Ce projet de loi que nous avons eu à examiner dans des délais très contraints - deux semaines - et sur lequel la procédure accélérée a été engagée, est un texte très important puisqu'il a pour principal objet d'interdire la recherche et l'exploitation des hydrocarbures sur le territoire national. Il traduit les objectifs du Gouvernement, qui entend mettre en oeuvre l'un des engagements du plan Climat du 6 juillet dernier et s'inscrire dans la droite ligne de l'accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique sous les deux degrés. Or, pour atteindre cet objectif, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime qu'il faudra renoncer, à l'échelle de la planète, à l'exploitation d'au moins 80 % des réserves d'énergies fossiles encore présentes dans le sous-sol.
Chacun d'entre nous est convaincu de l'urgence à agir pour lutter contre le dérèglement climatique. Le Sénat a toujours été très engagé sur ce sujet. C'est grâce au soutien de notre commission - et même contre l'avis de la ministre de l'époque, avant qu'elle ne s'approprie cet objectif - qu'a été fixée une trajectoire ambitieuse de hausse de la taxe carbone dans la loi relative à la transition énergétique - trajectoire que le Gouvernement met désormais en oeuvre, mais sans la compenser par la baisse d'autres impôts, comme nous l'avions pourtant expressément demandé dans la loi. C'est encore le souci du climat qui a guidé, dans le même texte, notre défense d'un mix de production électrique décarboné qui repose sur ses deux pieds, le nucléaire et les énergies renouvelables, ou qui nous a conduit, entre autres, à introduire un objectif de 10 % de gaz renouvelable à l'horizon 2030. À chaque fois que nous avons eu à nous prononcer sur des textes européens, nous avons plaidé pour une tarification la plus forte et la plus efficace possible du carbone afin d'orienter les investissements vers les énergies les moins émettrices de gaz à effet de serre.
Sur ces sujets, le Sénat a toujours défendu une vision à la fois ambitieuse et pragmatique. Or, en choisissant d'interdire une production nationale qui couvre à peine 1 % de nos besoins, plutôt que de s'attaquer à notre dépendance aux énergies fossiles en traitant le problème à la racine, c'est à dire par la consommation, le Gouvernement a choisi le symbole au détriment de l'efficacité. L'exposé des motifs ne s'en cache pas, en insistant sur la portée éminemment symbolique du texte, le caractère pionnier de la démarche et l'effet d'entraînement sur d'autres pays qui en est espéré : il s'agit de « témoigner de l'exemplarité de la France » et d'être « le premier pays au monde à inscrire [ce principe] dans la loi ». Ainsi, « la France témoigne [de] sa volonté d'être à l'avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique ». Le ministre l'a réaffirmé hier devant nous comme il l'avait fait à l'Assemblée : « cela représente certes une faible partie de notre consommation, mais commençons par ce que l'on peut faire chez nous ».
Derrière le symbole, il y a pourtant une réalité économique, sociale, industrielle, et même environnementale, que l'on ne saurait écarter d'un revers de la main pour la seule beauté du signal donné au monde. Qui peut véritablement imaginer que les grands pays producteurs d'hydrocarbures renonceront à leur rente pétrolière à l'aune de l'exemple français ?
Or, quelle est la réalité de l'exploration-production d'hydrocarbures sur le territoire national ? Malgré des réserves limitées, la filière représente encore 1 500 emplois directs et environ 4 000 emplois indirects, répartis principalement dans les bassins aquitain et parisien et dans l'est de la France, et génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 270 millions d'euros. L'activité sur le territoire national compte, il est vrai, pour une part très marginale des effectifs et du chiffre d'affaire total de la filière, dont les entreprises sont très largement tournées vers l'export : en intégrant la géothermie profonde et le stockage géologique du dioxyde de carbone, la valorisation énergétique du sous-sol emploie ainsi 66 000 personnes en France, et réalise un chiffre d'affaires de 36 milliards d'euros. Pour reprendre les termes mêmes de l'étude d'impact, « la filière est composée de champions nationaux de taille internationale (...) pétroliers, gaziers, parapétroliers ou paragaziers (Total, Engie, Technip, CGG...) extrêmement compétitifs à l'export et d'un vaste écosystème d'entreprises de toutes tailles présentes sur toute la chaîne de valeur ».
