Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’ensemble de vos contributions.
Je note déjà avec satisfaction que, sur un certain nombre de sujets, notamment dans le champ de la santé, et particulièrement sur la prévention, nous pourrons peut-être arriver à des consensus dans les débats à venir. Cela me réjouit.
Je ne saurais répondre maintenant à l’ensemble des points que vous avez soulevés, mais j’aurai évidemment l’occasion de le faire lors de l’examen des amendements.
Je veux simplement revenir sur quelques grands axes que plusieurs d’entre vous ont évoqués.
Concernant la CSG, il faut considérer la politique du Gouvernement dans son ensemble. Ainsi, seuls les retraités assujettis au taux plein de CSG subiront la hausse de 1, 7 point et 40 % des retraités – les plus modestes, dont les retraites se situent en dessous du seuil de la CSG à taux plein – échapperont à cette augmentation.
Par ailleurs, une grande partie des retraités qui seront assujettis à la hausse de 1, 7 point bénéficieront de l’allégement de la taxe d’habitation. Au total, sur les 7 millions de retraités qui connaîtront une augmentation de la CSG, 3, 8 millions seront compensés, voire plus que compensés – ils gagneront en pouvoir d’achat par la suppression de la taxe d’habitation.
J’ajoute que le PLFSS comportera des dispositions à destination des plus modestes, notamment la revalorisation du minimum vieillesse, qui augmentera dès le 1er avril 2018.
Prenant en compte la politique fiscale et sociale dans son ensemble, nous sommes attentifs à l’équilibre d’ensemble des réformes, dont il est très important de retracer l’impact, dans sa globalité, sur telle ou telle population. Il ne s’agit pas de travailler en silo.
Monsieur Milon, vous avez évoqué les conditions de financement de la sécurité sociale, et vous n’avez pas été le seul à relever que le projet de loi augmente fortement la part de la CSG dans ce financement. Il nous semble en effet que celle-ci est une ressource particulièrement adaptée, du fait de son assiette très large, qui assure une contribution de toutes les ressources productives. Il s’agit également d’une ressource adaptée au caractère de plus en plus universel de certaines branches, notamment des branches famille et maladie.
Nous voyons bien aujourd’hui que le ratio entre actifs et inactifs a tellement diminué depuis la création de la sécurité sociale que le modèle qui a été pensé en 1945 n’est plus soutenable. Nous sommes obligés de réfléchir à d’autres voies.
Concernant le RSI, beaucoup ont estimé que nous prenions des risques, voire que la réforme n’était pas souhaitée. Je rappelle tout de même que la perte de confiance des indépendants dans leur régime de sécurité sociale était telle que presque tous les candidats à la présidence de la République avaient inscrit dans leur programme la réforme du RSI ! Nous n’avons à aucun moment menti en évoquant une baisse des charges. Il s’agit d’une réforme qui vise simplement, à charges constantes, à améliorer la qualité du service rendu. Nous n’avons pas non plus vendu une harmonisation entre le régime général et le modèle des indépendants. En revanche, nous vendons une simplification pour ceux qui, dans leur vie professionnelle, sont amenés à changer de statut plusieurs fois, ou à avoir des statuts mixtes – je pense notamment aux travailleurs qui sont salariés à mi-temps et indépendants à mi-temps. Ces derniers verront leur parcours de vie simplifié par les dispositions du droit de la sécurité sociale qui les concernent. L’enjeu réside donc aussi, selon nous, dans la simplification des parcours. C’est d’ailleurs également la raison pour laquelle nous allons, à terme, intégrer le régime étudiant dans le régime général.
Nous sommes évidemment très attentifs à ce que ne se produise pas un nouvel accident industriel, tel que celui qui a été observé en 2008. Depuis le mois de juillet dernier, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances ont été chargées d’une mission de préparation et de pilotage de la réforme et, contrairement à ce qui s’est passé en 2008, nous ne prendrons aucune décision aux conséquences irréversibles. Nous nous mettons donc en mesure d’assurer aux indépendants une bascule de leur régime vers le régime général, en prenant en compte toute la complexité du système. Nous avons, je pense, appris du passé, de façon à ne pas renouveler les erreurs.
