Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre, dès mon propos introductif, à beaucoup des points évoqués par M. Dubois.
Je souhaite tout d’abord dire, avec énormément de conviction et de fermeté, que le Gouvernement ne cherche en rien à déstabiliser le secteur HLM. §Je le dis avec d’autant plus de fermeté que nous avons entamé des discussions avec ces organismes depuis le premier jour, bien avant que ne s’ouvre le débat sur les APL, avec pour seul souci de réussir à résorber le manque de logements sociaux en France.
Sur ces questions, on a entendu tout et son contraire. On a d’abord accusé le Gouvernement, cet été, de vouloir revenir en arrière sur la loi SRU ; on a ensuite dit que nous allions modifier le revenu d’éligibilité au logement social afin de diminuer le nombre de demandeurs. Tout cela est totalement faux !
Depuis le premier jour, nous avons entamé, avec l’ensemble des bailleurs sociaux, une discussion de fond pour voir comment améliorer la situation, au bénéfice des locataires. Je reviendrai sur ce point.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la nécessité de préserver le modèle du logement social.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de l’enjeu que représente la rénovation urbaine, qui n’est pas uniquement financée par l’État, par l’Union sociale pour l’habitat ou par Action logement, mais aussi par les bailleurs eux-mêmes, qui contribuent aux programmes de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et financent, par de la dette supplémentaire, les projets de rénovation urbaine.
L’État s’est engagé – nous y reviendrons lors du débat interactif – à consacrer 1 milliard d’euros supplémentaire pour doubler, in fine, son apport au nouveau programme de l’ANRU. Il s’agit du fameux milliard dont on entend parler depuis des années, mais qui n’a jamais été budgété. Nous, nous le faisons en inscrivant les premiers crédits dans le projet de loi de finances pour 2018.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est aussi conscient que le système actuel n’est pas optimal ni suffisamment efficient et qu’il peut être amélioré.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient que les différents offices des différentes sociétés n’ont absolument pas les mêmes caractéristiques, n’ont absolument pas la même solidité de bilan, n’ont absolument pas les mêmes capacités d’emprunt, n’ont absolument pas les mêmes niveaux de ressources et n’ont absolument pas la même attention vis-à-vis d’un public à aider très fortement. Le taux de locataires éligibles aux APL diffère ainsi de manière significative entre offices ou entre sociétés, de 15 % à 80 %. Ce sont d’ailleurs souvent les organismes ayant le plus grand nombre de locataires éligibles aux APL qui connaissent les situations financières les plus difficiles, dans des territoires trop souvent oubliés.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement a pleinement conscience de ces difficultés qu’il prend en considération dans tout ce qu’il entreprend.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à une méthode de discussion, de concertation, que j’évoquais voilà quelques instants en répondant à une question de Mme Estrosi Sassone. Dès le premier jour de notre entrée au Gouvernement, Jacques Mézard et moi-même avons rencontré les bailleurs sociaux. Je les ai encore vus hier soir et ce matin. Je les vois tous les jours ou tous les deux jours, dans ce souci de concertation et de discussion.
Je vais vous parler en toute franchise et en toute transparence. Nous avons évoqué, avec l’ensemble des bailleurs sociaux, un certain nombre de pistes de travail, dont la première consiste à chercher comment améliorer le financement des opérations de logements sociaux. En effet, on le sait bien, un logement social est uniquement financé par du capital et de la dette. Cette dette est portée par l’État, plus précisément par la Caisse des dépôts et consignations, avec une contre-garantie des collectivités locales – c’est un point essentiel.
Les bailleurs sociaux nous ont indiqué qu’ils voulaient des prêts de haut de bilan. Sans entrer dans des considérations trop techniques, je dirai que cela permet d’avoir plus de capital et qu’il s’agit donc d’un dispositif extrêmement bénéfique. À ce titre, on leur propose 2 milliards d’euros.
Ils regrettent également de n’avoir à leur disposition que des prêts à taux variable, qui ne leur permettent pas de connaître à l’avance les sommes à rembourser. Pour la première fois, nous leur proposons des prêts à taux fixe, avec des remboursements in fine, qui n’interviennent qu’à la fin du prêt. Une telle mesure aura un impact direct sur leur trésorerie.
Ils souhaitent améliorer leurs capacités en matière de rénovation énergétique. Nous leur proposons à ce titre 3 milliards d’euros.
Ils veulent bénéficier, dans certains cas, d’allongements de prêts. Nous le ferons, à hauteur de 30 milliards d’euros. Mais cela n’aura de sens que si les coûts supplémentaires sont pris en charge par l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
En revanche, ces gains doivent être mis au profit des locataires. Ne nous leurrons pas : le système actuel des APL, inflationniste au possible, n’est pas pérenne. Une erreur fondamentale a été faite à la fin des années soixante-dix, au moment où on est passé de l’aide à la construction à l’aide au logement. Par la suite, en effet, la conjoncture économique n’a pas permis d’accroître les aides personnelles au logement.
Les gains financiers dont bénéficieront les bailleurs sociaux devront finalement profiter à l’ensemble du mécanisme des APL et, donc, participer à la diminution de leur charge, qui représente aujourd'hui 18 milliards d’euros, soit la moitié du budget de la défense nationale. Telle est la réalité.
Je l’ai dit, un bailleur social est aujourd'hui financé par de la dette. Il existe 4, 5 millions de logements sociaux. Avec les représentants de l’ensemble des organismes d’HLM, nous voulons travailler sur l’accession sociale, en permettant à certains d’acquérir leur logement. Pourquoi une telle volonté ?
