Les engagements que l'État a pris concernant le renouvellement du matériel des trains d'équilibre du territoire seront bien tenus pour l'ensemble des régions. J'ai eu l'occasion de l'indiquer aux deux présidents de régions concernés. Nous réfléchissons actuellement à la façon dont l'État va lisser cette dépense. Chacun doit être conscient que l'on parle de montants considérables. Ce sont en effet 3,7 milliards d'euros supplémentaires qui doivent être trouvés dans le budget de l'Afitf, alors même qu'aucune recette supplémentaire n'a été dégagée. Mais nous honorerons nos engagements. Les deux conventions que vous avez mentionnées seront soumises au conseil d'administration de l'Afitf début 2018.
La situation n'est pas satisfaisante s'agissant du fret ferroviaire. En effet, les trafics ont chuté d'un tiers au cours des quinze dernières années. Le trafic s'est stabilisé entre 2010 et 2015, avec même une légère progression. Mais l'année 2016 a été mauvaise, pour diverses raisons, qui vont de la très mauvaise récolte céréalière, aux mouvements sociaux que la SNCF a pu connaître. L'année 2017 ne se présente pour l'instant pas très bien. Il en est de même pour Fret SNCF, qui avait amorcé un redressement significatif avec une réduction de son déficit. Toutefois, ce dernier a plafonné en 2016, et ne devrait pas être dans une situation satisfaisante en 2017. Les trafics ne repartent pas à la hausse en 2017, alors que nous l'avions espéré après le creux de 2016. Dans l'ensemble, la situation des acteurs du secteur ferroviaire de marchandises n'est pas satisfaisante. Certes, on pourrait se consoler en se disant que toutes les entreprises ferroviaires connaissent actuellement des difficultés en Europe. Mais la situation est pire chez nous.
Lors des Assises de la mobilité, il est prévu de traiter de la mobilité des personnes et de la logistique du dernier kilomètre, qui sont déjà, en soi, des sujets très vastes. C'est la raison pour laquelle, à la fin du mois, nous lancerons une autre concertation visant à tirer parti de toutes les réflexions menées sur l'amélioration de la filière fret et de la logistique. Il ne s'agit pas de refaire des rapports, mais de s'appuyer sur toutes les réflexions déjà conduites - je pense notamment à France Logistique 2025 - afin de proposer une stratégie dans le domaine du fret et de la logistique.
Nous devrons, dans ce cadre nous pencher sur la situation du fret ferroviaire. Nous savons déjà que nous devons progresser sur la qualité des sillons pour le transport de marchandises. Aujourd'hui, on ne sait pas tracer un sillon qui traverse notre territoire de façon satisfaisante. SNCF Réseau est en train de réfléchir à une organisation de son exploitation prenant mieux en compte les grands axes de transports de marchandises. J'espère que cela permettra d'assurer la qualité que les chargeurs sont en droit d'attendre. La qualité du service est d'ailleurs l'un des sujets principaux.
Nous menons également une réflexion continue sur le transport modal. Une consultation sur l'autoroute ferroviaire alpine a été lancée avec nos voisins italiens, et prochainement, nous allons lancer un appel à manifestation d'intérêt pour l'autoroute ferroviaire entre l'Espagne et le Nord de la France. Enfin, j'attends prochainement les conclusions des réflexions en cours sur l'aide aux transports combinés. Au final, c'est un ensemble de mesures que nous devons prendre. C'est un sujet que j'aborde avec beaucoup de modestie, car cela fait quinze ans que les trafics s'effondrent, alors que chacun exprime sa volonté d'une relance du fret ferroviaire. Nous allons essayer de trouver les bons leviers. Mais il est vrai que personne ne peut comprendre qu'il y ait aussi peu de fret ferroviaire sur nos rails, et autant de camions sur les routes.
Des démarches sont en cours pour renouveler le président de l'Afitf. Toutefois, cela peut prendre un peu de temps en raison du renforcement des contraintes pesant sur la nomination de ce dernier, notamment concernant la vérification de l'absence de conflits d'intérêts. Nous avons besoin d'un certain délai pour tout vérifier. Mais il est sûr que l'agence ne peut rester durablement sans président.
L'augmentation des ressources de l'Afitf est un premier pas, mais le compte n'y est toujours pas. Aussi, le conseil d'orientation des infrastructures va devoir réfléchir à une priorisation des projets, mais aussi à de nouvelles ressources. On ne peut pas rester durablement à ce niveau de ressources pour l'Afitf.