Concernant, en particulier, les systèmes d’information, nous avons constitué un groupement d’intérêt économique, un GIE, formé par les différents organismes du régime général, pour maintenir et faire évoluer en commun les applications du RSI. McKinsey et Accenture se sont également vu confier la mission de définir un schéma type. Nous avons donc pris énormément de précautions.
Le projet de loi prévoit d’ailleurs la mise en place d’un comité de surveillance, qui sera chargé de valider chaque étape avant tout changement. Je pense que nous avons donc été vraiment très vigilants.
Sur la question de la dette et des besoins de financement de l’ACOSS, qui a été évoquée par beaucoup d’entre vous, le plafond de trésorerie de l’ACOSS devrait être porté à 38 milliards d’euros en 2018, contre 33 milliards d’euros en 2017. Le montant de l’encours de dette de l’ACOSS ne pose pas de problème de financement dès lors que les taux à court terme demeurent bas, ce qui sera visiblement le cas en 2018, eu égard à la politique conduite par la Banque centrale européenne.
Toutefois, face à davantage d’incertitudes à moyen terme, le Gouvernement est favorable à ce qu’une réflexion soit engagée dans le courant de l’année prochaine, visant à réduire cette dette via la CADES ou grâce aux excédents dégagés par les différentes branches. Nous y reviendrons.
Beaucoup de remarques ont également été faites sur les personnes âgées, sur l’ONDAM médico-social et sur les EHPAD. Je vais tâcher d’être brève, d’autant que nous aurons l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces mesures.
S’agissant des EHPAD, nous sommes conscients que l’ONDAM médico-social, qui progresse plus que l’ONDAM général, correspond à un vrai besoin, compte tenu du vieillissement de la population dans les EHPAD, et à la part de soins, qui est importante.
En prenant nos responsabilités, nous avons pris acte de la réforme de la tarification qui avait été prévue dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Nous sommes en train de suivre de façon très étroite la mise en œuvre de cette réforme, qui commence à s’appliquer. Les inquiétudes d’un certain nombre d’EHPAD quant au modèle de tarification sont parvenues jusqu’à nous. C’est la raison pour laquelle nous accompagnons aujourd’hui cette évolution financièrement, en prévoyant des financements supplémentaires pour la partie relative aux soins. En effet, nous voyons non seulement que les personnes âgées sont de plus en plus dépendantes, mais qu’elles souffrent aussi de polypathologies qui nécessitent davantage de soins. Notre effort s’élève d’ores et déjà à 100 millions d’euros.
Nous avons également prévu un fonds pour accompagner les EHPAD qui ne s’y retrouveraient pas financièrement et resteraient en déficit. Ce fonds sera doté, de mémoire, de 26 millions d’euros pour l’année 2018.
Enfin, nous créons des postes d’infirmières de nuit, là aussi pour répondre à des besoins qui ont été exprimés sur le terrain.
Notre vigilance est donc très grande, ce qui ne nous exonérera pas d’une réflexion de moyen et de long terme sur notre modèle d’accompagnement de la perte d’autonomie dans notre société. En effet, l’EHPAD n’est pas un modèle unique. Le séjour en EHPAD correspond aujourd’hui clairement à la fin de vie, puisque les personnes qui entrent dans ces structures y restent en moyenne deux ans.
Nous avons à réfléchir collectivement, de façon interministérielle, à la politique d’accompagnement des aînés, à une politique de la ville qui rende la ville inclusive, à une politique d’adaptation des logements et à une tarification différente de la perte d’autonomie. La réflexion ne fait que débuter. Nous prenons acte d’un changement de tarification des EHPAD, que nous allons accompagner, mais il ne s’agit évidemment pas là de l’ultime réforme de l’accompagnement de la perte d’autonomie de nos aînés, puisque nous savons que le nombre de personnes âgées dépendantes va tripler d’ici à 2050.
