Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 13 novembre 2017 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion d'un projet de loi

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’agissant de la branche vieillesse, mon propos se bornera, dans le temps qui m’est imparti, à poser trois questions à Mme la ministre, au nom de la commission des affaires sociales.

La première concerne la dégradation des perspectives financières du système de retraites. À l’horizon de 2021, le solde des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, se dégrade spectaculairement, alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoyait un retour à l’équilibre en 2020.

Le déficit passera de 2, 1 milliards d’euros en 2018 à 4, 7 milliards d’euros en 2021. Après la présentation abusivement optimiste des comptes l’an dernier, ce PLFSS remet les pendules à l’heure. Il dévoile un besoin de financement qui, sans être catastrophique, n’en demeure pas moins, me semble-t-il, inacceptable pour les générations futures, d’autant que les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites, le COR, montrent qu’à réglementation inchangée, le système de retraites demeurerait déficitaire d’environ 0, 5 point de PIB – ça fait quand même un peu de sous ! – jusqu’en 2040 au moins.

Enfin, le comité de suivi des retraites a, pour la première fois depuis sa création, recommandé au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ramener le système de retraites sur une trajectoire d’équilibre.

Aucune mesure de ce PLFSS ne répond à l’enjeu financier, excepté le nouveau décalage de la revalorisation des pensions, qui ferait économiser environ 340 millions d’euros en 2018.

Madame la ministre, comment comptez-vous répondre au comité de suivi des retraites ? Vous êtes bien sûr consciente qu’une réforme, même systémique, ne nous dispensera pas de prendre des mesures pour combler ce besoin de financement. Il y a deux ans, le Sénat avait proposé de porter à 63 ans l’âge légal de départ, et d’accompagner ainsi l’accord courageux des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO signé en 2015. Nous prêchions à l’époque dans le désert. Qu’en sera-t-il sous ce quinquennat ?

Notre deuxième source d’inquiétude, madame la ministre, concerne le Fonds de solidarité vieillesse, dont le Sénat a suivi de près les évolutions grâce à ses rapporteurs de renom, Gérard Roche et Catherine Génisson. Les gouvernements successifs se sont accommodés du déficit de ce fonds, modifiant d’année en année ses recettes ou ses charges, à la faveur d’un jeu de tuyauterie habituel en matière de sécurité sociale.

En 2018, il affichera encore un déficit de 3, 4 milliards d’euros, proche de ceux de 2016 et de 2017, alors même que la dernière loi de financement de la sécurité sociale, en lui retirant progressivement le financement du minimum contributif, le MICO, allégeait ses charges de 1 milliard d’euros pour 2017 et de près de 800 millions d’euros supplémentaires pour 2018.

Deux dispositions nous laissent craindre que votre gouvernement, madame la ministre, n’utilise lui aussi le FSV comme un agent de trésorerie des régimes de retraite.

L’article 18 le prive de 500 millions d’euros de recettes en lui retirant le prélèvement de solidarité sur les revenus du capital et en ne compensant que partiellement cette perte par une part de la hausse de la CSG. En outre, la revalorisation du minimum vieillesse sur trois ans, sans affectation de recettes supplémentaires – vous en êtes bien d’accord, madame la ministre –, creusera son déficit d’environ 115 millions d’euros en 2018 – vous le dites vous-même ! – et de 525 millions d’euros en 2020. Ainsi, l’une des mesures phares du Président de la République à destination des retraités les plus modestes n’est tout simplement pas financée, ou l’est par la dette !

Quant à la dette du FSV, portée par l’ACOSS, elle se creuse : 11 milliards d’euros en 2018, plus de 15 milliards en 2021. Il faudra profiter de la réforme à venir pour remettre à plat le circuit de financement des prestations de solidarité, en redonnant du sens au FSV. À défaut, nous pourrions aussi bien réfléchir à sa suppression !

Notre troisième et dernière inquiétude concerne la situation des retraités. Entre la hausse du taux de la CSG sans compensation directe – seuls les actifs bénéficient d’une telle compensation – et l’« année blanche » pour la revalorisation des pensions en 2018, l’effort actuellement demandé aux retraités est substantiel.

Mettre les retraités à contribution constitue l’un des trois leviers classiques pour équilibrer les retraites, avec la hausse des cotisations et l’allongement de l’activité. L’orientation prise dans ce PLFSS augure-t-elle des choix à venir au titre de la réforme des retraites ?

Le débat qui s’annonce s’agissant de cette réforme sera passionnant, mais difficile. Le Sénat est prêt à y participer pleinement.

Nous avons déjà rencontré le haut-commissaire aux retraites, et nous voulons vous rappeler, madame la ministre, notre adhésion à un certain nombre de convictions que semble partager le Gouvernement : nous sommes attachés au régime par répartition, qui est l’une des principales composantes de notre modèle de solidarité intergénérationnelle, et persuadés de l’intérêt d’un système par comptes notionnels ou par points.

Ce dernier reste à définir, mais il permettrait de simplifier un paysage morcelé – régime universel ne veut pas dire régime unique, rappelons-le. Nous devons réussir à réfléchir à cette question de façon apaisée, en ayant bien à l’esprit que la transition entre les deux modèles sera longue et délicate, raison pour laquelle l’intégration du RSI au régime général ne nous paraissait pas si urgente.

Telles sont, madame la ministre, les quelques réserves que je souhaitais formuler au nom de la commission, s’agissant de la branche vieillesse.

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