Je vous remercie, mes chers collègues, de votre intérêt pour ce sujet. Quelques précisions méritent d'être apportées au regard des nombreuses interventions. Dans la lignée des propos de Mathieu Darnaud, lorsque j'indique qu'un projet de territoire est nécessaire pour garantir le succès d'une commune nouvelle, cela ne signifie pas que tout projet commun de territoire doit obligatoirement déboucher sur la création d'une commune nouvelle. Mais une commune nouvelle ne peut fonctionner que si elle s'appuie sur un projet commun de territoire suffisamment abouti. Les communes nouvelles qui réussissent sont celles qui ont un périmètre territorial qui n'a rien d'artificiel, celles où les élus viennent épouser, par la création d'une commune nouvelle, un bassin de vie et des habitants qui ont un même mode de vie.
Comme Mathieu Darnaud, je pense qu'il faut s'interroger sur les raisons qui expliquent les disparités territoriales très fortes en matière de création de communes nouvelles. Il existe par endroit une véritable frénésie - c'est le cas par exemple dans le Maine-et-Loire, où de nombreux regroupements ont eu lieu, qui ont même ensuite débouché sur des élargissements - alors que, dans d'autres territoires, au contraire, subsistent des réticences.
Monsieur Kerrouche, je partage votre interrogation. La réponse apportée par la proposition de loi me semble être contraire à l'objectif poursuivi. Nous découvrons des questions nouvelles au fur et à mesure du développement des communes nouvelles : par exemple, à Annecy, une très grande commune nouvelle vient d'être créée, ce qui était assez inattendu, du fait de l'évolution du périmètre des compétences de la région. Le besoin d'une plus forte visibilité, par rapport aux pôles touristiques, pour Annecy, a entraîné la création de cette commune nouvelle. Il faut donc traiter ces nouvelles problématiques à mesure qu'elles sont identifiées. Concernant le caractère obligatoire de la charte, je reste prudente. Celle-ci est adoptée au moment de la création de la commune nouvelle et engage, d'un point de vue moral, les élus qui ont initié le projet. Cela n'aurait pas de sens pour eux de renier, lors des prochaines élections municipales de 2020, leurs promesses de 2017. Je considère en revanche que la nouvelle équipe municipale doit pouvoir revenir en arrière mais il appartient aux élus en place de trancher. La commune déléguée n'a pas nécessairement vocation à être pérenne. Il ne faut donc pas donner un caractère contraignant à la charte, de manière pérenne : c'est davantage un engagement moral de la part des élus qui mettent en place le projet.
Monsieur Collombat, comme vous le savez, Jacques Pélissard, lorsqu'il était président de l'Association des Maires de France, a été à l'origine du cadre juridique actuel des communes nouvelles. On ne peut pas le soupçonner d'être favorable à la disparition des communes. Il a considéré que les communes nouvelles étaient une nécessité, pour donner à ceux qui le souhaitent - et j'insiste sur la liberté de la démarche - la possibilité de fusionner des communes, afin d'organiser les services sur un territoire élargi tout en conservant une certaine proximité. Je ne partage donc pas du tout votre point de vue selon lequel les communes nouvelles mettraient à mal l'existence même de l'échelon communal. La commune nouvelle, pour ceux qui la choisissent, pour ceux qui ont réfléchi à sa mise en place, est au contraire un moyen de sauver la strate communale. Il n'y a pas « d'arnaque » puisque ce sont les élus qui rédigent la charte. Il leur appartient bien sûr de le faire avec discernement s'ils choisissent d'y recourir.
Monsieur Marc, tout projet commun de territoire n'aboutit pas nécessairement à la création d'une commune nouvelle. Je me suis sans doute mal exprimée. Il s'agit seulement d'un prérequis indispensable à la constitution d'une commune nouvelle, mais les élus sont libres de créer ou non une commune nouvelle, elle ne représente qu'une réponse parmi d'autres. Je souhaite que la palette d'outils qui existe perdure. Ce qui est certain, c'est que la commune nouvelle ne réussit que s'il y a eu réflexion autour d'un projet commun de territoire. C'est un mariage de raison entre des communes mais un mariage ne fonctionne que si on a quelque chose en commun. La commune nouvelle est un outil auquel des élus peuvent librement choisir de recourir, ce n'est nullement la réponse à tous les maux rencontrés par les communes. Si, à l'inverse, la commune nouvelle n'est constituée que pour des raisons budgétaires, afin de bénéficier du maintien de la dotation globale de fonctionnement pendant trois ans, cela ne peut pas fonctionner dans la durée.
Je ne partage pas du tout le point de vue de M. Masson. La suppression du sectionnement électoral était nécessaire.
Monsieur Bonnecarrère, je partage totalement votre point de vue sur l'existence de plusieurs types de communes nouvelles. Vous soulevez l'excellente question, à propos de laquelle j'ai des propositions à formuler, de l'intercommunalité de services qui se transforme ensuite en commune nouvelle. Il s'agit d'une réalité, c'est pourquoi j'ai regretté que le Gouvernement, lors de l'examen parlementaire de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) ignore le phénomène des communes nouvelles. L'intercommunalité permet d'organiser des services mutualisés sur un territoire. Mais elle permet aussi d'organiser le territoire sur un modèle qui est, à mon avis, un peu trop monolithique. Le sujet de la commune nouvelle est donc l'occasion de questionner le modèle d'organisation intercommunale que nous avons mis en place. En matière de transports ou de tourisme, il faut travailler en réseaux mais il existe bien d'autres formes de contractualisation que la commune nouvelle, c'est un outil parmi d'autres.
Madame Canayer, vous évoquez les difficultés liées à la loi de 1971. Avec des communes associées, on est à mi-chemin entre deux situations. On ne peut pas rester dans le transitoire.
Madame Delattre, vous avez raison sur les problématiques soulevées, la réponse apportée par la proposition de loi suscite plus de questions qu'elle n'apporte de solutions. Si vous me permettez de prendre un exemple personnel, j'ai créé au 1er janvier 2017 une commune nouvelle à partir de trois communes, pour donner un avenir à celles-ci. Nous avions d'ailleurs pris comme slogan lors de la création de cette commune nouvelle : « L'avenir est la raison du présent ». Nous avons décidé de bousculer le présent pour avoir un avenir. Contrairement à ce que dit M. Collombat, les communes nouvelles constituent une opportunité pour la pérennité des communes.