'articulation de ces deux prestations qui assurent la continuité de la prise en charge des enfants, et nous mettons fin au gel depuis près de cinq ans de la prime de naissance. Cette mesure d'harmonisation du montant et du barème de la Paje ne sera appliquée qu'au flux des bénéficiaires, pour les enfants nés à compter du 1er avril 2018, elle ne touchera pas les bénéficiaires actuels.
C'est enfin un PLFSS de transformation. L'ambition de réforme concerne d'abord le champ de la protection sociale. Le 1er janvier 2018, le RSI sera adossé au régime général. C'est l'une des réformes les plus importantes depuis la création de la Sécurité sociale en 1945, nous nous donnons le temps nécessaire pour la mener : une période de deux ans sera ouverte pour faire évoluer les organisations et mener le dialogue social avec les représentants des caisses. Nous avons dit aux personnels du RSI et à celui des organismes conventionnés gérant l'assurance maladie des travailleurs indépendants toute l'attention que nous portons à cette mutation, qui ne doit pas les pénaliser. La dimension sociale du projet est l'objet de toutes nos attentions.
L'ambition de transformation concerne également le champ de la santé. Je construis une stratégie nationale de santé. J'indiquerai en décembre les choix retenus, qui seront le cadre d'un plan national et de plans régionaux de santé, au printemps.
Cette stratégie privilégie quatre priorités : la prévention, l'égal accès aux soins, l'innovation et la pertinence et la qualité des soins. La promotion de la prévention est centrale dans ma politique. Ce PLFSS comporte deux mesures très fortes et emblématiques avec un impact financier et je souhaite que le Sénat soutienne ces orientations. Je veux rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins - obligatoires ou recommandés actuellement dans le calendrier vaccinal. De sept à huit enfants sur dix les reçoivent déjà : ce n'est donc pas un bouleversement des habitudes. Ce taux est toutefois insuffisant pour éviter des épidémies. Je souhaite atteindre le taux de neuf enfants vaccinés sur dix pour éviter des épidémies, des handicaps ou des décès inutiles chez les enfants.
Ce PLFSS porte aussi une hausse importante des prix du tabac, sur trois ans, avec une hausse d'un euro par paquet dès le 1er mars 2018. Le tabagisme, première cause de mortalité évitable en France, cause près de 80 000 morts par an, des souffrances pour les familles et des vies abrégées. Je remercie vivement M. Darmanin pour le dialogue noué avec son ministère - c'est suffisamment rare et inhabituel - pour progresser vers cet objectif majeur de santé publique. Nous accompagnerons cette hausse par la prévention, avec un deuxième programme national de réduction du tabagisme (PNRT) en mars. Nous lutterons également contre les marchés parallèles.
L'égalité d'accès aux soins comporte une double dimension, sociale et territoriale. Le PLFSS ne comporte pas directement de dispositions relatives au « reste à charge zéro » mais j'ai proposé de reporter la mise en oeuvre du règlement arbitral dans le domaine dentaire afin de rouvrir un espace de négociation avec les professionnels. La négociation qui s'est ouverte doit prendre en compte l'objectif du zéro reste à charge pour des soins indispensables. Ce chantier couvre aussi l'optique et les audioprothèses et je ferai connaître très rapidement le cadre de travail et de concertation pour aboutir à un accord avant la fin du premier semestre 2018. Ces dispositions figureront donc dans le PLFSS pour 2019.
J'ai présenté vendredi dernier avec le Premier ministre un plan pour renforcer l'égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Je sais l'importance que vous attachez à cette question et je remercie M. Daudigny et M. Cardoux pour la grande qualité de leur rapport mais aussi Mme Doineau qui a accepté d'accompagner la mise en oeuvre de ce plan, qui comporte quatre axes : le renforcement de l'offre de soins dans les territoires par une présence médicale et soignante accrue ; la mise en oeuvre de la révolution numérique en santé, une meilleure organisation des professions de santé pour assurer une présence soignante pérenne et continue et une nouvelle méthode de gouvernance, qui fait confiance aux acteurs et promeut une responsabilité territoriale. Ce plan sera copiloté avec les élus et ne requiert pas de mesure législative de mise en oeuvre.
Ce PLFSS portera la généralisation de l'usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental pour les faire entrer dans le droit commun. Il donnera également une base légale pérenne au dispositif Asalée (action de santé libérale en équipe).
S'agissant de l'innovation et de la pertinence des soins, je veux faciliter l'expérimentation de formes d'organisation et de rémunération nouvelles pour dépasser les logiques sectorielles ville-hôpital, rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, et prendre en compte la prévention et la pertinence des actes réalisés.
Je vous propose donc d'adopter un cadre général pour lancer et évaluer ces expérimentations. Je souhaite faire évoluer et compléter les dispositifs actuels - rémunération à l'acte ou tarification à l'activité (T2A). Le levier tarifaire est fondamental pour l'évolution de notre système de santé, vers plus de prévention et de pertinence des soins. Nous prévoyons un Ondam fixé à 2,3 %, taux conforme à l'engagement du Président de la République et supérieur à celui des trois années précédentes. Il consacre 4,4 milliards d'euros de plus pour la couverture des soins, prend en compte des engagements déjà souscrits, dont la convention médicale avec les médecins libéraux signée en 2016. Son impact, important en 2017, le sera encore en 2018. C'est pourquoi le sous-objectif des soins de ville sera supérieur au taux global d'Ondam à 2,4 %. Cette convention va dans le sens de mes orientations, elle valorise mieux l'action des généralistes et prend mieux en compte notamment les actes complexes ou ceux réalisés dans des situations d'urgence. Les recettes des établissements augmenteront de 2,2 %, soit un taux supérieur à l'an passé, grâce à l'apport du relèvement de deux euros du forfait journalier. Ce dernier n'a pas augmenté depuis 2010 et correspond à l'inflation constatée depuis lors et à celle anticipée de 2018.
Un Ondam à 2,3 % reste un Ondam exigeant. J'entends les critiques de l'industrie du médicament puisqu'il prévoit des baisses de prix de près d'un milliard d'euros. Mais nous avons augmenté à 3 % le taux Lh d'évolution des prescriptions hospitalières, ce qui favorisera les produits les plus innovants pour les maladies orphelines ou graves. J'entends aussi les critiques de l'industrie ou des distributeurs de dispositifs médicaux. Je recherche une plus grande pertinence dans la prescription et l'usage de ces dispositifs.
Cet Ondam exigeant permettra un investissement immobilier et numérique à hauteur de 400 millions d'euros et l'amélioration des prises en charge médico-sociales.
Ce PLFSS met en oeuvre des réformes concrètes au bénéfice des citoyens et engage des transformations en profondeur de nos systèmes de santé et de protection sociale.