Depuis son retour à une trajectoire excédentaire en 2013, la branche AT-MP affiche une bonne santé financière que le PLFSS pour 2018 ne dément pas. Malgré de nouvelles dépenses mises à sa charge, les soldes prévisionnels s'élèvent à environ 1 milliard en 2017 et 500 millions en 2018. La dette - près de 2,5 milliards en 2012 - est aujourd'hui intégralement apurée, grâce à un ajustement régulier des taux de cotisation employeur. Ce résultat est en effet d'autant plus remarquable que le financement de la branche repose intégralement sur les entreprises et qu'elle est la seule dont la dette ne fait pas l'objet de reprises par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Il faut à cet égard souligner la qualité du dialogue social au sein de la branche, qui permet de garantir ses spécificités et sa bonne gestion.
Si des marges de progrès existent, c'est indéniable, pour mieux assurer la sécurité au travail de nos concitoyens, les résultats obtenus en la matière sont encourageants.
Avec une moyenne de 33,8 accidents pour 1 000 salariés, le nombre d'accidents du travail se stabilise à un niveau historiquement bas, dix fois moins élevé qu'il y a cinquante ans. Certains secteurs restent cependant plus touchés que d'autres : le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui est l'un des plus sinistrés mais aussi celui où la fréquence des accidents du travail est en plus forte baisse. Je pense surtout au secteur de l'aide à domicile et de l'hébergement pour personnes âgées où le nombre d'accidents est à l'inverse en hausse, avec une moyenne de près de 95 accidents pour 1 000 salariés.
En ce qui concerne les maladies professionnelles, la rupture de tendance esquissée en 2012 se confirme : le nombre de maladies nouvellement reconnues a diminué en 2016 pour atteindre moins de 50 000. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont encore en cause dans près de 9 cas sur 10 d'arrêts ou d'incapacité permanente mais leur nombre total diminue, de même que les maladies liées à l'amiante. En revanche, le nombre de pathologies cancéreuses reconnues, hors amiante, est en augmentation.
À côté de ces dépenses de prestations sociales, la branche AT-MP consacre une partie grandissante de ses ressources à des transferts à d'autres branches ou à des fonds. Ils représentent un cinquième du total des dépenses.
Il s'agit tout d'abord de la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Après avoir augmenté régulièrement, le nombre de demandes d'indemnisation adressées au fonds est en baisse depuis 2016. Cette inflexion semble se confirmer en 2017, avec une baisse de 5 % des dépenses d'indemnisation au troisième trimestre. Au regard de cette évolution, la dotation de la branche AT-MP au Fiva est ramenée de 400 à 250 millions en 2017 et 270 millions en 2018.
Si elle se confirmait, cette évolution pourrait indiquer le passage d'un cap, vingt ans après le début de l'interdiction de l'usage de l'amiante : compte tenu du délai de latence des maladies liées à l'amiante, qui peut aller jusqu'à quarante ans, les études épidémiologiques prévoyaient un pic des demandes en 2020. La tendance qui se dessine pourrait indiquer que ce pic est désormais dépassé, avec une légère avance par rapport aux prévisions. Il faudra donc être particulièrement attentif à l'évolution d'activité au cours de l'année prochaine.
De façon générale, les associations que j'ai rencontrées se montrent satisfaites des efforts déployés par le fonds pour améliorer les conditions de traitement des demandes, comme de la concertation approfondie qui a précédé l'élaboration d'un nouveau formulaire pour les ayants droit. Des progrès pourraient néanmoins être réalisées dans le domaine des actions récursoires auprès des employeurs reconnus fautifs, à condition - selon le fonds - de pouvoir y dédier les équipes nécessaires.
S'agissant du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), la réduction de ses dépenses se poursuit en raison de la baisse du nombre d'allocataires. Pour 2018, la contribution de la branche AT-MP au Fcaata est fixée à 613 millions. Ce montant lui permettrait de se maintenir à l'équilibre. La situation financière du fonds n'appelle donc pas de remarques particulières. Je vous proposerai en revanche un amendement visant à renforcer les droits des personnes ayant demandé l'inscription d'un établissement sur la liste des employeurs ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Il s'agit d'une mesure adoptée par le Sénat l'année dernière mais qui avait été supprimée par l'Assemblée nationale malgré l'avis contraire de nos collègues de la commission des affaires sociales. Nous y reviendrons tout à l'heure.
J'en viens au transfert à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP - vous savez que j'interroge souvent l'assurance maladie à ce sujet. Dans son rapport de mai dernier, la dernière commission chargée d'estimer le coût de cette sous-déclaration a conclu à une fourchette extrêmement large, comprise entre 815 millions et 1,530 milliard. Le PLFSS pour 2018 reconduit toutefois la dotation arrêtée depuis 2015, soit 1 milliard, contre 300 millions en 2002.
