Je vous remercie pour les très nombreuses questions, qui montrent que le sujet intéresse. Je ne vais pas forcément être en mesure d'apporter des réponses précises à chacun, mais je m'engage à vous faire transmettre les éléments complémentaires dans les prochains jours.
Monsieur le Sénateur Pointereau, je vous confirme que les différentes assises, qui se déroulent dans des territoires enclavés, périurbains, dans les quartiers relevant de la politique de la ville ou des territoires ruraux, font remonter les grandes difficultés auxquelles nombre de nos concitoyens sont confrontés. Un Français sur quatre a dû renoncer à une offre d'emploi ou à une formation, faute de transport pour s'y rendre. Un tel exemple illustre l'importance des enjeux des transports de la vie quotidienne.
Il va nous falloir faire des choix : nous ne pourrons pas assurer la régénération des réseaux, tout en continuant à réaliser quatre lignes TGV concomitamment, à moins que le Parlement ne décide d'augmenter massivement les ressources allouées au secteur !
Les enjeux sont de deux ordres : l'enclavement, d'une part, - comment sort-on ou rentre-t-on dans le territoire - qui implique, à terme, l'usage de la voiture, dont la technologie continuera d'évoluer, et le développement de nouveaux services.
Il nous faudra ainsi réfléchir à une nouvelle gouvernance : 40 % des Français habitent dans des territoires situés en dehors des périmètres couverts par les transports urbains. Certes, les régions ont une compétence générale en termes d'intermodalité, mais comment s'organise-t-on pour coordonner les différentes offres qui peuvent être mises en oeuvre dans ces territoires ? Certes, de nombreuses innovations se font jour dans ces secteurs, à l'instar du covoiturage dont les marges de progression, s'agissant notamment du covoiturage domicile-travail, me semblent réelles, à la condition de se doter des bons outils.
Hier, j'assistais au lancement d'un robot-taxi dont je souhaite qu'il soit expérimenté dans le monde rural. Nous avons devant nous un chantier important pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens et nous allons nous y atteler dans le cadre des prochaines Assises de la mobilité.
Vous avez raison de le souligner : il faut avoir une vision réaliste sur les prochaines années et promettre les choses que l'on peut tenir. Notre vision peut porter sur les grandes infrastructures que vous avez mentionnées, mais mon ambition concerne aussi le secteur ferroviaire dont je souhaite qu'il joue davantage son rôle dans la périphérie des agglomérations. Au moins, nous avons des RER, certes perfectibles, mais qui sont en mesure de transporter chaque jour jusqu'à un million de voyageurs. Or, dans la périphérie de nos autres métropoles, nous sommes loin d'avoir des infrastructures modernisées susceptibles d'éviter, à nombre de nos concitoyens, de perdre quotidiennement des heures dans la congestion autoroutière. Il faut se donner des ambitions de long terme comme la dotation de RER dans un certain nombre de nos grandes métropoles.
En réponse à Monsieur le Sénateur Léonhardt, je suis consciente des difficultés des voyageurs en Ile de France. Nous sommes sur des ordres de grandeur très différents de ceux que l'on rencontre ailleurs sur notre territoire, avec quinze millions de voyageurs dans les transports publics chaque jour. Les ressources mobilisées sont toutefois à la hauteur de ces enjeux, avec un contrat de plan qui représente 7,5 milliards d'euros. Chaque année, la RATP, gestionnaire d'infrastructures, et SNCF Réseau mobilisent un milliard d'euros pour la régénération des réseaux. En outre, nous réalisons deux cents kilomètres de nouvelles lignes de métro autour de Paris. Certes, ce métro est plutôt sur la limite de la petite Couronne. Ile-de-France Mobilités devra réfléchir à l'évolution des transports de banlieue à banlieue, qui sont structurants pour l'Ile-de-France, afin qu'ils bénéficient à l'ensemble des territoires et ne soient pas assimilables à une nouvelle frontière, comme le périphérique a pu l'être à un moment donné.