Si le projet de loi ne remettra pas en cause l'excellence de la filière à l'international, il aboutira de fait à la disparition d'une activité industrielle et quelques milliers d'emplois correspondants sur le territoire national, sans que la reconversion des personnels, des entreprises et des territoires impactés ne soit traitée autrement que par la promesse d'un rapport... Une nouvelle fois, nous déplorons les insuffisances de l'étude d'impact, que le Conseil d'État avait déjà identifiées. Au-delà de ces conséquences immédiates, au moins deux autres dommages sont d'ores et déjà ressentis par les acteurs de la filière avant même que la loi ne s'applique, précisément par le signal qu'elle envoie : d'une part, une perte d'attractivité auprès des jeunes qui n'iront pas vers ces métiers, à l'instar de ce que vit déjà la filière nucléaire, et, d'autre part, une dégradation de l'image de la France aux yeux des investisseurs étrangers.
Malgré ces inconvénients, la logique d'une interdiction à l'échelle nationale pourrait se justifier si elle contribuait véritablement à lutter contre le réchauffement climatique : or, en substituant à une production nationale, certes limitée, des hydrocarbures importés par voie terrestre ou maritime et produits, le cas échéant, en usant de techniques moins respectueuses de l'environnement, on dégrade notre bilan carbone plutôt qu'on ne l'améliore. Selon les industriels, sur la base du mix importé actuel, l'empreinte carbone du pétrole importé serait au moins trois fois supérieure à celle du pétrole produit localement.
Le Gouvernement objecte qu'à raison de la baisse supposée de la consommation, qui s'est en fait stabilisée ces dernières années et pourrait remonter sous l'effet de la reprise, une telle substitution n'aura pas lieu puisque le 1 % de la consommation couvert par la production nationale aura disparu ! Or, sauf à supposer une consommation nulle, il restera toujours une part de la consommation qui aurait pu être satisfaite par la production nationale...
Une autre voie était possible, plus difficile à mettre en oeuvre mais certainement plus efficace pour atteindre, ou au moins approcher, l'objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique d'une baisse de la consommation des énergies fossiles de 30 % en 2030. Il aurait fallu agir, avant tout, sur la consommation, par exemple en « musclant » les dispositifs d'aide à la conversion de véhicules particuliers ou en relançant le transport ferroviaire et maritime de marchandises, ou à s'attaquer prioritairement aux énergies fossiles les plus polluantes, comme la loi l'exige d'ailleurs, notamment en fermant sans attendre les quatre dernières centrales à charbon produisant de l'électricité, moyennant un accompagnement adapté des salariés et des territoires concernés. Hélas, ce n'est pas l'orientation prise par le Gouvernement.
Dès lors, quelles options s'offrent à nous au vu de la réalité des rapports de force politiques et institutionnels, et notamment du dernier mot donné à l'Assemblée ? Nous pourrions nous opposer frontalement au texte et en supprimer ou en amender les principaux points, de telle façon qu'il serait vidé de sa substance ; mais les apports du Sénat n'auraient alors aucune chance de prospérer et l'Assemblée n'aurait plus qu'à rétablir son texte, avec toutes les imperfections qu'il comporte.
Un autre choix m'a semblé plus judicieux : il consiste à chercher l'équilibre entre la ligne du Gouvernement - quand bien même nous ne la partageons pas - et la préservation, en premier lieu, des droits acquis ou des effets légitimement attendus du droit antérieur par les demandeurs et les titulaires de titres miniers, en deuxième lieu, de la recherche et, en dernier lieu, de l'exploitation des substances dont la valorisation soit contribue à un usage vertueux de nos ressources, soit alimente la filière pétrochimique nationale sans émettre de gaz à effet de serre.
Concernant la préservation des droits acquis, qui contribue du reste à minorer les demandes d'indemnisation auxquelles l'État devra inévitablement répondre, le Conseil d'État a largement contribué à sécuriser juridiquement le dispositif. Le Gouvernement n'a cependant pas suivi ses recommandations sur au moins un point, le traitement des demandes en cours d'instruction, dont les plus anciennes remontent à 2009, pour lesquelles le Conseil d'Etat l'invitait à mettre en oeuvre des « mesures transitoires plus substantielles ». Je vous propose d'adopter ces mesures en prévoyant que la loi ne s'applique qu'aux demandes déposées après le 6 juillet dernier, soit la date d'adoption du plan Climat, afin d'éviter l'effet d'aubaine qui consisterait à déposer des demandes nouvelles d'ici la promulgation de la loi, mais en précisant, pour respecter la logique du Gouvernement, que ces demandes ne pourront aboutir à l'octroi de concessions dont la durée excèderait 2040, sauf lorsqu'il est démontré que la rentabilité de l'opération nécessite d'aller au-delà.