Pour tous les bailleurs sociaux, le logement, c'est-à-dire l’actif, est valorisé à zéro dans les comptes, parce qu’il est réputé ne pas pouvoir être vendu. Or certains économistes évaluent ces 4, 5 millions de logements sociaux à 230 milliards d’euros. Pour ma part, je ne pense pas qu’on puisse raisonner ainsi. Toutefois, permettez-moi de rappeler la multiplicité des logements sociaux : PLAI, ou prêt locatif aidé d’intégration, PLUS, ou prêt locatif à usage social, et PLS, prêt locatif social, proche du logement intermédiaire ou privé. Cette dernière catégorie représente à peu près 20 % du parc social, soit environ 900 000 logements, que certains locataires souhaitent acquérir. Cela emporte des difficultés, notamment de copropriété, qu’il faudra régler.
Chaque année, on vend autour de 8 000 logements. Si on réalisait demain la vente de 20 000 logements pour un prix moyen de 100 000 euros, on obtiendrait 2 milliards d’euros. Or le revenu annuel total des bailleurs sociaux s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros. Une telle vente représenterait donc 10 % des loyers. Il s’agit là d’une vraie piste d’amélioration : on pourrait ainsi mieux rentabiliser une opération et diminuer les loyers des bénéficiaires. Je parle bien d’accession sociale et non pas de vente aux institutionnels. Sur ce sujet, de nombreux bailleurs sociaux sont tout à fait enclins à réfléchir. D’ailleurs, dans le projet de loi Logement, on introduira les modifications visant à faciliter l’accession sociale.
Le troisième volet concerne le regroupement que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Dubois. Les organismes et les sociétés d’HLM l’appellent aujourd'hui de leurs vœux. En effet, il élargit les possibilités d’accueil des personnes en grande difficulté financière. J’évoquais tout à l’heure les disparités entre bailleurs sociaux ; il convient donc de rassembler, pour accueillir des publics plus sensibles, et de mieux construire grâce à des capacités financières plus importantes. Nombre de bailleurs sociaux se sont déjà organisés en GIE, alors que d’autres se sont consolidés au sein de groupes.
Enfin, outre le financement, la vente et le regroupement, nous négocions aujourd'hui avec l’ensemble des bailleurs sociaux l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018. Comme je vous l’ai indiqué en toute transparence et en toute franchise, nous en discutons tous les jours.
Les bailleurs sociaux l’ont affirmé dès le début, les améliorations de financement que nous leur proposons ne leur conviennent pas. Nous avons donc travaillé, et le Premier ministre leur a écrit. Aujourd’hui, ils relèvent des avancées significatives pour ce qui concerne le package financier, qui ne leur convient toujours pas, je ne me voile pas la face. La presse, les campagnes de pub qu’ils financent le montrent.
Toutefois, de vraies pistes de travail existent. Par exemple, les bailleurs sociaux estiment que les mesures prévues à l’article 52 du projet de loi de finances, qui ne reposent que sur une baisse de loyer, s’appliqueraient trop rapidement. Ils nous demandent d’évoluer sur certains sujets, tels que la TVA, ce qui leur apporterait une plus grande souplesse pour monter en puissance. Nous travaillons donc ensemble sur ce point, l’objectif étant de diminuer la dépense relative aux APL, mais de manière plus progressive.
Sans vouloir être trop long, je souhaite encore insister sur trois points. Vous avez évoqué, monsieur Dubois, de nombreuses pistes de réflexion, en souhaitant que le Gouvernement puisse y répondre positivement. Nous sommes d’ores et déjà totalement en ligne avec certaines d’entre elles. Je pense notamment à la TVA, mais aussi à la rénovation des centres-bourgs des villes moyennes. Avec Jacques Mézard, nous avons la conviction que ce sujet a été laissé de côté ces dernières années. Par conséquent, au cours des négociations que nous avons menées ces deux derniers mois, nous avons lancé un plan en matière de rénovation de logements. Nous avons notamment obtenu d’Action logement le financement, à hauteur de 1, 5 milliard d’euros sur cinq ans, de la rénovation dédiée des centres-bourgs de villes moyennes. Cela doit être un axe fort de la politique du logement.
Vous avez également fait allusion, monsieur le sénateur, aux systèmes de plateforme, et notamment à la plateforme d’attribution SNE, qui doivent être améliorés.
J’en viens enfin à la question du bâti, et au prix du foncier. Vous avez raison, dans certaines opérations en zones tendues, le prix du foncier représente 30 % à 50 % du prix de l’opération. Que faisons-nous dans le cadre du « choc de l’offre » – et non pas du « choc dans le mur » ! – que nous portons ? Il s’agit d’aligner les intérêts des uns et des autres. Car tel n’est pas le cas dans le secteur privé, ce qui est aberrant. Or, quand les vents sont contraires à la marée, on n’avance pas !
C’est la raison pour laquelle nous procéderons à un abattement fiscal massif. Ainsi, si un citoyen a besoin d’un terrain, mais que les propriétaires ne peuvent le lui vendre parce qu’ils attendent vingt-deux ans pour ne pas payer d’impôt sur la plus-value immobilière, le système ne fonctionne pas ! Par conséquent, tout propriétaire foncier vendant d’ici à fin 2020 bénéficiera d’un abattement spécifique, de 100 % s’il s’agit de logement social, de 85 % s’il s’agit de logement intermédiaire et de 70 % s’il s’agit de logement privé. Nous alignons les intérêts.