Madame la Sénatrice Tocqueville, nous nous préoccupons de l'Axe Seine. L'ambition est portée par le Gouvernement. Le Premier ministre a confié une mission au préfet François Philizot sur la méthode pour tirer parti des synergies, dans le prolongement d'AROPA pour soutenir le développement de l'ensemble des ports de l'Axe Seine. C'est bien à cette échelle qu'il nous faut réfléchir et agir, notamment en termes de zones logistiques, riches en créations d'emplois qui devront accompagner le développement de nos ports.
Sur les ressources dédiées, notre réflexion est particulière s'agissant du Lyon-Turin et du Canal Seine-Nord. En effet, le Lyon-Turin se trouve dans une zone de montagne et le texte européen permet des sur-péages. Un fonds spécifique récupère également les dividendes des sociétés tunnelières. Il est tout à fait possible de réfléchir, ailleurs, à d'éventuels sur-péages en s'inspirant notamment des dispositifs mis en oeuvre par la Société du Grand Paris. Certaines régions aspirent, à mon sens légitimement, à des mesures comme des taxes spéciales d'équipement ou des redevances assises sur des surfaces de bureaux ou d'activités. Je compte sur le conseil d'orientation des infrastructures et sur le groupe qui travaille sur la soutenabilité et le financement de nos projets pour faire preuve d'imagination, tant les besoins de financement sont importants.
Monsieur le Sénateur Fouché, je partage votre analyse : les cheminots ne sont pas responsables du montant de leur dette. Celle-ci a d'abord été constatée en 1997 et résultait du financement, par la SNCF, des lignes à grande vitesse. Ce point est important et c'est la raison pour laquelle cette réflexion globale a été confiée à M. Jean-Cyril Spinetta. Il faut que l'État se dote enfin d'une stratégie d'ensemble cohérente sur le ferroviaire. Il nous faut sortir des injonctions contradictoires données à la SNCF, à la fois sur le fait qu'elle devrait baisser ses coûts tout en augmentant ses dessertes et qu'elle devrait, par ailleurs, commander des trains.
La sécurité des gares et des transports est un enjeu majeur et la loi de mars 2016 atteste de notre mobilisation. Les décrets d'application ont bien été mis en oeuvre, y compris ceux qui renforcent la vigilance lors du recrutement dans les entreprises de transport et qui accordent de nouvelles prérogatives aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP. Tous ces sujets ont avancé.
Le volet fraude, également porté la loi de mars 2016, a avancé. On s'est toutefois heurté à une difficulté, quant à la consultation du fichier qui visait à obtenir un meilleur taux de recouvrement des amendes. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a donné un avis négatif sur la première version du décret qui lui a été soumis. Nous allons donc soumettre une seconde version du décret permettant de retrouver les fraudeurs, tout en respectant le cadre fixé par la CNIL.
Monsieur le Sénateur Gontard, nous essayons de conduire une stratégie équilibrée dans le domaine ferroviaire. Je pense que le Parlement aura à se prononcer sur la part des lignes à grande vitesse, dont je pense qu'elle pourrait ne pas rester au niveau actuel. 1% des déplacements sont de longue distance et on a consacré 16 % de l'ensemble des ressources - tous financeurs confondus - au financement des TGV au cours des dernières années. Pour autant, il va nous falloir investir davantage sur les réseaux existants et investir davantage où le ferroviaire peut avoir toute sa pertinence, c'est-à-dire dans le transport de masse en dehors de l'Ile-de-France.
Monsieur le Sénateur Chaize, les priorités du CPER route ne sont pas décidées depuis Paris. Elles ont été décidées en lien avec les collectivités. Tout ne pourra pas être fait l'année prochaine, mais je me suis attachée à préserver des ressources pour les contrats de plan, dont les discussions seront conduites au niveau local.
Par ailleurs, il n'y a pas de stratégie de réduction des dessertes de TGV qui ne doivent pas se limiter aux métropoles. La solidarité existe : 70 % des dessertes de TGV sont aujourd'hui déficitaires et sont financées par les dessertes rentables. Toutefois, comme le Président l'a fait remarquer sur le quatrième paquet ferroviaire, les perspectives d'ouverture à la concurrence vont nous amener à nous interroger sur les modalités du maintien de cet équilibre, après l'ouverture à la concurrence. La solidarité joue à plein et devrait être plus prégnante encore, s'agissant du niveau des péages, dans les comptes de SNCF Mobilités, comme c'est le cas aujourd'hui.