J'ai souhaité que la recherche puisse se poursuivre dans un cadre et pour un objet strictement limités. S'interdire toute recherche nous priverait de l'acquisition de connaissances qui pourraient s'avérer décisives pour le développement de filières d'avenir et qui participeront à la transition vers un nouveau modèle énergétique : je pense en particulier à la géothermie, au stockage géologique du dioxyde de carbone, voire à celui de l'hydrogène qui pourrait répondre à la problématique du stockage de l'électricité renouvelable intermittente. N'insultons pas l'avenir en nous privant de toute possibilité de recherche ! Je vous propose donc une dérogation pour la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du sous-sol, mais aussi de surveillance et de prévention des risques miniers - il faudra peut-être examiner, dans quelques années, comment évoluent les gîtes miniers - tout en excluant, bien entendu, qu'une concession puisse être attribuée sur la base de ces recherches, puisque le but n'est pas d'exploiter ces ressources, mais d'améliorer nos connaissances du sous-sol.
Concernant l'interdiction de l'exploitation, une dérogation pérenne figurait déjà dans le texte déposé par le Gouvernement et l'Assemblée nationale en a ajouté une autre. Je vous renvoie au tableau distribué pour mesurer toute la subtilité des effets de la loi.
La première dérogation a trait au gaz de mine - le fameux « grisou » - dont le maintien en exploitation répond à un double impératif, de sécurité d'abord, lié au risque d'explosion, environnemental ensuite, pour éviter l'émission dans l'atmosphère de méthane, dont le pouvoir de réchauffement est vingt à vingt-cinq fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. À l'Assemblée, cette dérogation a été limitée aux veines de charbon préalablement exploitées, afin d'exclure toute nouvelle exploitation de gaz dit « de couche » et à l'emploi de techniques dites conventionnelles pour sa récupération.
La seconde dérogation pérenne, introduite à l'Assemblée, vise, en pratique, à autoriser la poursuite de l'exploitation du soufre dans le bassin de Lacq, premier pôle mondial de la chimie du soufre, qui emploie 750 personnes. L'extraction du soufre étant indissociable de celle du gaz présent dans le gisement, l'interdiction d'exploiter le second aurait conduit à faire disparaître l'activité principale. La dérogation consiste à autoriser l'exploitation des hydrocarbures dits connexes sous deux conditions : que leur intégration dans un processus industriel soit indispensable à la valorisation de l'autre substance ou réponde à des impératifs de sécurité, et que cette valorisation soit limitée à un usage local.
En pratique, cette dérogation, taillée sur mesure pour le gaz de Lacq, ne couvre pas tous les cas où la valorisation d'hydrocarbures connexes contribuerait à des usages vertueux de nos ressources. D'ores et déjà, l'exploitation de gisements de pétrole permet par exemple de chauffer gratuitement, à Parentis, une dizaine d'hectares de serres de tomates ou, dans le bassin d'Arcachon, les 450 logements que comportera à terme un écoquartier, grâce aux calories récupérées de l'eau issue du processus de production du pétrole. Or, sans la valorisation du pétrole, cette activité de production de chaleur devrait cesser faute de modèle économique et de tels projets ne pourraient être développés à l'avenir alors qu'ils participent d'un processus vertueux de valorisation énergétique locale en circuit court. Mon amendement élargit la rédaction actuelle pour couvrir ce type de situation.
Une dernière dérogation peut être faite, en parfaite cohérence avec l'objectif poursuivi par le Gouvernement, sur les hydrocarbures destinés à un usage non énergétique dont l'utilisation finale du produit n'émet pas de gaz à effet de serre, puisqu'il n'y a pas de combustion. Les exemples d'utilisation d'hydrocarbures comme matières premières sont nombreux : fabrication de bitumes, lubrifiants, cires - qui sont utilisées aussi en cosmétique -, colles et adhésifs, synthèse des polymères destinés à la fabrication de textiles, plastiques, caoutchouc synthétique... Là encore, cette dérogation valoriserait des ressources locales pour l'industrie pétrochimique ou pharmaceutique plutôt que d'importer des produits raffinés pour nos usages domestiques à finalité non énergétique.
