Je tiens à souligner l'importance de cette délégation, véritable espace de respiration, de liberté, dont les membres - cela fait plusieurs mandats que j'y suis - peuvent faire des rapports sur des sujets qui les intéressent. Cette liberté est précieuse. Pour autant, je m'interroge : sommes-nous appelés à n'être que des agrégateurs de rapports, certes utiles, mais disparates, des touche-à-tout en quelque sorte ? Il faut dire que la concurrence est rude, avec l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'ensemble des commissions, les autres délégations, etc. Nous sommes dans un endroit où règne la polysynodie ; un peu comme dans les universités, dont la gestion est répartie entre trois conseils. En définitive, si vous additionnez toutes les structures du Sénat, vous êtes continuellement en train de courir d'une réunion à l'autre.
La prospective est une fonction éminente. Le général de Gaulle lui-même, le président Karoutchi ne me démentira pas, parlait de « l'ardente nécessité du plan ». Mais elle s'est quelque peu étiolée, dispersée. Ne faudrait-il pas nous atteler, tous ensemble, pendant deux ou trois ans, à la rédaction d'un ouvrage consacré à la France dans trente ans ? Pourquoi ne pas relever un tel défi ? Peut-être est-ce présomptueux, voire utopique, mais l'idée serait de tenir un discours rationnel sur l'avenir. Je sais bien que, souvent, ce qui arrive n'avait pas été prévu et ce qui avait été prévu n'arrive pas, mais, faire de la politique, c'est aussi préparer l'avenir. Sachons, monsieur le président, tracer notre chemin, occuper un espace entre les experts ès prospective et les cartomanciens, pour imaginer la France dans trente ans, en couvrant tous les domaines : aménagement du territoire, emploi, université...