L'année 2018 sera consacrée en priorité à la régénération des réseaux. Cependant, il est clair que l'augmentation de 100 millions d'euros ne suffira pas si on se donne l'ambition de revenir à l'état du réseau routier d'il y a dix ans. Il faut, certes, aller plus loin dans la régénération des réseaux, mais aussi honorer les contrats de plan, financer les engagements pris sur le renouvellement de matériel de trains d'équilibre du territoire. Le parlement aura à décider du niveau des recettes de l'Afitf, qui devront être plus élevées que celles disponibles pour cette année de transition.
Pour le canal Seine-Nord Europe, les discussions sont en cours avec les collectivités territoriales qui ont proposé - et le gouvernement l'a accepté - d'avoir une gouvernance régionale pour la réalisation de cette infrastructure. Que ce soit pour la ligne Lyon-Turin, ou pour le canal Seine Nord Europe, il s'agit d'infrastructures d'une ampleur exceptionnelle. On ne peut pas s'obliger à les financer en crédits budgétaires, sur la durée du chantier. Nos voisins européens ne procèdent pas ainsi. Pour le tunnel entre l'Italie et l'Autriche, ou entre l'Italie et la Suisse, ce sont des sociétés de projet qui les financent sur une période de 40 à 50 ans. Nous devons nous aussi adopter ce genre de mécanisme. Mais, pour que l'emprunt soit remboursé, fût-ce sur une période de 40 ou 50 ans, il faudra trouver des recettes. C'est le sens de la réflexion en cours avec les collectivités territoriales, afin de dégager des recettes permettant le remboursement de cet emprunt.
Nous avons beaucoup d'ambition pour la refondation de notre politique des transports. Toutefois, il faut procéder de façon séquentielle. Aussi, nous organiserons début 2018 les assises du transport aérien. Nous souhaitons avoir une approche globale et ne pas se limiter à la question de savoir si les redevances des aéroports sont trop élevées, ou si les compagnies aériennes payent trop de charges. La dimension de la performance économique sera abordée. Mais nous voulons aussi nous intéresser à la performance au service des territoires. J'étais en début de semaine à Aurillac et j'ai pu constater à quel point des petits aéroports, avec des obligations de service public, peuvent être une réponse rapide et pragmatique au désenclavement des territoires. Cette dimension de la performance du transport aérien au service des territoires est un enjeu important.
L'impact environnemental du transport aérien, à la fois sur les émissions de gaz à effet de serre, sera également à l'ordre du jour. À ce sujet, vous savez d'ailleurs que ce secteur s'est engagé à plafonner ses émissions au niveau mondial. Il faut concrétiser ces engagements, notamment par le développement de carburants adaptés. Enfin, l'enjeu des nuisances sonores pour les riverains des aéroports ne sera pas oublié. Mais nous voulons également discuter de la performance et de l'innovation au service des passagers. Dans ce domaine, comme dans les autres domaines du transport, la révolution digitale peut faciliter le voyage et donner des services supplémentaires aux usagers. En outre, la performance sociale est un sujet important.
Je suis consciente des difficultés rencontrées sur la ligne ferroviaire Limoges-Angoulême, qui est malheureusement représentative d'un certain nombre de lignes UIC 7 à 9 - c'est-à-dire des lignes qui ne supportent pas un tonnage très important - mais qui sont essentielles aux déplacements de la vie quotidienne de beaucoup de concitoyens. Il s'agit typiquement d'une ligne ayant connu un retard d'entretien et de régénération, qui est aujourd'hui menacée d'une réduction de vitesse à 40km/h. Les choix que nous avons faits ces dernières années, collectivement, d'inaugurer trois lignes TGV - une quatrième doit ouvrir d'ici la fin de l'année - se sont faits au détriment de l'entretien et de la régénération de certaines lignes du quotidien. Je souhaite que les CPER, qui portent un certain nombre de projets sur ces lignes soient honorés. Mais il y a également un certain nombre d'infrastructures dont l'état est préoccupant et qui ne figurent pas dans les CPER. C'est tout le sens de la réflexion confiée à M. Spinetta sur la place du ferroviaire, ainsi qu'au conseil d'orientation des infrastructures sur les ressources à affecter à chaque politique. Des travaux urgents ont été programmés sur la ligne Limoges-Angoulême. Mais au travers de l'état de cette ligne, c'est un sujet de fond qui est posé.