Deux points méritent encore d'être abordés sur cette partie consacrée aux hydrocarbures. Le premier concerne l'encadrement par l'Assemblée nationale du droit exclusif à l'obtention d'une concession dont bénéficie le titulaire d'un permis exclusif de recherches, communément appelé « droit de suite ». Dans le texte issu des travaux de l'Assemblée, les concessions accordées en vertu du droit de suite ne pourront excéder le 1er janvier 2040, sauf si le titulaire démontre que « l'équilibre économique » de son activité ne peut être atteint qu'en allant au-delà de cette date. Or cette notion d'équilibre économique n'est pas satisfaisante puisqu'elle reviendrait à priver l'exploitant de toute espérance de profit. Au mieux, il pourrait donc simplement couvrir ses coûts de recherche et d'exploitation. Quel intérêt aurait-il à mobiliser des capitaux et à assumer les risques que comporte cette activité, s'il n'en tire aucun bénéfice ? Je vous propose de remplacer cette notion par celle de « rémunération normale des capitaux investis », qui est déjà parfaitement connue en droit et correspond à l'esprit de l'amendement initial du Gouvernement ayant introduit cette disposition avant qu'il ne soit sous-amendé à l'Assemblée nationale.
Le second point concerne les hydrocarbures dits « non conventionnels ». Selon l'avis du Conseil d'État, la distinction entre hydrocarbures « conventionnels » et « non conventionnels » « n'est pas consensuelle sur un plan technique et scientifique » - puisque les molécules sont rigoureusement identiques et que la différence tient à la technique employée pour les extraire, dont le caractère conventionnel ou non peut varier dans le temps et fait débat. Une telle distinction « est surtout étrangère à l'objectif du projet de loi », soit l'interdiction de la production d'hydrocarbures, quels qu'ils soient. De peur que d'autres techniques non conventionnelles alternatives à la fracturation hydraulique déjà interdite par la loi Jacob de 2011 n'apparaissent un jour, l'Assemblée nationale a souhaité élargir l'interdiction posée par la loi de 2011 à « toute autre méthode non conventionnelle », définie comme une méthode « ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité » - notion dont l'exactitude scientifique est sujette à caution - et créé une nouvelle sanction de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende en cas de non-respect de l'interdiction, dont l'articulation avec les sanctions existantes n'est pas évidente. En réalité, ces dispositions n'auront aucun effet puisque, comme rappelé par le ministre lui-même, la fracturation hydraulique, seule technique connue aujourd'hui, est déjà interdite. Si une nouvelle technique présentant un danger pour l'environnement apparaissait, « l'État disposerait, dans le cadre de la police des mines, des outils nécessaires pour en proscrire immédiatement l'utilisation ». Cette fois-ci, ce sont donc les députés qui ont préféré le symbole à la réalité, au risque d'envoyer un signal contreproductif à nos concitoyens, laissant à penser non seulement que ces techniques alternatives existent, mais aussi que les exploitants actuels seraient tentés de les utiliser, jetant à nouveau la suspicion sur le secteur de façon injustifiée.
Toutefois, dès lors que ces ajouts n'auront aucun effet pratique et que leur suppression constituerait sans doute un casus belli avec les députés, je vous propose de clarifier le droit existant en les codifiant plutôt qu'en retouchant sans cesse, et dans tous les sens, la loi de 2011.
Sur les autres dispositions principales du projet de loi, l'article 4 réforme le cadre d'accès au stockage souterrain de gaz naturel, qui est essentiel à notre sécurité d'approvisionnement gazier. Tous les acteurs concernés en conviennent : le système actuel, qui consiste en des obligations individuelles des fournisseurs que les conditions de marché ne leur permettent plus de remplir, est « à bout de souffle » et doit être impérativement réformé, au plus tard en début d'année prochaine, pour couvrir les besoins de l'hiver 2018-2019. Le Gouvernement avait déjà été habilité par la loi relative à la transition énergétique à légiférer par ordonnance pour traiter le sujet, mais n'avait pu aboutir dans le délai fixé par l'habilitation. Au vu de l'urgence de la réforme, il m'a semblé préférable d'en inscrire dès à présent les grands principes dans la loi, plutôt que de renvoyer à une nouvelle ordonnance, étant précisé que les grands principes de la réforme font globalement consensus parmi les parties prenantes. Des ajustements pourront toujours être apportés d'ici à la séance publique mais il me semble impératif d'agir rapidement.