Nous l'avons déjà souligné plusieurs fois : au regard de la progression continue de ce versement, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, il est permis de s'interroger sur la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration. De plus, le résultat de l'estimation est particulièrement tributaire de la méthode utilisée. À titre d'exemple, en ce qui concerne les syndromes liés à l'épaule, le nombre de cas retenus en 2017 est beaucoup plus élevé qu'en 2014 car la totalité des affections péri-articulaires liées à l'épaule est désormais intégrée alors que seul le syndrome de l'épaule enraidie avait été chiffré précédemment - pardon de ces précisions, mais il s'agissait d'un exemple frappant. Au cours de son audition, le représentant de la commission a lui-même reconnu que l'exercice d'évaluation instituait un mécanisme par nature inflationniste. Il a par ailleurs souligné les limites de cette évaluation, à commencer par l'impossibilité de savoir quel serait le taux de reconnaissance des pathologies prises en compte si l'ensemble d'entre elles étaient déclarées. Une autre difficulté est liée au fait que la commission reste encore mal équipée pour obtenir de vraies mesures, car elle dépend très essentiellement de la Cnam dont la capacité de production de données demeure, selon elle, insuffisante pour établir des bases de chiffrage solides. Le président de la Cnam, que j'avais interrogé, m'avait déclaré qu'il n'avait pas les moyens d'établir de telles statistiques, ce qui est tout de même curieux.
Enfin, en application d'une ordonnance prise sur le fondement de la loi Travail de septembre dernier, la branche AT-MP supporte depuis le 1er octobre le montant des dépenses supplémentaires engendrées par la réforme du compte pénibilité, jusqu'alors géré par la Cnav, pour un total de 186 millions d'euros en 2018.
Les quatre facteurs de risque dont l'évaluation était la plus complexe ne relèvent plus du compte ; ils font désormais l'objet d'un traitement distinct dans le cadre du dispositif de départ en retraite anticipée pour pénibilité issu de la réforme des retraites de 2010. Les salariés concernés pourront ainsi bénéficier d'un départ anticipé dès lors qu'une visite médicale, en fin de carrière, aura permis de démontrer qu'ils ont contracté une maladie professionnelle conduisant à un taux d'incapacité permanente d'au moins 10 %.
La montée en charge de ce dispositif fait encore l'objet de nombreuses imprécisions. Il semble que la direction des risques professionnels de la Cnam ait pris connaissance assez tardivement du transfert envisagé par le Gouvernement et l'évaluation de l'impact financier de la mesure demeure peu approfondie. Il est probable que la branche soit confrontée à une hausse importante des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles. En outre, si la Cnav avait mis en place un dispositif d'ouverture et de gestion des droits, elle n'avait pas développé l'activité de prévention en entreprise, qui est tout de même primordiale. Tout l'enjeu sera d'y affecter les moyens nécessaires et d'éviter de rester dans une simple logique de réparation.
Je termine en indiquant que le PLFSS pour 2018 comporte deux mesures nouvelles en matière de risque professionnel. Il s'agit certes d'avancées auxquelles nous ne pouvons être que favorables, mais qui demeurent finalement assez timides au regard des marges de manoeuvre financières existantes. L'article 31 prévoit que pour les maladies déclarées à compter du 1er juillet 2018, le point de départ du versement des prestations ne soit plus la date du certificat médical établissant un lien possible entre la maladie et le travail mais la date de la première constatation médicale de la pathologie. L'article 32 bis prévoit quant à lui une amélioration des circuits de financement internes des caisses dans le domaine des recours contre tiers.
Au-delà de 2018, le PLFSS prévoit la poursuite de la croissance des excédents de la branche AT-MP qui atteindraient 1,7 milliard en 2021. L'audition de la directrice des risques professionnels de la Cnam a permis de confirmer que cette perspective justifiait l'engagement d'une décroissance des taux de cotisation et la mobilisation de moyens supplémentaires pour définir une politique active de prévention. Il me semble en effet légitime de tirer les conséquences, pour les employeurs, du retour à une situation financière solide. Il nous faudra cependant être vigilants à la montée en régime de la réforme du compte pénibilité et, plus largement, à l'avenir des dépenses mutualisées afin d'éviter qu'elles ne fragilisent les fondements assurantiels de cette branche auxquels notre commission a toujours été attachée.
En conclusion, je soulignerai que les moyens financiers accordés cette année devront être maintenus. Il faut reconnaître que ces moyens financiers sont établis en concertation, entre les organisations syndicales et patronales. Les résultats de cette concertation ne doivent pas être bouleversés.