Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos par une citation : « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. »
Les propos de nos rapporteurs sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale témoignent de l’existence, aux yeux de la commission des affaires sociales, de points de désaccord – sur la CSG, sur la prestation d’accueil du jeune enfant–, de motifs d’inquiétude sur les conditions de rattachement des indépendants au régime général, mais aussi de vraies satisfactions, en particulier sur le volet « santé ».
Après un quinquennat dont nous ne partagions pas les choix, cette appréciation nuancée traduit néanmoins une certaine déception.
Globalement, à la faveur de meilleures perspectives économiques, le déficit de la sécurité sociale s’atténue, sans qu’il soit besoin de recourir, comme l’an passé, à de multiples artifices de présentation. Ce déficit pourrait même faire place, d’ici deux ans si les hypothèses se vérifient, à des excédents. C’est visiblement sur ces excédents que compte le Gouvernement pour apurer la dette d’une vingtaine de milliards d’euros qui reste aujourd’hui gérée en trésorerie par l’ACOSS.
La branche famille est excédentaire, mais c’est au prix de mesures que le Sénat avait dénoncées, et l’économie sur la PAJE, prévue à partir de l’an prochain, nous semble injustifiée.
Madame la ministre, devant notre commission, vous avez indiqué vouloir mener un débat « apaisé » sur l’avenir de notre politique familiale. Mais s’il en résultait de nouveau la réduction de toute forme de compensation des charges familiales au-delà d’un certain niveau de revenu, cela viderait de sa substance une politique dont la réussite tenait au profond sentiment qu’elle s’adressait à tous, sans exception.
S’agissant de la branche vieillesse, le déficit repart à la hausse. Je n’insiste pas, car nous avions absolument contesté, l’an dernier, l’idée selon laquelle le problème des retraites aurait été réglé. Il s’agit donc d’un retour à la réalité, sans pour autant que le Gouvernement, pour l’instant, en tire de conséquence.
Je souscris totalement à l’objectif d’unification des cotisations et des droits, mais il s’agit d’un objectif de moyen terme, laissant entière la question de l’accentuation à très court terme des déséquilibres. Il faudra donc y répondre rapidement, sans attendre une future modification de l’architecture et des paramètres des différents régimes, d’autant que l’exercice sera nécessairement complexe à mener.
Nous voyons, à l’échelle plus modeste du RSI, le soin que requièrent des réformes de ce type. C’est d’ailleurs pourquoi j’aurais pour ma part préféré, madame la ministre, que l’affiliation des professions indépendantes fasse l’objet d’un projet de loi séparé, et non d’un simple article soumis au Parlement dans les délais d’examen très brefs propres au PLFSS.
Sur l’assurance maladie, la commission des affaires sociales porte une appréciation plus positive. Nous soutenons pleinement les mesures sur le tabac, la vaccination, les consultations de prévention pour les jeunes femmes. La suppression de l’obligation générale du tiers payant témoigne d’un changement d’approche indispensable vis-à-vis des professionnels de santé.
Enfin, nous approuvons les mesures en faveur de nouvelles formes de prise en charge. Sans doute ne seront-elles pas suffisantes pour donner corps à cette ambition que nous partageons avec vous, madame la ministre, à savoir préserver l’accès à des soins de qualité en gagnant toutes les marges possibles d’efficacité dans nos modes d’organisation.
C’est un défi, avec une prévision de progression de l’ONDAM fixée à 2, 3 % pour les quatre ans à venir, car notre système de santé reste sous tension, comme on le constate notamment dans les établissements hospitaliers.
Si j’ai parlé il y a quelques instants de déception, c’est que, sur la question essentielle du financement, je ne vois pas clairement où nous mènent les choix opérés par le Gouvernement ; je ressens même, en la matière, de réelles inquiétudes.
La principale mesure du programme de législature réside dans la hausse de la CSG au 1er janvier prochain.
De cette mesure, il ne résulte ni ressources supplémentaires pour la sécurité sociale ni baisse du coût du travail. Assortie de multiples compensations, dont toutes, à ce jour, ne sont pas arrêtées, elle entraîne un gain de pouvoir d’achat pour une majorité d’actifs et une perte pour beaucoup de retraités. Elle s’accompagne de complexes circuits de transferts, entre l’État et la sécurité sociale comme au sein de celle-ci. Tout cela, de mon point de vue, brouille plus qu’il ne clarifie le financement de la protection sociale.
C’est aussi la première fois, me semble-t-il, qu’on touche aux cotisations d’assurance chômage au sein d’un PLFSS. Cette première sera peut-être aussi une dernière, puisque l’exonération prévue équivaut à une suppression pure et simple de la part salariale.
Le plus étonnant est que cette modification du financement de l’assurance chômage s’opère alors que les discussions sur sa future réforme ne sont pas encore engagées.
Nous ignorons aujourd’hui ce qu’il en sera de l’extension aux démissionnaires et aux indépendants, ainsi que du financement d’une telle réforme et de ses implications sur la gestion paritaire de l’UNEDIC.
Madame la ministre, pourquoi ne pas avoir attendu un an de plus pour nous présenter un projet cohérent sur la couverture des différents risques et les ressources qui en garantiront le financement ?
La hausse de la CSG renforce la part de l’impôt dans le financement de la sécurité sociale, alors que cette dernière ne recevra pratiquement plus de TVA de la part de l’État. En définitive, la sécurité sociale sollicitera davantage les revenus d’activité et moins la consommation. Beaucoup d’entre nous pensent ici – plusieurs de mes collègues l’ont rappelé – qu’il aurait fallu faire l’inverse pour améliorer la compétitivité de notre pays tout en préservant son modèle social.
Cette mesure nous éloigne également un peu plus du principe selon lequel les impôts financent la solidarité et les cotisations les risques assurantiels.
Enfin, il me paraît nécessaire de préserver la spécificité des finances sociales. C’est d’ailleurs l’un des grands acquis de la réforme constitutionnelle de 1996. Ses auteurs ont voulu que le Parlement se prononce sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale, de manière à discuter dans un ensemble cohérent du niveau de couverture sociale de nos concitoyens et des ressources que la collectivité y consacre.
La semaine dernière, nous examinions un projet de loi de programmation quinquennale qui annonçait une remise en cause à venir de la compensation par l’État des exonérations de cotisations sociales. Avec la hausse de la CSG et les mesures qui l’accompagnent s’amorce déjà un déséquilibre des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.
En supprimant la hausse de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité, la commission des affaires sociales a voulu corriger le point le moins acceptable à ses yeux du volet « recettes » du PLFSS. Mais, au-delà de cet aspect particulier, je reste réservé sur l’orientation qui semble se dessiner en matière de financement de la protection sociale, ce qui ne m’empêche pas de reconnaître par ailleurs, dans le domaine de la politique de santé notamment, plusieurs mesures positives de ce PLFSS.