Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 novembre 2017 à 9h05
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Examen du rapport

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général :

Il est en revanche une population pour laquelle la compensation est partielle, de façon totalement assumée par le Gouvernement : les retraités. Ce ne sont pas 3 milliards de dégrèvement sur la taxe d'habitation en 2018 répartis sur l'ensemble des ménages qui compenseront 4,5 milliards supplémentaires de prélèvements sur les retraités.

À titre personnel, l'idée d'une convergence des taux de CSG applicables à un même niveau de revenu entre actifs et retraités ne me choque pas : il n'existe pas d'exonération, de taux réduit ni de taux normal dérogatoire pour les actifs aux revenus modestes et, depuis plusieurs années, le revenu moyen des retraités, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, est supérieur à celui des actifs.

L'article 7 laisse cependant subsister un différentiel de 0,9 point entre le taux applicable aux actifs et celui applicable aux retraités tandis qu'il augmente l'effet de seuil entre le taux réduit (3,8 %) et le taux normal des retraités (8,3 %). Il ne poursuit donc pas d'objectif de convergence mais se présente de façon un peu stigmatisante pour les retraités, mis seuls à contribution. Je vous proposerai donc la suppression de cette disposition, qui pourrait être compensée par le maintien de l'affectation à la branche maladie d'une partie de la fraction de TVA nette qu'elle restitue à l'État, qui représente 5,9 milliards et dont 1,6 milliard revient à la sécurité sociale pour prendre le relais de compensations non-pérennes et compenser des charges nouvelles. Le retour net de recettes à l'État est donc de 4,3 milliards.

L'article 8 procède à la transformation du CICE créé par la dernière loi de finances rectificative pour 2012 et du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) en réduction de cotisations sociales. La création du CICE a fait suite au rapport Gallois sur la compétitivité de l'économie française, avec l'objectif d'améliorer les marges des entreprises. Son taux initial de 4 % a été porté à 6 % puis à 7 % pour l'année 2017. Le projet de loi de finances en ramène le taux à 6 % en 2018 ; c'est sur cette base qu'il sera transformé en réduction de cotisations sociales en 2019.

Cette transformation s'opère par une réduction de 6 points du taux de cotisation maladie jusqu'à 2,5 Smic, sur le modèle de la réduction de cotisation famille jusqu'à 3,5 Smic mise en oeuvre dans le cadre du pacte de responsabilité. Le coût de cette mesure serait de 21,6 milliards. Elle se traduit également par un approfondissement des allègements généraux de cotisations au voisinage du Smic qui concernerait les contributions patronales d'assurance chômage et les cotisations aux régimes de retraite complémentaire. Au niveau du Smic, les cotisations seraient donc résiduelles, voire nulles. Cet approfondissement des allègements généraux représente 3,3 milliards.

En 2019, les entreprises bénéficieront donc du versement du CICE dû au titre de 2018 et des réductions de cotisations, ce qui représente un effort significatif de 24,8 milliards. Pour les entités bénéficiaires du CITS, le gain est de 800 millions.

Je n'ai pas reçu de contestations à propos de cette mesure et le positionnement des allègements sur les bas salaires a donné lieu à peu de débats, alors que les effets sectoriels de ces choix ne sont pas négligeables : les allègements généraux sur les bas salaires bénéficient prioritairement à des entreprises de petite taille, dans des secteurs peu exposés à la concurrence internationale et faiblement à l'industrie.

Le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, s'est exprimé sur la nécessité de réfléchir aux prélèvements sociaux sur les salaires plus élevés mais l'occasion offerte pas la transformation du CICE ne se représentera probablement pas avec la même ampleur. Il n'a pas souhaité en dire plus.