Sur la taxation des poids lourds, nous ne souhaitons pas refaire l'écotaxe, dont chacun a pu apprécier les différents rebondissements. Mais il nous faut trouver une façon de faire payer les poids lourds, spécifiquement ceux en transit. Les régions qui connaissent ces trafics sont toutes volontaires - région Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Grand Est. Toutefois, je pense que l'on aura à réfléchir à une approche nationale. Je me réjouis d'avoir des régions souhaitant s'investir sur ce sujet, mais nous devons étudier la question de près, y compris d'un point de vue constitutionnel. En effet, est-il possible d'avoir des approches trop différenciées ? Un cadre national devra sans doute être posé, a minima pour que chacun ne réinvente pas sa solution technologique. Une des difficultés de l'écotaxe avait été les coûts importants de perception. En tout cas, il s'agit d'une piste de ressources sur laquelle le gouvernement souhaite avancer, évidemment en concertation avec les transporteurs routiers. Nous devons également nous assurer que le système retenu ne pénalisera pas un certain nombre de régions qui s'étaient fortement mobilisées au moment de l'écotaxe. Il faut en effet tenir compte des territoires plus éloignés du coeur des marchés européens.
Mon ministère a été alerté des nuisances sonores pour les riverains de la LGV Sud Europe atlantique. Nous avons d'ailleurs les mêmes difficultés sur la ligne Bretagne-Pays de la Loire. Les règles sont simples et définies dans le cadre des contrats de partenariat et des concessions. Les concessionnaires doivent respecter les normes fixées. Si elles ne le sont pas, ils doivent procéder aux travaux nécessaires. Toutefois, une fois cela dit, il est vrai que la réglementation dans le domaine du ferroviaire table sur un bruit moyen. C'est le sens des mesures en cours. Il faudra sans doute les compléter par une vérification d'une absence de pics sonores particulièrement pénalisants. Certes, la réglementation est basée sur le bruit moyen, mais cela ne veut pas dire que l'on ne va pas traiter cette situation. Nous devrons trouver un cadre adapté, si on ne peut pas s'appuyer sur les réglementations existantes et les obligations des concessionnaires.
Le gouvernement a beaucoup d'ambition pour les ports. Ce sont des outils majeurs du développement de l'économie de notre pays, que ce soit pour la compétitivité de nos exportations - nous savons qu'il est important de permettre à davantage d'entreprises de se positionner sur des marchés à l'export - mais aussi pour l'importation. Il y a, à ce sujet, une importante valeur ajoutée à capter, au travers des activités logistiques dans les zones portuaires. Le gouvernement souhaite permettre aux ports français de jouer à armes égales dans la compétition des ports européens. C'est ce à quoi nous allons nous attacher dans le cadre du comité interministériel de la mer (CIMER), et c'est le message que le Premier ministre portera à l'occasion des assises de l'économie de la mer.
En effet, compte tenu de leurs positionnements et de la situation géographique de notre pays, il est étonnant d'être dans une situation où un conteneur sur deux arrivant en France ne soit pas passé par un port français. Ce constat ouvre toute une série de sujets que l'on développera dans le cadre du CIMER qui se tiendra prochainement.
Cela pose aussi la question de la desserte de ces ports, sur laquelle nous avons à progresser, notamment en matière de desserte ferroviaire. Les parts de marchés du fret ferroviaire ne sont ni satisfaisantes, ni à la hauteur de ce que l'on peut constater dans les grands ports européens. On outre, plus le transport maritime va vers du transport massifié, avec des porte-conteneurs de plus en plus gros, plus il est important d'être capable d'acheminer ces conteneurs, avec des modes massifiés. Imaginons ce que serait la situation si la desserte des ports était uniquement réalisée par des poids lourds ! On assisterait à une congestion phénoménale. Des investissements sont déjà prévus dans le cadre du contrat de plan interrégional-État, à hauteur de 600 millions d'euros. Nous devons arriver à avoir, pour chacun des ports, des axes de fret ferroviaires performants, avec l'ambition d'un hinterland le plus large possible, connecté aux autres pays européens.
Nous devons également valoriser la desserte fluviale. J'ai en tête les inquiétudes en Normandie concernant le canal Seine-Nord. En même temps, il existe déjà une autoroute fluviale - la Seine - sur laquelle un certain nombre de travaux sont prévus. Il faut s'assurer de la performance de ce passage fluvial - il y a d'ailleurs un débat en cours au port du Havre pour s'assurer de la performance optimale de la desserte fluviale du port.
