Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 novembre 2017 à 8h35
Économie finances et fiscalité — Plan d'investissement pour l'europe : communication de mm. didier marie et cyril pellevat

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Dans le cadre du suivi du plan d'investissement pour l'Europe, je reviens devant vous pour la quatrième fois, avec cette fois-ci notre collègue Cyril Pellevat qui a rejoint notre commission en octobre dernier, pour un nouveau point d'étape et une analyse des perspectives ouvertes par la prolongation du plan d'investissement pour l'Europe jusqu'en décembre 2020.

Notre commission suit en effet ce plan depuis l'origine ; il a même fait l'objet d'une première communication dès son annonce par le président de la Commission européenne en septembre 2014. Pleinement opérationnel depuis septembre 2015, le plan d'investissement pour l'Europe, dit « plan Juncker », vise à relancer les investissements stratégiques dans l'Union européenne avec un outil à fort effet de levier : le Fonds européen d'investissement stratégique (FEIS), dont la Banque européenne d'investissement (BEI) est l'acteur majeur.

Le plan d'investissement entend répondre à trois objectifs stratégiques. Tout d'abord stimuler l'investissement, en s'assurant que les ressources publiques, limitées par nature, sont utilisées pour mobiliser l'investissement privé, afin de cibler les défaillances du marché de manière efficace, en attirant les capitaux privés. Deuxième objectif : renforcer la compétitivité en améliorant l'environnement en matière d'investissement, tant au niveau européen que dans chaque État membre. Enfin, troisième objectif : favoriser la croissance économique à long terme dans l'Union européenne et donc l'investissement dans l'économie réelle.

Le plan comporte des objectifs chiffrés. Il s'agissait en effet de mobiliser 315 milliards d'euros d'investissements entre 2015 et 2017, avec un effet de levier de 15 grâce à la dotation du Fonds européen d'investissement stratégique à hauteur de 63 milliards d'euros et à la garantie que le fonds apporte aux investissements les plus risqués qui, sans cela, ne trouveraient pas de financement.

Outre le fonds, le plan prend appui sur deux piliers techniques et un volet réglementaire. Le premier pilier technique est la plateforme européenne de conseil en investissement, qui appuie le recensement, la préparation et le développement de projets d'investissement, et fournit un conseil technique au financement de projets dans l'Union, en particulier en matière d'ingénierie financière. Le second est le portail européen des projets d'investissement : un site qui fournit des informations sur des projets d'investissement qui n'ont pas encore trouvé de financements.

Quant au volet réglementaire, il est en lien direct avec les politiques de l'Union européenne, pour créer un environnement propice aux investissements, en levant les obstacles réglementaires, en renforçant le marché unique, notamment dans le cadre de l'union des marchés de capitaux, et en supprimant les obstacles à l'investissement dans le marché unique numérique ou de l'énergie. Il s'agit de démultiplier les effets du plan et de rendre l'Union européenne plus attractive pour les investisseurs.

Le plan Juncker finance des projets industriels au sein de l'Union européenne. Deux grandes catégories de projets sont concernées : des grands projets portant sur un secteur d'avenir : les infrastructures (transport, haut débit, énergie, numérique...), l'utilisation plus efficace des ressources et énergies renouvelables, des fonds d'investissement de long terme pour la recherche et l'innovation, d'une part ; des projets innovants portés par des PME (capital et micro crédits) ou des ETI (crédits de financement des projets de recherche et développement, capital risque pour des prototypes), d'autre part.

Ces projets sont généralement financés via le Fonds européen d'investissement stratégique, qui apporte sa garantie aux banques nationales de développement, -lesquelles sont les points d'entrée du Plan : la Caisse des dépôts et Bpifrance pour la France, la coordination interministérielle étant assurée en France par le Commissariat général à l'investissement.

