Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout au long de mon parcours d’élu local, comme maire d’un tout petit village du Cantal et président d’une intercommunalité rurale, j’ai pu mesurer combien, au fil des ans, l’accumulation d’obligations, de démarches en tous genres, de réglementations, de procédures a complexifié la tâche des élus locaux et combien elle pénalise parfois les territoires, tout particulièrement dans les petites collectivités, qui ne disposent pas des services administratifs et techniques pour faire face à ces obligations subies.
Parmi ces obligations, certaines sont bien entendu nécessaires, et c’est le rôle des élus de les mettre en œuvre, mais d’autres sont parfois rendues inopérantes, incompréhensibles, voire contradictoires ou inefficaces, par leur empilement.
Je pense donc que, tout en veillant à accompagner les nécessaires mutations environnementales et sociétales, nous devons aussi avoir le souci permanent de simplifier, de clarifier, d’alléger les procédures. C’est aussi un gage d’efficacité !
Cela me semble possible dans de nombreux domaines, non pas en faisant de grandes révolutions, mais en prenant des mesures simples, pragmatiques, concrètes qui correspondent aux réalités du terrain.
C’est précisément l’objet de la proposition de loi que je vous soumets, au nom – j’y reviendrai – de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside notre collègue Jean-Marie Bockel.
De quoi s’agit-il ?
La simplification que je vous propose concerne le service public de distribution d’eau potable, qu’il soit géré par la collectivité compétente en régie ou confié à un délégataire. Il s’agit de simplifier la procédure de déclaration de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau et d’éviter que les collectivités subissent à tort une pénalité financière par le doublement de la redevance.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Au cours d’une même année, les collectivités sont soumises à deux obligations.
La première doit être remplie avant le 1er avril, date à laquelle elles doivent transmettre à l’agence de l’eau la « déclaration pour prélèvement sur la ressource en eau », faisant apparaître les indicateurs de performance de l’année n-1.
C’est à partir de cette déclaration, fondée sur des données non consolidées, que les agences calculent le montant de la redevance et appliquent un éventuel doublement de cette redevance si les indicateurs de performance ne répondent pas aux critères fixés par l’agence.
Poursuivons. Après cette première déclaration d’avril arrive la seconde déclaration, celle du 30 septembre, par laquelle les collectivités doivent publier « le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable », ou RPQS, cette fois avec des données consolidées. Tant pis pour les collectivités qui auront été indûment pénalisées !
Voilà donc une situation incompréhensible pour les collectivités, qui sont contraintes de communiquer les mêmes indicateurs de performances deux fois par an, à quelques mois d’intervalle, en avril puis en septembre.
Pour couronner le tout, à cette situation s’ajoute une autre incohérence. Lorsque la gestion du réseau a été déléguée à un tiers, le délégataire est tenu de fournir à la collectivité compétente les données consolidées nécessaires à la déclaration d’avril, non pas avant le 1er avril, mais avant le 1er juin !
La pénalité n’est pas anecdotique : le Conseil national d’évaluation des normes estime qu’elle représente environ 15 % du coût global des majorations. On voit bien que cette situation est aberrante et le dispositif inefficace. Le CNEN évalue le surcoût de cette « majoration abusive » à environ 528 000 euros par an.
La proposition de loi vise tout simplement à rectifier cette incohérence de dates, à simplifier la procédure de déclaration et à protéger les collectivités d’un doublement indu de la redevance.
Comment ?
L’article 1er vise à empêcher le doublement à tort du taux de la redevance, du fait de données non consolidées avant le 1er avril, en fondant la déclaration de la redevance sur les indicateurs de performances non pas de l’année n-1, mais de l’année n-2, donc à partir des données consolidées publiées dans le rapport du mois de septembre de l’année n-1. Ainsi, le surcoût annuel de 528 000 euros serait supprimé.
L’article 2 tend à rapprocher les obligations déclaratives existantes en imposant aux agences de l’eau de préremplir la déclaration de redevance d’avril, puisque les agences disposeront des éléments pour le faire à partir du rapport qui aura été présenté le 30 septembre de l’année précédente.
Ainsi, les collectivités auraient à fournir leurs indicateurs de performance une seule fois, lors de la présentation du rapport en septembre.
L’article 3 prévoit la suspension pendant deux ans du doublement du taux de la redevance, quels que soient les indicateurs de performance constatés. Ainsi, ce doublement ne serait pas appliqué en 2020 et en 2021 pour les manquements constatés en 2018 et en 2019, ce qui offrirait aux collectivités une période de transition sécurisée sans majoration de redevance.
Enfin, l’article 4 a pour objet l’entrée en vigueur de cette loi au 1er janvier 2020.
La commission a un peu ajusté le texte pour permettre à l’outre-mer de bénéficier de ce dispositif ; j’y suis évidemment extrêmement favorable.
Pour terminer, je tiens à rappeler l’origine de cette proposition de loi.
Elle s’inscrit dans le cadre de la mission de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, mission qui a été confiée à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par un arrêté du bureau du Sénat de novembre 2014, dossier sur lequel s’investit beaucoup notre collègue et ami Rémy Pointereau.
La proposition de loi s’inscrit aussi dans la charte de partenariat signée en avril 2016 par Gérard Larcher, président de notre assemblée, par Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes, et par Jean-Marie Bockel, président de la délégation. Cette charte a pour objet de favoriser les synergies entre la délégation et le CNEN afin de rendre plus efficace notre action en faveur de la simplification des normes.
C’est dans ce cadre que le CNEN a saisi le 1er février 2017 notre délégation, qui a bien voulu confier à notre ancien collègue René Vandierendonck, qui a fait le choix de ne pas se représenter et que je le salue au passage, et à moi-même le soin d’élaborer cette proposition de loi.
Afin d’aboutir à une proposition partagée, nous avons souhaité établir un maximum de concertation avec l’ensemble des partenaires concernés. Nous avons organisé le 20 juin dernier une table ronde, comprenant le CNEN, la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, et le ministère de la transition écologique et solidaire.
Après un travail approfondi et de nombreux échanges, au cours de la table ronde et par la suite, nous avons abouti à une solution équilibrée, appuyée par l’ensemble des acteurs. Je tiens à remercier tous les partenaires et tous les participants à cette table ronde pour leur engagement et pour leur esprit d’ouverture : ils nous ont permis de trouver la solution que je vous propose.
Je vous invite, mes chers collègues, à donner une suite opérationnelle à cette mesure de simplification, car ce qui compte est qu’elle puisse s’appliquer, en approuvant cette proposition de loi.