Monsieur le Sénateur Marchand, je vous confirme que le site de Somain reste important pour le transport de marchandises en France et qu'en complément des perspectives portées par le projet de redynamisation du site, animé localement par le sous-préfet avec des fonctionnalités intermodales rail-route, un projet est bel bien porté par SNCF Logistique pour conforter ce site comme plateforme de relais national et international, avec la constitution de trains longs et lourds. Par ailleurs, le site de Somain fait partie des sites considérés dans le cadre de la desserte entre l'Espagne et la France, au travers des autoroutes ferroviaires.
Monsieur le Sénateur Vaspart, il va falloir, en effet, qu'on réfléchisse à la transparence des coûts des études et des travaux. Je m'engage à regarder ce point avec SNCF Réseau. On est, il est vrai, assez souvent surpris par le coût des travaux et une telle réflexion pourrait être conduite avantageusement par SNCF Réseau. Ce constat vaut de manière générale. Ce moment de pause peut nous amener à réfléchir sur le caractère pragmatique des réponses apportées. Il nous faut progresser sur ce point et ne pas reproduire les mêmes schémas, que ce soit en matière d'infrastructures routières ou ferroviaires. Un peu de pragmatisme ne nuirait pas et, par ailleurs, coûterait moins cher. Mais il est vrai que la multiplication des travaux de rénovation peut impliquer une phase de dégradation de la qualité du service rendu aux voyageurs. C'est d'ailleurs ce que vivent les voyageurs en Ile-de-France lors des opérations de rénovation. Sans doute faudrait-il concentrer les travaux sur une période plus courte plutôt que de les effectuer, sur la durée, petit à petit. Sans doute devrons-nous creuser cette question avec SNCF Réseau.
Sur la ligne Brive-Aurillac, si nous avons déjà financé des travaux, d'autres sont encore à effectuer. Le niveau de fréquentation n'y est manifestement pas très élevé. Cette situation est analogue à celle des Alpes : dans des secteurs où les infrastructures routières ne répondent pas aux besoins en toutes saisons, comment faire pour que l'infrastructure ferroviaire accueille plus de voyageurs qu'aujourd'hui ? Le service public a un coût et peut se répercuter sur celui acquitté par le voyageur.
Monsieur le Sénateur Mandelli, le Gouvernement n'a pas l'intention de détricoter les apports de la Loi Leroy. Je regarderai attentivement s'il est possible d'améliorer cette situation, mais des règles ont été introduites pour éviter les fraudes, s'agissant notamment des enjeux d'honorabilité. Le principe de l'auto-liquidation de la TVA n'a pas été remis en cause. La réflexion sur le net wage se poursuit.
Monsieur le Sénateur Bizet, la stratégie du pavillon national est en effet importante. En même temps, l'évolution de la part de marché que vous avez mentionnée se place dans un environnement marqué par le développement du transport aérien et l'exacerbation de la concurrence. La concurrence est rude, avec l'émergence notamment des compagnies low cost et des compagnies du Golfe. La Commission, avec le soutien de la France, a posé un nouveau cadre pour la régulation et la lutte contre la concurrence déloyale. Nous avons évité que ce dossier soit occulté. Les travaux vont s'engager sur cette lutte avec des pavillons dont on sait très bien qu'ils sont fortement subventionnés, d'une manière ou d'une autre. En attendant, la Commission assume le mandat de l'ensemble des pays européens pour conduire les négociations avec les Pays du Golfe. Je ne suis toutefois pas certaine que le traitement de ce dossier connaisse une rapide accélération, l'un conditionnant tout de même l'autre : s'assurer que nous sommes dans une situation de concurrence loyale est tout de même un préalable à la négociation de droits de trafic. Je pense que la Commission le voit aussi de cette façon.
Si certaines compagnies se préparent au Brexit en devenant des compagnies européennes, les discussions avec nos partenaires britanniques n'ont pas été engagées, pour l'heure ; les préalables n'étant pas remplis. Je suis enfin consciente que la situation de la ligne Paris-Granville n'est pas satisfaisante et qu'il va falloir qu'on se saisisse, sur cette question, de réelles marges de progrès.