Les projets doivent répondre à cinq critères d'éligibilité. Le premier est d'être viable sur les plans économique et technique. Le deuxième, d'être compatibles avec les politiques de l'Union en matière de croissance intelligente, durable et inclusive, de création d'emplois de qualité et de cohésion économique, sociale et territoriale. Le troisième est d'apporter une additionnalité, autrement dit le projet n'aurait pas pu être financé sans la garantie qu'il apporte via les circuits traditionnels. Le quatrième critère est la maximisation de la mobilisation de capitaux du secteur privé. Enfin le cinquième est sectoriel. L'investissement doit en effet porter sur au moins l'un des sept secteurs priorisés : la recherche, le développement et l'innovation ; le développement du secteur de l'énergie ; le développement des infrastructures et des équipements de transport et des nouvelles technologies dans le domaine des transports ; la fourniture, par le FEI et la BEI, d'un soutien financier aux entités comptant jusqu'à 3 000 salariés, en ciblant particulièrement les PME et les ETI qui ont vocation à bénéficier du quart des financements ; le développement et le déploiement des technologies de l'information et de la communication ; la protection de l'environnement et l'utilisation efficace des ressources ; enfin, la promotion du capital humain, de la culture et de la santé. Il est à noter que très peu de projets ont été financés dans ces deux derniers secteurs.

Quel bilan peut-on dresser de la mise en oeuvre du plan à ce jour ?

Première observation : la mise en oeuvre s'est effectuée rapidement. Le FEIS a été déployé à compter de janvier 2015, les programmes d'assistance technique de la plateforme de conseil en investissement ont été adaptés et progressivement complétés en 2016-2017 et il nous a été indiqué qu'il y aurait de nouveaux enrichissements en 2018. Enfin les points d'entrée nationaux ont été rapidement opérationnels en Europe de l'Ouest, déployant des plateformes d'assistance technique et des véhicules de financement, y compris, plus récemment, des plateformes d'investissement regroupant des projets par thèmes ou par zones géographiques et accueillant, depuis le début de l'année 2017, des projets de plus petite taille. Mis en place tardivement et relancé en septembre le portail des projets d'investissement contient 150 projets, dont le tiers dans le domaine énergétique.

Deuxième observation : les investissements générés sont en ligne avec les objectifs affichés. Je rappelle que sur les 315 milliards d'euros de financement qui devaient être générés sur la durée du plan, 240 milliards (soit les 3/4) devaient été affectés aux investissements à long terme et 75 milliards (le dernier quart) aux PME et ETI. Selon la BEI, près de trois quarts des financements disponibles pour le plan avaient été mobilisés à la mi-septembre, soit plus de 287 milliards d'euros.

Troisième observation : la couverture géographique est inégale. La France est le principal pays bénéficiaire en valeur absolue avec des réseaux numériques très haut débit (dans le Nord, le Grand Est) et des fonds d'infrastructures (comme Gingko pour la dépollution des friches industrielles autour de Lyon ou Capenergie 3 pour l'efficacité énergétique), ainsi que des projets de transition énergétique, même si l'Italie a plus bénéficié de la garantie. Par rapport au PIB par habitant, les principaux pays bénéficiaires sont la Finlande, les pays baltes, la Bulgarie, l'Espagne et le Portugal, la France se situant au milieu.

En France, ce sont les PME-ETI qui ont bénéficié de 29 % des financements, suivies par les projets énergétiques et de recherche, développement et innovation (RDI), pour 22 % chacun, une répartition atypique si on la compare à celle des autres pays européens mais satisfaisante dans l'absolu. Le développement des plateformes d'investissement et l'abaissement récent des seuils d'éligibilité ont en outre permis de financer de plus petites opérations, en prêts comme en capital.

De manière générale, les économistes de la BEI constatent que le plan a une incidence marquée sur la croissance et sur l'emploi et estiment que, d'ici à 2020, le PIB de l'Union européenne en ressortira accru de 0,7 % et que 690 000 emplois auront été créés. De manière générale, ils considèrent qu'il s'agit d'une réponse probante à la défaillance du marché dans une situation de baisse des investissements.

C'est dans ce contexte que les discussions autour de la prolongation du plan ont été lancées fin 2016.

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