Je suis ravi de cette audition. L'Arcep est une autorité administrative indépendante (AAI). L'indépendance est nécessaire pour faire prévaloir l'intérêt général face à des acteurs parfois très puissants, mais elle ne rime pas avec indépendantisme. Notre action doit s'inscrire dans un cadre global. Les retours des parlementaires sont essentiels pour nous aider à définir la bonne régulation.
L'Arcep a mené il y a deux ans une revue stratégique. Deux axes d'action prioritaires ont émergé. Tout d'abord, la réorientation du marché. Le marché concurrentiel des télécoms, que nous avons construit et qui fait bénéficier les consommateurs de prix très bas, doit aussi investir davantage, car il faut construire les réseaux fixes et mobiles de demain, ce qui a un coût et pose la question des retours sur investissements. Nous avons donc considéré qu'il était indispensable de relancer les investissements. Le second sujet est celui des territoires connectés. S'il est important que les acteurs soient compétitifs, il faut veiller toutefois à ce qu'ils n'oublient pas certains territoires. L'aménagement du territoire n'est pas une compétence directe de l'Arcep : d'autres acteurs y veillent, comme le Gouvernement à travers ses plans France Très Haut Débit ou pour développer la couverture mobile. Toutefois l'enjeu est tellement important que nous devons en tenir compte dans notre action.
Je présenterai les enjeux de l'Internet fixe et M. Pierre-Jean Benghozi évoquera les réseaux mobiles.
Notre engagement constant pour encourager l'investissement porte ses fruits. Après des investissements en moyenne de 7 milliards d'euros par an ces dernières années, le marché des télécoms recommence à investir davantage : 8 milliards d'euros en 2015, 9 milliards en 2016. La machine à investir repart. C'est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à une consolidation. Les quatre opérateurs sont en concurrence mais investissent beaucoup. La priorité est que ce marché serve l'intérêt général.
Le marché du fixe est très différent de celui du mobile. Ses cycles d'investissement sont très longs : l'installation de la fibre optique est un investissement pour plusieurs décennies, contre une dizaine d'années pour la 2G, la 3G ou la 4G dans la téléphonie mobile. Le marché du fixe est aussi marqué par un ancien monopole, celui de France Télécom, devenu Orange, qui possède toujours les infrastructures de génie civil. Une de nos priorités à l'Arcep est d'améliorer la connectivité des entreprises, notamment des TPE-PME, sur tout le territoire et de faire baisser le coût d'accès à la fibre.
Le plan France Très Haut Débit (THD) repose sur un partage des tâches. Le Gouvernement a lancé en 2011 un appel à manifestations d'intérêt pour savoir qui était prêt à investir et dans quelles zones. À la suite de cela, des engagements ont été pris. La zone dite « AMII » (appels à manifestation d'intentions d'investissement) a été réservée au privé et les opérateurs ayant répondu, principalement Orange et SFR, se sont partagé le territoire, avec environ 85% pour Orange et 15% pour SFR. Dans les autres territoires, il revient aux collectivités territoriales d'assurer le déploiement de la fibre avec le soutien financier du plan France THD. Parallèlement nous avons mis en place un cadre de régulation destiné à favoriser la mutualisation des réseaux. Le législateur nous a suivis avec la loi de modernisation de l'économie. Inutile en effet de multiplier les réseaux, de passer plusieurs fois dans les immeubles ni d'ouvrir plusieurs fois des tranchées dans les rues pour les déployer ! La fibre optique permet en effet un partage du réseau, dit « partage passif », qui permet à chaque opérateur de conserver son électronique, d'innover, de se distinguer de ses concurrents. Dans le partage des tâches, le Gouvernement est responsable de l'architecture d'ensemble du Plan France THD et des soutiens publics, tandis que l'Arcep régule les opérateurs dans la mise en oeuvre de ce plan.
Notre avis sera publié demain. Nous soutenons l'ambition du Gouvernement qui a réaffirmé sa volonté de parvenir au très haut débit pour tous en 2022 et qui a même fixé l'objectif du « bon haut débit » pour tous en 2020. L'Arcep prendra sa part à cet effort. D'ici quelques semaines, nous libérerons des fréquences pour permettre aux territoires qui le souhaitent de bénéficier du très haut débit radio, avec des modalités simples. Nous invitons à faire preuve de pragmatisme pour trouver les solutions technologiques les plus adaptées pour répondre aux attentes des territoires. Nous prônons les synergies entre les réseaux fixe et mobile : le réseau 4G peut fournir une solution transitoire pour offrir un accès Internet à haut débit de quelques mégabits - le bon haut débit est fixé à 8 mégabits.
L'annonce de SFR est d'abord une bonne nouvelle. On ne peut que se féliciter de voir un opérateur privé se déclarer prêt à investir massivement...