Monsieur le sénateur, comme je l’ai rappelé dans mon propos introductif, qu’il me faudra peut-être rendre un peu plus explicite, nous n’avons rien à subir : l’intelligence de l’homme devra toujours être supérieure à l’intelligence artificielle ; il faut simplement que nous tracions un chemin.
Notre intelligence est supérieure au sens où c’est à nous de décider où doit aller l’intelligence artificielle ; c’est en fonction de nos valeurs qu’il nous faut désigner quel chemin nous souhaitons emprunter.
Il existe plusieurs familles de valeurs et, partant, plusieurs chemins possibles pour l’innovation et l’évolution technologique. Plus je voyage et plus je rencontre mes collègues au Conseil des ministres de l’Union européenne, plus je constate qu’il existe une façon européenne et même une façon française de penser l’innovation et le numérique, qui consiste en un équilibre entre performance et humanité.
Performance, parce que nous sommes une nation d’ingénieurs : nous voulons faire plus avec moins, et ainsi créer plus de valeur pour les hommes. Humanité, parce que nous avons en permanence le souci des conséquences de nos actes et des évolutions technologiques sur l’emploi, sur nos vies et sur la transformation de notre société.
Il existe cependant d’autres familles de pensée, d’autres civilisations. Dans d’autres lieux dans le monde, on cherche l’innovation, l’avancée technologique, coûte que coûte ; il faut toujours aller plus loin et plus vite dans la performance, sans nécessairement raisonner avec le même système de valeurs que le nôtre. Eh bien, tout l’enjeu, pour l’Europe et pour la France au niveau européen, ce sera d’influencer ce schéma.
Certains parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, voudront certainement évoquer le fonds d’investissement commun dont il est question en ce moment à l’échelle européenne. Il faut pourtant savoir au nom de quelles valeurs, vers quelles technologies et pour quel usage il sera créé. Notre rôle, que j’ai pris à cœur dans tous les échanges que j’ai pu avoir avec les représentants des autres pays, est de rappeler ces valeurs.
C’est pourquoi, quand on évoque les impacts, une question que vous avez soulevée et à laquelle je répondrai très certainement plus tard dans ce débat, je me pose toujours, en même temps, les deux questions suivantes : n’ai-je pas diminué la capacité de performance de notre pays ? Ai-je bien traité tous les sujets qui concernent l’homme ?