Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 13 novembre 2017 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus encore que les années précédentes, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018 sont très imbriqués, s’agissant notamment des transferts financiers entre le budget de la sécurité sociale et celui de l’État ou du « poids » des administrations de sécurité sociale dans les finances publiques.

À ce titre, le Gouvernement compte principalement sur les administrations de sécurité sociale pour atteindre l’objectif de ramener le déficit public à 0, 2 point de PIB en 2022, conformément à la trajectoire prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. D’après les estimations de la commission des finances, près de la moitié des économies à réaliser d’ici à 2022 reposent sur les administrations de sécurité sociale. C’est beaucoup, madame la ministre ! Il s’agit d’un pari risqué.

Compte tenu des mesures proposées pour 2018, qui reposent sur des leviers traditionnels déjà largement exploités, il est permis de douter de l’objectif que le Gouvernement s’est fixé d’un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’horizon de 2020.

Je souhaiterais d’abord revenir sur la modification structurelle du financement de la sécurité sociale proposée par le Gouvernement et sur la suppression du CICE, qui sera transformé en baisse de charges en 2019.

La suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé en contrepartie d’une hausse de 1, 7 point du taux de CSG modifie en l’élargissant le mode de financement de la sécurité sociale, qui repose majoritairement, à l’heure actuelle, sur les revenus du travail.

Madame la ministre, nous approuvons cette orientation, même si, comme d’autres, je regrette le choix de la CSG en lieu et place de la TVA. Ce dernier levier aurait pourtant permis de taxer les importations – la croissance, en ce moment, repart à la hausse, mais notre déficit commercial ne se résorbe pas, bien au contraire – et d’élargir encore l’assiette.

Cette mesure est toutefois satisfaisante, à une exception près : celle des retraités qui ne bénéficieront d’aucune mesure de compensation, contrairement aux salariés. Je rappelle que, à partir de 1 440 euros par mois, ils seront prélevés de 324 euros par an. Ils sont 8 millions à être concernés par cette mesure, laquelle s’ajoutera au gel des pensions de retraite en 2018, « année blanche » résultant du report de la revalorisation des pensions. La commission des finances a donc adopté un amendement visant à supprimer la hausse de la CSG pour les 60 % de personnes retraitées qui auraient été concernées par cette augmentation.

La transformation proposée du CICE en baisse de cotisations patronales est une autre avancée positive. La réduction pérenne des charges est plus souhaitable qu’une subvention aléatoire, à laquelle s’apparentait le CICE. Je rappelle toutefois que l’État a récupéré 1 point au passage, puisque la compensation sera effectuée sur la base de 6 % et non de 7 % de la masse salariale.

J’en viens maintenant aux choix du Gouvernement en matière de maîtrise de la dépense sociale, qui conduisent à douter de la trajectoire annoncée des comptes sociaux.

En recettes, la réduction prévue des déficits repose sur le dynamisme des recettes, portées par des hypothèses de forte augmentation de la masse salariale du secteur privé, grâce à la baisse du chômage.

En dépenses, alors que la branche maladie concentre les déficits et les inquiétudes – l’un de mes collègues l’a rappelé tout à l’heure –, il ne nous est guère proposé de mesures nouvelles : 4, 2 milliards d’euros d’économies sont attendus pour maîtriser un ONDAM dont le taux de progression serait de 2, 3 %. Ces économies proviennent non pas de nouvelles mesures, mais de la poursuite des axes déjà mis en œuvre entre 2015 et 2017, pour des résultats assez limités.

Ce sont en réalité les familles et les retraités qui assumeront la charge des principales mesures d’économies. La commission des finances aurait préféré que les économies soient réalisées sur le fonctionnement des structures et non par des baisses des prestations destinées aux familles.

Quoi qu’il en soit, sur ces deux branches, des dépenses nouvelles sont annoncées par le Gouvernement, mais sont en réalité plus que compensées par de nouvelles mesures d’économies.

Le revalorisation du minimum vieillesse coûtera 115 millions d’euros en 2018 ; « en même temps », l’alignement des revalorisations des pensions de retraite et du minimum vieillesse au 1er janvier conduit à un gel des pensions de retraite qui permet d’économiser 380 millions d’euros en 2018, sur le dos des retraités.

L’augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde coûterait 40 millions d’euros en 2022 ; « en même temps », le montant et les plafonds d’éligibilité de la PAJE sont alignés par le bas sur ceux du complément familial. Un couple d’instituteurs, par exemple, perdrait près de 2 000 euros d’allocations l’année suivant la naissance de son premier enfant ! Voilà une nouvelle économie, de 500 millions d’euros par an à compter de 2022, réalisée cette fois sur le dos des familles. La commission des finances a donc voté la suppression de l’abaissement du montant et des plafonds de la PAJE.

Tels sont les deux amendements essentiels déposés par notre commission.

La commission des finances et la commission des affaires sociales proposent des améliorations à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ; si le Sénat les adopte, la commission des finances proposera, elle, d’adopter le texte.

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