Monsieur le Sénateur Chevrollier, je ne vous surprendrai pas en vous rappelant que la mission sur l'aéroport Notre-Dame-des-Landes est en cours et que nous en attendons les conclusions.
Sur l'impact des dessertes en autocar librement organisées, la fréquentation de ces cars provient, pour un tiers, de la route, d'un autre tiers, du rail et enfin, de déplacements rendus possibles par cette nouvelle possibilité. Il est important que ces cars aient permis, à un certain nombre de nos concitoyens qui ne pouvaient jusque-là se déplacer, de trouver une réponse à leurs besoins.
Je n'ai pas d'information immédiate sur la RN62, mais dans le cadre des Assises de la mobilité, nous allons ouvrir des réflexions sur des gouvernances évolutives, comme la possibilité de mettre en place des péages au-delà de ce qui existe actuellement dans le réseau routier. On pourra, sur ce point, vous répondre ultérieurement de façon plus précise. Sur la LGV BPL, j'ai bien noté un certain nombre d'insatisfactions, mais, tout de même, j'espère que celles-ci n'éclipsent pas totalement les satisfactions exprimées, puisque cette ligne a mobilisé d'importants financements.
Monsieur le Sénateur Dagbert, les dessertes ferroviaires devront continuer à faire l'objet d'une solidarité nationale. Je suis consciente que les collectivités territoriales sont sollicitées de manière importante pour le financement du ferroviaire. Je crois qu'il est essentiel de s'emparer de ce sujet avec lucidité. La remise en état du réseau représente des sommes colossales. Il nous faudra prioriser et nous ne pourrons remettre en état l'ensemble des infrastructures. Autant dans certains secteurs la solution ferroviaire est irremplaçable comme transport de masse, autant dans d'autres secteurs où les infrastructures routières sont de qualité, les régions, en leur qualité d'autorité organisatrice, doivent regarder le coût par voyageur et la qualité du service rendu, certaines dessertes pouvant avantageusement être assurées par la route, que ce soit par autocars ou minibus. Je le dis d'autant plus que je pense, a contrario, que le ferroviaire n'est pas assez utilisé pour le transport de marchandises et dans la périphérie de nos agglomérations. Pourtant, on peut constater en Ile de France qu'avec une voie dans chaque sens, on sait transporter plus d'un million de voyageurs par jour. Assurer, de la sorte, le transport de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens dans nos agglomérations ne manquerait pas de bénéficier au fonctionnement de nos villes, ne serait-ce que par la réduction des taux de pollution que chacun peut connaître.
Monsieur le Sénateur Longeot, j'espère également que le milliard d'euros de commandes publiques, que nous allons passer pour soutenir le site d'Alstom-Belfort, conduira bien à des emplois en France.
Madame la Sénatrice Bories, avec l'émergence des compagnies low cost, le TGV est plus cher que l'avion. En effet, lorsqu'une infrastructure comme Sud-Europe-Atlantique coûte plus de neuf milliards d'euros, les collectivités peuvent la financer à 100 % ou alors une partie est portée par le prix du billet. Chacun peut constater que se rendre depuis Paris à Bordeaux, par la ligne SEA, en deux heures, est une expérience très agréable, mais qu'il est moins onéreux de le faire par l'avion. On pourrait ouvrir le débat des émissions de gaz à effet de serre. J'ai demandé à mes services de dresser le bilan carbone de la construction de cette ligne. En effet, construire ce genre d'infrastructure, à coups de béton et d'acier, doit s'amortir dans la durée pour atteindre un bilan carbone satisfaisant.
Le vélo est au coeur de nos réflexions et des assises de la mobilité. Nous allons réfléchir à un nouveau dispositif destiné à soutenir les vélos à assistance électrique, mais plutôt en synergie qu'en alternative aux aides apportées par les collectivités. Il faudra continuer à soutenir les circulations douces et l'État à accompagner les collectivités territoriales.
Monsieur le Sénateur de Nicolaÿ, je ne vois pas pourquoi la politique de cession, par la SNCF, des lignes désaffectées s'arrêterait. Nous pouvons ainsi obtenir des voies vertes d'une très grande qualité, en reprenant des infrastructures qui ne sont plus utilisées par le ferroviaire.