L'article 5, qui encadre la pratique du « commissionnement » par laquelle les fournisseurs d'électricité se font rémunérer pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte du gestionnaire de réseau, ne pose pas de difficultés particulières. Le dispositif adopté à l'Assemblée sécurisera une pratique qui a fait l'objet de nombreux recours contentieux, à la fois pour l'avenir et pour le passé puisqu'il est assorti d'une validation législative des contrats passés justifiée par un motif d'intérêt général de protection des consommateurs contre d'éventuelles hausses de factures injustifiées.
L'article 5 bis regroupe deux dispositions introduites à l'Assemblée sans lien l'une avec l'autre et qui ne sont pas sans conséquence. La première réforme les conditions de raccordement des énergies renouvelables en mer dont la complexité, notamment en termes de partage des responsabilités entre le producteur et le gestionnaire du réseau de transport auquel il se raccorde, explique une partie des retards assez considérables accumulés sur les projets d'éoliennes en mer déjà attribués. Là où le système antérieur faisait porter le coût du raccordement sur le producteur mais en confiait la réalisation au gestionnaire de réseau, RTE, la réforme proposée nous rapproche du modèle en vigueur dans les pays nordiques, qui a prouvé son efficacité. RTE réaliserait désormais le raccordement sur ses fonds propres et serait couvert par le tarif d'utilisation des réseaux, ce qui réduira tant les délais, en anticipant sur les premières opérations de raccordement, que les coûts, par la standardisation et la mutualisation des plateformes mais aussi par une réduction des risques portés par le producteur qui améliorera la « bancabilité » des projets, et réduira donc les frais financiers. Le système serait assorti de nouvelles règles d'indemnisation du producteur non seulement en cas de retard de raccordement à la mise en service du parc, mais aussi en cas d'avarie sur le réseau qui limiterait sa production en cours d'exploitation. Le gestionnaire de réseau comme le producteur resteraient cependant redevables des coûts pour lesquels leur responsabilité est engagée, les indemnités étant par ailleurs plafonnées.
Cette réforme appelle deux remarques. Sur le fond, les retards pris par la France en la matière - les parcs attribués en 2011 et 2013 ne seront au mieux pas mis en service avant 2020 ou 2021 - ainsi que l'importance des coûts du soutien public comparés à ceux obtenus chez certains de nos voisins, plaident à l'évidence pour une remise à plat du système qui est largement consensuelle parmi les producteurs comme auprès du régulateur, et dont j'approuve le principe. Sur la forme, il y aurait beaucoup à redire sur l'absence de lien, même indirect, avec le texte déposé, et donc sur la conformité de ces dispositions avec l'article 45 de la Constitution ; rien dans l'intitulé, l'exposé des motifs ou le contenu du texte n'évoquait la problématique du raccordement des éoliennes en mer, ni plus largement les énergies renouvelables qui ne sont pas mentionnées une seule fois, même au détour d'une phrase. Nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira s'il est saisi du texte. Faisons preuve de pragmatisme au vu de notre accord, sur le fond, avec la réforme, de ses bénéfices attendus et de l'urgence à l'adopter pour une application à l'appel d'offres, en cours, pour l'implantation d'éoliennes au large de Dunkerque. Je précise que le Gouvernement avait d'abord choisi un autre vecteur législatif, le projet de loi relatif au droit à l'erreur, mais le report sine die du texte l'a conduit à se raccrocher, en dernière minute, au présent projet de loi.
Le second point concerne la création d'une notion nouvelle, celle des « réseaux intérieurs » de distribution d'électricité. Là aussi, le lien avec le texte est ténu mais surtout, cette notion mérite d'être strictement limitée et encadrée pour sécuriser le monopole de la distribution publique d'électricité, garante d'une péréquation tarifaire et technique sur l'ensemble du territoire à laquelle nous sommes très attachés.
L'article 6 sur le contrôle de la qualité des biocarburants ne pose pas de difficultés puisqu'il ne crée pas, en pratique, d'obligations nouvelles pour la filière agro-industrielle et qu'il renforce la lutte contre les fraudes, ce que les producteurs approuvent également. Je reviendrai sur l'article 6 bis qui instaure une double distribution des carburants allant au-delà de ce qu'exige le droit européen. L'article 7, qui adapte les plans de protection de l'atmosphère pour être en parfaite conformité avec le droit européen n'appelle pas de commentaire, même si je vous proposerai de revenir sur une disposition ajoutée à l'Assemblée qui stigmatise le chauffage au bois.
Sous le bénéfice de tous ces amendements, je vous propose donc d'adopter le présent projet de loi. Je vous remercie.