Le gouvernement et le Premier ministre sont très attachés au portage d'une ambition portuaire nationale, qui ne nous semble pas forcément compatible avec l'idée d'une gouvernance décentralisée pour nos deux principaux ports. Le gouvernement est attaché aux ports de l'axe Seine et de Marseille, qui sont d'importance nationale. Toutefois, il est nécessaire que cette ambition nationale s'accompagne d'un travail étroit avec les collectivités territoriales, qui sont, elles-mêmes, fortement mobilisées.
Le principe de l'exonération de charges patronales votées dans la loi pour l'économie bleue avait été retenu lors du précédent CIMER. Le coût prévu pour cette exonération au cours de l'année 2017 avait été provisionné. Toutefois, nous n'avons pas encore eu de retour de la Commission européenne, à laquelle nous avons notifié cette nouvelle exonération de charges. Aussi, les crédits n'ont pas encore été dépensés. Les contraintes de l'exercice de 2018 n'ont pas permis, jusqu'à présent, d'inscrire à nouveau cette prise en charge pour l'année 2018. J'ai noté la sensibilité de cette question. Nous allons être amenés à nous repencher sur le sujet, notamment à l'occasion du prochain CIMER.
Pour répondre à Madame la Sénatrice Keller, j'ai donné quelques éclairages sur la taxe poids lourd et il faudra trouver une cohérence nationale sur ces sujets en prenant bien en compte les motivations de certaines régions et en travaillant également avec les entreprises de la branche qui ne profitent guère de marges. Il faut que nous travaillions à un système ne pénalisant pas le pavillon français qui est déjà en grande difficulté.
Les péages ferroviaires représentent un vaste sujet sur lequel M. Jean-Cyril Spinetta va se pencher. Il faut sortir de la logique selon laquelle on fait semblant de penser que la dette, à l'origine de la création de RFF devenu depuis lors SNCF Réseau, peut être assumée grâce au péage. C'est ainsi qu'on atteint des situations absurdes comme l'augmentation massive des péages sur les lignes à grande vitesse qui s'est répercutée sur le prix des billets et a provoqué, en retour, la réduction du nombre de voyageurs et de la desserte. Le réseau SNCF s'étend avec moins de trains le parcourant. Remettre le système sur ses pieds implique de sortir de cette fuite en avant.
Ce qui m'amène à évoquer le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, qui marque un engagement dans la durée sur les crédits de régénération. Cette démarche est indispensable si l'on souhaite sortir des difficultés actuelles que l'on rencontre sur de trop nombreuses lignes. Les péages sont un outil majeur de la politique des transports, au-delà de leur dimension budgétaire. Un certain nombre d'attendus du contrat devront ainsi être réexaminés à l'aune des travaux que nous conduisons actuellement. Ainsi, en termes de théorie économique, je suis quelque peu surprise que l'augmentation des prix, notamment des sillons, génère soi-disant une demande accrue. Il faudra ainsi s'assurer que l'ensemble des paramètres du contrat entre l'État et SNCF Réseau est bien cohérent.
S'agissant de la COP23 - avant laquelle M. Nicolas Hulot a présenté un plan climat ambitieux - et de ses conséquences, nous réfléchissons actuellement, dans le cadre des assises de la mobilité, sur une mobilité plus propre encore. Il est important de tracer des perspectives pour l'ensemble des acteurs du secteur.
En effet, les constructeurs sont désorientés par les changements incessants des types de véhicules qu'il s'agit de produire. Notre vision du type de motorisation à retenir, à la fois pour les véhicules particuliers et collectifs, doit être prospective. Cette réflexion est en cours.
Pour autant, les règles de taxation du kérosène sont d'origine internationale : qu'il s'agisse de celles de l'Organisation maritime internationale ou de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), il nous faut éviter de trop nous singulariser. De toute manière, il nous est impossible d'agir lors des trajets internationaux et les mesures qu'il nous faudrait déployer ne concerneraient que ceux qui se déroulent sur notre territoire. Clairement, il y a là un risque de pénalisation du pavillon français, sans pour autant faire progresser les ressources au niveau mondial. Si la France peut porter ces sujets à l'échelle internationale, il est hautement souhaitable qu'elle ne se singularise pas en prenant des mesures contraires aux intérêts de son pavillon.