J'en viens à l'article 11. Le RSI est un sujet que notre commission connaît bien et sur lequel elle a toujours porté, grâce au rapport présenté, à l'été 2014, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) par nos collègues Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy, un regard pragmatique, dépassionné et surtout actualisé - le RSI d'aujourd'hui n'est pas celui de 2010, ni même de 2014. Le plus fort de la crise, dont ce régime continue à porter les stigmates, est derrière nous. Il est donc temps de passer à une nouvelle étape et le débat porte sur la forme qu'elle doit prendre.

Ce que propose le projet de loi est de tirer entièrement les conséquences du choix fait en 2008 de confier aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants en clarifiant la chaîne hiérarchique et de responsabilité. Il s'inscrit en cela dans le prolongement de la mesure que nous avons votée l'an dernier sur le responsable unique du recouvrement.

Le texte va cependant au-delà du seul recouvrement pour confier à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) la gestion du risque maladie et à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) la gestion du risque vieillesse. Au 1er janvier 2018, cette réforme sera transparente pour les travailleurs indépendants qui resteront gérés par les anciennes caisses du RSI, devenues caisses déléguées. Au 1er janvier 2019, les nouveaux travailleurs indépendants relèveront directement du régime général et au 1er janvier 2020, ce sera le cas pour l'ensemble des travailleurs indépendants.

Au-delà des questions institutionnelles et de gouvernance, ma préoccupation est celle du maintien et du développement de la qualité de service due aux assurés travailleurs indépendants. J'étais assez inquiet au démarrage des travaux, notamment sur le calendrier qui me paraissait risqué, mais ma position a évolué au fil des auditions.

Pour le recouvrement, la réforme est plutôt une clarification des responsabilités. Pour la maladie et la vieillesse, il faut rappeler que les branches du RSI sont intégrées financièrement avec le régime général depuis 2015. Depuis le 1er juillet 2017 et la mise en place de la liquidation unique des régimes alignés (Lura), le régime général sait liquider une pension de travailleur indépendant. Quant aux prestations maladie en nature, les règles sont strictement identiques.

Tous les problèmes, notamment de systèmes d'information, ne seront pas réglés par la seule suppression du RSI. La création d'un groupement d'intérêt économique (GIE) chargé de maintenir les systèmes d'information du RSI le temps qu'il faudra pour leur substituer d'autres solutions informatiques me semble tirer les leçons de la mise en place de l'interlocuteur social unique (ISU).

Certaines modifications du droit ou améliorations de l'offre de services devraient faciliter la transition, comme la coupure du lien entre versements des cotisations et versements des indemnités journalières ou la faculté d'ajuster plus facilement ses acomptes. Une expérimentation est prévue pour tester la faisabilité de l'auto-liquidation. Il peut sembler injuste que le RSI n'ait pas obtenu ces avancées plus tôt mais elles vont indéniablement faciliter les choses.

La décision de supprimer le RSI est prise. Elle sera mise en oeuvre, nous ne devons avoir aucun doute à ce sujet. Aucun des interlocuteurs que nous avons rencontrés en audition n'en doute, y compris et peut-être même surtout les syndicats, qui sont déjà dans l'après et voudraient que les choses aillent vite afin que les personnels sachent précisément quelles fonctions ils occuperont demain.

C'est pourquoi je vous propose d'accompagner cette évolution, dans un contexte où les entrepreneurs sont, le plus souvent, d'anciens ou de futurs salariés et de veiller à la mise en place des garanties nécessaires au bon déroulement de la réforme sans exposer les travailleurs indépendants à de nouvelles zones de turbulences. J'ai identifié plusieurs points sur lesquels ces garanties me semblent devoir être renforcées et sur lesquels je vous proposerai des amendements. Pour le reste, il me semble que les acteurs du dossier sont attentifs à ne pas répéter les erreurs du passé et à prendre en compte l'aspect humain de cette réforme, dont les salariés du RSI sont un élément clé.

Telles sont les principales observations que je souhaitais faire sur les articles les plus importants de la troisième partie de ce projet de loi. Sous réserve des amendements qui vous seront présentés par vos rapporteurs, je vous propose d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

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