Monsieur le sénateur, permettez-moi de revenir sur les questions relatives à la défense, laquelle constitue l’un des piliers de la souveraineté.
Certes, la souveraineté dépasse les simples questions de défense, elle concerne aussi nos réseaux, nos infrastructures majeures. Prenons l’exemple des infrastructures télécoms : aujourd’hui, nous avons un déficit de fournisseurs européens d’éléments matériels centraux dans nos réseaux, ce qui entraîne notre dépendance à l’égard de fournisseurs venus d’autres continents.
Dans le domaine de la défense, c’est encore plus essentiel, puisque nous sommes l’une des grandes nations qui participent à la protection de l’Union européenne. Il y va de la capacité de la France à innover, à investir, à identifier les technologies dans lesquelles elle doit, tout comme l’Europe, être souveraine.
La ministre des armées a annoncé voilà deux semaines la création, avec la BPI, d’un fonds stratégique d’investissement de 50 millions d’euros dans les PME de défense. C’est le début, et c’est une première. Cela me permet de revenir à la question que j’ai soulevée au début de ce débat, celle du pilotage, de la maîtrise et de la capacité à observer l’écosystème et les dispositifs existants.
Monsieur le sénateur, vous évoquez les drones. J’ai visité plusieurs pays récemment. Pendant que nous parlons de ces technologies, eux ont une mappemonde sur laquelle figurent toutes les technologies et sous-technologies existantes en la matière, de la verticale, de l’horizontale, de ses usages pratiques, des softwares, des différents types de drones possibles. Ce faisant, ils identifient les domaines dans lesquels ils connaissent des faiblesses et partent activement à la recherche de start-up à la pointe dans ces secteurs pour le financer.
En France, nous n’avons jamais entrepris une telle démarche. Elle est en train d’émerger, et je souhaite la développer dans certains domaines, notamment la défense, avec la ministre des armées, mais aussi la cybersécurité. Sur ce sujet spécifique, l’une des forces d’Israël, c’est sa capacité à toujours savoir si elle peut en permanence s’appuyer sur un nombre suffisant de chercheurs, si ceux-ci sont bien financés, si des start-up peuvent se créer, qui elles-mêmes parviennent à vendre leurs services au public et aux grandes entreprises privées.
Telle est la démarche que je souhaite voir développer à l’échelon militaire pour nos armées. Certaines technologies peuvent être secrètes, mais d’autres ne le sont pas. Il revient à l’armée de participer à leur financement, parce qu’elles permettent de conserver nos PME en France. Cela participe de la réflexion sur les fonds stratégiques d’investissement, qui ne se réduit pas à la performance financière à moyen ou long termes, mais concerne la nécessité souveraine d’investir dans un secteur plutôt que dans un autre.
Voilà qui nous ramène à la fameuse question du DARPA, le Defense Advanced Research Projects Agency, qui n’est pas la même chose que le Fonds stratégique d’investissement PME, lequel investit tout de suite dans une technologie utilisable dès maintenant. Les fonds DARPA sont une prise de risque sur l’avenir : ce sont des fonds qui investissent dans des technologies dont on ignore si elles aboutiront, dont on ne peut préjuger l’usage futur.
Monsieur le président, pardonnez-moi d’avoir dépassé mon temps de parole…