Intervention de Daniel Dubois

Réunion du 26 octobre 2017 à 15h00
Logement social : sur quels territoires comment et pour qui demain — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Daniel DuboisDaniel Dubois, pour le groupe Union Centriste :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le mouvement HLM, auquel se sont associés les professionnels du bâtiment et les associations de locataires, tire la sonnette d’alarme.

La demande faite aux bailleurs sociaux de compenser la baisse des APL, les aides personnalisées au logement, par une baisse de leurs loyers va les priver de 1, 7 milliard d’euros de recettes. Dès 2018, le pronostic vital d’environ 200 organismes sera engagé. D’ici à cinq ans, c’est l’intégralité des bailleurs sociaux qui sera en grande difficulté.

À cela s’ajoute, dans le projet de loi de finances pour 2018, l’augmentation de 100 millions d’euros des cotisations au FNAP, le Fonds national des aides à la pierre, ainsi que le gel des loyers en 2018 pour un manque à gagner d’environ 150 millions d’euros. Au final, ce sont 2 milliards d’euros qui vont manquer au logement social.

Si le projet de loi de finances pour 2018 est adopté en l’état, nous connaîtrons un ralentissement brutal des constructions neuves, y compris dans le secteur privé – une partie des opérations, de caractère mixte, est vendue en VEFA, ou vente en l’état futur achèvement. Nous connaîtrons également un ralentissement des réhabilitations énergétiques, ainsi qu’une réduction drastique des crédits d’entretien.

Le Gouvernement ose parler d’un « choc de l’offre » ? À mon sens, il s’agit plutôt d’un choc dans le mur ! Il s’est enfermé dans une logique purement comptable qui pèche par son uniformité, alors même que les situations des bailleurs sur nos territoires sont diverses. Une logique au demeurant totalement injuste, puisqu’elle ponctionne les 9 milliards d’euros d’APL versés dans le secteur HLM sans s’interroger sur les 9 autres milliards d’euros versés, cette fois-ci, dans le secteur privé. Il semble que de telles considérations n’ont pas encombré le Gouvernement : il a besoin de 1, 5 milliard d’euros pour équilibrer son budget et la mesure sur l’APL peut lui rapporter près de 2 milliards d’euros.

Ce ne sont pas l’amélioration des conditions d’emprunt, l’augmentation inapplicable des surloyers ou encore la vente de logements à des locataires impécunieux qui permettront de compenser une telle perte.

Je devine, monsieur le secrétaire d’État, les arguments du Gouvernement. Le Président de la République a lui-même déclaré qu’il a « deux problèmes avec les HLM » : premièrement, le trop grand nombre d’opérateurs, qu’il estime à 800 – notons que l’USH, l’Union sociale pour l’habitat, ne recense que 519 organismes dans le domaine du locatif social ; deuxièmement, la mauvaise circulation du capital, avec des organismes qui auraient des « trésors » sans construire.

Dès lors, la volonté du Gouvernement apparaît clairement : dans une première phase, appauvrir les bailleurs ; dans une seconde, livrer les plus fragiles à l’appétit des plus solides. Telle est la stratégie pour le logement qui sera mise en œuvre demain, si nous n’y prenons garde. Ainsi, on réduit drastiquement le nombre d’organismes ; ainsi, les capitaux circulent – circulez, circulez, il n’y a plus rien à voir !

Monsieur le secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez a-t-il bien conscience des conséquences qu’aura sa politique ? Est-il conscient de son impact sur l’emploi ? Les HLM génèrent 17 milliards d’euros de travaux par an, mobilisent l’équivalent de 170 000 emplois non délocalisables dans le secteur du bâtiment, souvent de manière contracyclique.

Le Gouvernement est-il conscient de l’impact de cette politique sur la fiscalité ? Chaque année, les organismes d’HLM acquittent 1 milliard d’euros de TVA. Est-il conscient du fait que, faute de bailleurs, l’article 55 de la loi SRU va devenir inopérant ?

Le Gouvernement est-il conscient du risque encouru par les collectivités territoriales en cas de mobilisation des garanties d’emprunt ? Est-il conscient que les organismes d’HLM ne pourront plus s’engager dans la rénovation urbaine, alors même qu’ils avaient financé 45 % du PNR 1, soit 3 milliards d’euros, sur leurs fonds propres ?

Le Gouvernement est-il enfin conscient de la fracture sociale et territoriale qu’il va exacerber en créant des organismes de taille gigantesque, qui siphonneront les loyers des territoires périphériques pour construire en zone tendue ?

Monsieur le secrétaire d’État, baisser drastiquement les APL revient à déstructurer tout le secteur du logement social. Et tout cela, sans que nous en discutions, sans une bribe de débat et sans vision d’ensemble ! Je crains, pour tout vous dire, un incroyable rendez-vous manqué.

Permettez-moi d’identifier un problème de méthode. Est-ce comme cela que nous réformons dans notre pays ? Sans concertation, « en marche » forcée ? Avec des objectifs budgétaires, mais sans stratégie pour le secteur ?

Permettez-moi, ensuite, de pointer une vraie méconnaissance du monde HLM. Face aux millions de chômeurs, de pauvres, de mal-logés, face au défi de l’aménagement équilibré de notre territoire, le logement aidé est au cœur de notre pacte social. Il mérite un débat plus large qu’un débat budgétaire. S’il doit être réformé, cela ne peut être au détour d’un article du projet de loi de finances.

Profitons d’être à la croisée des chemins pour nous poser des questions fondamentales : à quoi doit servir le logement social ? À loger uniquement les plus défavorisés ou à organiser la mixité sociale ?

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