Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 13 novembre 2017 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Madame la ministre, je sais que vous connaissez toutes les problématiques auxquelles nous sommes confrontés. Je vous ai saisie récemment du cas particulier d’un adolescent atteint d’une forme rare de cancer, qui, malgré la qualité de la recherche en France, ne peut être traitée actuellement qu’aux États-Unis. J’ai obtenu auprès de vos services un accueil et une compréhension qui vous font honneur. Je vous remercie de votre engagement dans ce domaine.

La question déborde d’ailleurs les cancers pédiatriques, puisque, dans ce cas, il s’agit d’une forme de cancer dont peuvent également être atteints des adultes.

Le code de la sécurité sociale prévoit la prise en charge forfaitaire de telles maladies. Il s’agit la plupart du temps de traitements coûteux. Il est heureux que notre législation ait prévu une telle possibilité de prise en charge. Je salue d’ailleurs l’engagement, dans ce domaine, des caisses de sécurité sociale, des médecins-conseils et des personnels, qui traitent ces cas avec beaucoup d’humanité.

Je vous ai entendue vous engager à donner les moyens nécessaires à la recherche. Bien entendu, je vous fais confiance. Il faudrait que la recherche contre le cancer fasse partie des priorités de ce quinquennat, au même titre que certains axes prioritaires, que je ne conteste pas.

Je suis convaincue qu’un effort peut être fait. Nous sommes tous prêts à apporter notre pierre à l’édifice, mais, en premier lieu, je souhaiterais que soient mis à contribution ceux qui produisent les médicaments.

Certains médicaments sont plus rentables que d’autres, mais, aujourd’hui encore, certains marchés moins rentables sont insuffisamment investis par la recherche. C’est le cas des médicaments spécifiques aux traitements des cancers pédiatriques.

Je souhaiterais qu’une contribution spéciale soit demandée à tous les fabricants de produits pour les traitements médicaux, pour les traitements de confort ou pour la cosmétique, que cette contribution soit partagée par moitié entre le fabricant et les consommateurs, le fabricant ayant ainsi la possibilité d’augmenter ou non le prix de vente de son produit de la moitié de la somme qu’il devra reverser pour la recherche, et que cette contribution soit consacrée à la recherche contre le cancer, avec l’obligation d’en réserver la moitié au moins à la recherche spécifique contre les cancers pédiatriques. Je vous présenterai un amendement à ce sujet.

Au reste, des associations de parents désemparés se sont créées pour recueillir des fonds privés afin de pouvoir faire face, dans l’urgence, à l’accompagnement de ces enfants. Ces parents, dans l’angoisse de ne pas pouvoir procurer à leur enfant les soins qu’il pourrait recevoir à l’étranger, créent des associations dans le but de pouvoir lever rapidement les fonds nécessaires au traitement de leur enfant.

Il serait souhaitable que ces associations puissent bénéficier du statut d’intérêt général et, en conséquence, qu’elles puissent délivrer un rescrit fiscal aux donateurs, ce qui leur permettrait de lever beaucoup plus rapidement les fonds nécessaires. Bien entendu, tous les justificatifs devront être fournis, mais avec une priorité d’examen pour une réponse rapide, car dans ces cas dramatiques, on parle en jours…

Je veux maintenant intervenir sur les sujets de préoccupation principaux des Français de l’étranger et, tout d’abord, sur les « certificats de vie », question récurrente depuis des années, qui peine à trouver une solution.

Nos compatriotes retraités résidant à l’étranger doivent prouver chaque année qu’ils sont vivants pour percevoir leur retraite. Quoi de plus normal ? Cependant, beaucoup de nos compatriotes retraités résidant à l’étranger vivent loin d’une administration locale qui acceptera de justifier de leur existence.

J’ai eu à traiter plusieurs cas de Français demeurant loin d’une représentation officielle qui puisse justifier de leur état. Pour s’y rendre, il faudrait qu’ils prennent l’avion ou le bateau et qu’ils en aient les moyens. Ceux qui sont trop âgés, malades ou sans ressources ne peuvent pas prendre ce risque. Par ailleurs, si le certificat n’est pas rédigé dans la langue du pays, qui voudra certifier ?

J’ai même vu plusieurs cas de retraités venus passer quelques mois avec leur famille en France, qui ne pouvaient pas obtenir de la commune dans laquelle ils résidaient provisoirement auprès de leur famille ce fameux « droit à vivre dans la dignité » qu’est le certificat de vie.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, avec l’accord du Gouvernement, l’article 55 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, aux termes duquel « les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par un organisme français et résidant hors de France peuvent envoyer aux caisses de retraite leurs certificats d’existence par voie dématérialisée, dans des conditions fixées par décret. » Ce dispositif devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

Le Conseil constitutionnel l’a déclaré contraire à la Constitution pour de simples raisons de procédure, considérant qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif ».

Madame la ministre, quelles solutions très pratiques et concrètes votre ministère peut-il apporter dans cet univers kafkaïen ?

Un autre sujet concerne la situation de nos compatriotes expatriés qui rentrent en France, quelle qu’en soit la raison, mais bien souvent à la suite de la rupture de leur contrat de travail ou d’un problème familial, après avoir la plupart du temps travaillé dans des entreprises de droit local qui ne les ont pas affiliés au régime de sécurité sociale français.

Le bénéfice de la protection maladie universelle est subordonné à la justification d’une activité professionnelle ou à une résidence stable et régulière ininterrompue depuis plus de trois mois. Ceux qui ne sont pas adhérents à la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, se retrouvent à leur arrivée en France et pour trois mois au moins sans assurance maladie, ce qui entraîne pour eux et pour leur famille des conséquences parfois gravissimes.

Il serait souhaitable qu’ils puissent, dès qu’ils ont connaissance de leur retour en France, signaler cette situation auprès du consulat afin de pouvoir bénéficier d’une couverture sociale dès leur arrivée.

Permettez-moi d’évoquer également la réforme du régime de la Caisse des Français de l’étranger. Cette réforme est en discussion depuis des mois, tant au niveau du conseil d’administration et de la direction de la CFE que dans un dialogue constant avec la direction de la sécurité sociale et votre cabinet.

La réforme prévoit de nombreuses mesures, notamment une réflexion sur une prise en compte accrue de la composante liée à l’âge, une offre spéciale pour les jeunes de moins de 30 ans, une offre 100 % digitale, un « produit France » pour prendre en charge uniquement les soins en France, un objectif de remboursement clarifié pour les hospitalisations, etc. Il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui doit se traduire par une nouvelle loi.

Pouvons-nous espérer, madame la ministre, que ce texte puisse venir en discussion sans trop tarder ?

Pour terminer, j’évoquerai le problème crucial de la CSG-CRDS, qui inquiète nos compatriotes retraités.

L’augmentation des prélèvements les préoccupe, car il en résultera une diminution de leur pouvoir d’achat, sans parler de leur assujettissement à ces prélèvements.

Certaines compensations sont envisagées pour les anciens salariés ou fonctionnaires résidant en France, mais quid des autres retraités pénalisés par l’augmentation prévue, indépendamment de l’exonération partielle de la taxe d’habitation, qui ne sera pas complète cette année et qui ne bénéficie pas à la plupart des expatriés ?

Qu’en sera-t-il pour les non-résidents qui acquittent la taxe ? Quelles perspectives leur offre le Gouvernement ?

Je vous remercie d’avance, madame la ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter.

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