Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous rapporter une tranche de vie. La scène se déroule au printemps 2014 dans le village de Sainte-Marthe, situé dans le septième secteur de Marseille, qui compte 150 000 habitants, dont 50 % de logements sociaux.
Le préfet de région fait un point sur l’avancée des travaux de rénovation d’une cité sociale implantée dans le XIVe arrondissement. Il a réuni pour cela le préfet délégué à l’égalité des chances, l’adjointe au maire de Marseille chargée de la politique de la ville – appelons-la « Arlette » –, un représentant de la police nationale, les bailleurs et le maire de secteur récemment élu, en l’occurrence votre serviteur. Un seul pourvoir est absent : la presse ! Ce qui permet au préfet de nous annoncer directement et sans tabou – mais c’était sans compter sur le fait que je ne sais pas garder un secret – ceci : « Mesdames et messieurs, je suis très inquiet. L’objectif du programme est de recréer de la mixité sociale. Or nous allons droit à l’échec. C’est d’autant plus regrettable que ce programme est le plus coûteux : 180 000 euros par logement ! Nous avons découvert dans cette cité une organisation clanique : les Gitans ont chassé les Maghrébins. Nous avons rencontré le chef des Gitans ; il est d’accord pour accueillir des familles qui viennent de l’extérieur… à la condition qu’elles soient gitanes. »
Nous nous sommes rendus ensuite sur les lieux. Et Arlette, l’adjointe de Jean-Claude Gaudin, de s’émouvoir et de m’interroger : « Stéphane, on ne va pas laisser ces gens dans cette situation ? » Et moi de lui répondre : « Humainement, non ! » Et, abandonnant un instant les versets de la religion laïque et obligatoire du vivre ensemble, Arlette de constater et de me confier : « Mais cela ne servira à rien. » Ou quand le mur de l’idéologie s’effondre devant la force de la réalité !
Monsieur le secrétaire d’État, cette histoire vraie, et il y en a tellement d’autres, résume à elle seule la situation que subissent bon nombre de nos compatriotes, et pas seulement dans la deuxième ville de France : concentration des programmes sur les mêmes territoires, communautarisme, incivilités et insécurité, qui interdisent à des familles d’accéder à des logements qu’elles ont financés et auxquels elles ont droit, et dont elles ont besoin ; démission et aveuglement idéologique des pouvoirs publics, qui se contentent de déverser des sommes considérables sans aucun contrôle, sans aucune volonté d’y faire respecter sinon le vivre ensemble, au moins le savoir-vivre !