Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 18 octobre 2017 à 14h30
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault, ministre :

Au reste, peut-on raisonnablement demeurer encore dans l’état d’urgence, alors que nous y vivons désormais depuis plus de deux ans ?

Le Gouvernement ne le pense pas et fait sienne la formule du Conseil d’État, monsieur le président de la commission, selon laquelle « l’état d’urgence est un régime de pouvoirs exceptionnels ayant des effets qui, dans un État de droit, sont par nature limités dans le temps et dans l’espace ». Face à une menace devenue durable, il nous faut avoir recours à des instruments ayant vocation à y répondre de façon permanente.

C’est cette voie que le Gouvernement a entendu privilégier en partant du constat qu’il convenait, après deux années d’application de ce régime juridique exceptionnel, de sortir de l’état d’urgence tout en réfléchissant aux outils pouvant alors faire défaut à nos services pour lutter contre la menace terroriste.

Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, est exclusivement destiné à lutter contre le terrorisme pour ce qui concerne ses quatre premiers articles, qui ont été les plus débattus.

Contrairement aux mesures de police administrative de l’état d’urgence, ces nouveaux outils ne permettent pas de lutter contre des menaces à la sécurité et à l’ordre publics, mais sont prévus « aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme ».

Certes, nous n’avons pas la prétention d’affirmer que ce texte nous permettra d’éradiquer le péril terroriste et d’éviter les attentats. Qui pourrait le prétendre ? Au demeurant, les attentats commis, échoués ou entravés en 2017 démontrent à eux seuls que l’état d’urgence ne constitue pas non plus un bouclier contre le terrorisme.

Toutefois, le Gouvernement a une certitude. Au travers de ce texte que vous vous apprêtez à adopter, nous mettons de notre côté toutes les chances de prévenir en amont la commission d’actes de terrorisme, en permettant de prévenir le processus de radicalisation avec la fermeture des lieux de culte où seraient diffusées des idées de haine, de violence, incitant à la commission d’actes terroristes, mais aussi en donnant à nos forces de sécurité la possibilité de prévenir des attentats imminents, par la surveillance d’individus, voire par des visites à leur domicile, quand tout laisse à penser qu’ils sont sur le point de passer à l’acte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vais pas rappeler ici l’ensemble des articles que contient le projet de loi et je ne présenterai pas plus de manière exhaustive les termes de l’accord conclu en commission mixte paritaire, puisque le président Philippe Bas vient d’en rappeler l’essentiel. Je souhaiterais simplement dire un mot des principales dispositions renforçant les outils de lutte contre le terrorisme qui seront demain à la disposition de nos forces de sécurité.

Je me réjouis tout d’abord de la rédaction consensuelle qui a été retenue pour l’article 1er relatif aux périmètres de protection, qui sera de nature à permettre aux Français d’assister à de grands événements culturels, récréatifs ou sportifs, tout en donnant aux autorités de police la possibilité d’en assurer la sécurité. Les terroristes ne nous feront pas renoncer à notre mode de vie. Nous ne leur céderons rien sur ce plan.

Concernant l’article 2 relatif à la fermeture des lieux de culte, la formulation retenue par la commission mixte paritaire est particulièrement satisfaisante. Il était pour le Gouvernement essentiel, pour garantir l’efficacité de notre action, de conserver les notions de diffusion d’« idées » et de « théories », ainsi que les mentions d’incitation à la « haine » et à la « discrimination », pour motiver la fermeture d’un lieu de culte.

Vous savez du reste que le Gouvernement a agi avec discernement en la matière pendant l’état d’urgence, puisque ce sont dix-huit lieux de culte qui ont été fermés depuis le 14 novembre 2015, seuls dix d’entre eux le demeurant à l’heure actuelle. Demain, avec la nouvelle loi, nous entendons continuer à agir dans le même état d’esprit.

Sur l’article 3, qui comprend les mesures de surveillance individuelle, la commission mixte paritaire est parvenue à l’établissement d’un texte équilibré. Le Gouvernement était attaché à la possibilité d’imposer un pointage quotidien auprès des services de police ou de gendarmerie, et je veux remercier le Sénat de s’être rallié à notre opinion sur ce point.

D’une manière générale, la navette parlementaire a permis de renforcer les garanties qui s’attachent à ce dispositif, dont l’application ne pourra excéder une année et dont chaque renouvellement, tous les trois ou six mois selon les obligations, sera assorti d’une procédure permettant aux personnes concernées de saisir le juge.

Sur l’article 4, relatif aux visites et saisies, le Gouvernement relève également le caractère équilibré de la rédaction approuvée.

Pour ce qui concerne le caractère expérimental des dispositions, je note, à l’instar de M. Bas, que la commission mixte paritaire en a étendu la portée aux articles 1er et 2. Quoiqu’ayant quelques réserves quant au message envoyé par un tel élargissement, le Gouvernement s’est rallié à la solution retenue. Nous aurons donc l’occasion d’évaluer, avant le 31 décembre 2020, l’ensemble des quatre premiers articles du présent texte.

Enfin, j’évoquerai l’article 10, qui porte sur les contrôles d’identité aux abords des points de passage aux frontières et qui avait suscité des interrogations et des inquiétudes.

Sur proposition du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, a été adoptée, par voie d’amendement, la réduction de vingt à dix kilomètres du périmètre de contrôle autour des aéroports et des ports internationaux. Cette modification renforce le caractère proportionné des mesures prévues, tout en permettant des contrôles aux alentours des points de passage aux frontières les plus sensibles.

En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble de ces dispositions me conduit à me féliciter du fruit de ces discussions et à me réjouir que nous touchions au but de ce processus législatif. Le Gouvernement ne peut donc que vous inviter à approuver, après vos collègues députés mercredi dernier, les conclusions de la commission mixte paritaire qui vous sont soumises.

Si, le 1er novembre prochain, c’est-à-dire dans moins de quinze jours, nous sortons de l’état d’urgence, nous maintiendrons, grâce à ce texte de loi, un haut niveau de protection contre le terrorisme.

Il n’est pas question de nous désarmer face à un ennemi qui continuera à tenter de porter des coups à tous nos pays durant une longue période. Au contraire, ce texte parachève l’édifice législatif patiemment construit depuis trois ans par le Parlement, en particulier par le Sénat, monsieur le président de la commission des lois, afin de garantir à nos concitoyens le niveau le plus élevé possible de sécurité.

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