J’ai d’ailleurs confié aujourd’hui une mission sur l’évolution à moyen terme du modèle d’accompagnement de la dépendance à deux hauts conseils, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le HCAAM. Je pense que nous aurons l’occasion de reparler de ce virage dans cet hémicycle.
Monsieur Savary, vous avez évoqué la situation des retraites. Le Gouvernement est évidemment très attentif aux équilibres de la branche retraite à court et moyen termes. Nous allons suivre de très près les travaux du Conseil d’orientation des retraites, dont nous attendons le nouveau rapport. Il serait à mon avis prématuré de tirer, sur la base d’un seul point d’un seul rapport, des conclusions qui amèneraient à des réformes paramétriques, alors que nous nous engageons dans une réforme structurelle.
Nous avons d’ores et déjà intégré dans nos hypothèses de travail une prévision d’évolution à court terme plus réaliste que celle qu’avait retenue le PLFSS pour 2017, mais nous nous adapterons au fur et à mesure. Nous ferons preuve sur ce plan, d’une très grande vigilance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour tenir devant vous un discours de vérité sur ce sujet qui nous concerne tous et sur lequel nous aurons évidemment des choix stratégiques à faire dans les années qui viennent.
Concernant le Fonds de solidarité vieillesse, il n’est pas exact de dire que la hausse du minimum vieillesse n’est pas financée. Je vous fais remarquer que le déficit du Fonds de solidarité vieillesse devrait diminuer – vous l’avez d’ailleurs relevé – de 200 millions d’euros en 2018. Une revalorisation du minimum vieillesse n’est pas incompatible avec une réduction importante du déficit de ce fonds, qui devrait passer de 3, 6 milliards d’euros cette année à 800 millions d’euros en 2021.
Beaucoup d’orateurs ont évoqué la politique familiale – je pense notamment à Mmes Doineau, Schillinger et Dindar. Je partage votre souhait, mesdames les sénatrices, de réfléchir en priorité aux objectifs de notre politique familiale. Nous avons par exemple une inquiétude : la baisse de la natalité en 2016 et 2017. Si cette baisse se confirme, nous devrons repenser une politique nataliste ; en effet, je ne sais pas si les allocations familiales telles qu’elles ont été conçues il y a quelques années correspondent aux besoins actuels des familles.
Nous avons un autre défi à relever : la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Nous devons réfléchir à une politique de création de places en crèche ou à d’autres modes de garde pour le jeune enfant. Mme Rossignol a évoqué ce point. Or les places de crèche telles qu’elles ont été pensées sous le quinquennat précédent ne semblent pas répondre exactement aux besoins des familles.
Enfin, je voudrais évoquer un troisième objectif : la pauvreté des familles nombreuses ou monoparentales. Notre politique familiale ne saurait se dédouaner totalement d’un sujet spécifique à la France : le nombre d’enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté, qui sont en quelque sorte assignés à résidence dans la pauvreté, est bien supérieur à la moyenne de l’OCDE. C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’on ouvre un grand débat en 2018 sur les objectifs assignés à notre politique familiale et sur la manière de les atteindre. Là encore, ce débat devra tenir compte de toutes les sensibilités représentées au sein de cette assemblée, mais également de toutes les parties prenantes.
La réflexion ne fait que commencer. On ne peut donc réduire le PLFSS aux mesures d’urgence que j’ai prises quand j’ai constaté que 36 % des familles monoparentales vivaient en dessous du seuil de pauvreté et que cela représentait 70 % des enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté. J’assume ce choix stratégique effectué dans l’urgence, mais le débat devra se prolonger en 2018.
Madame Deroche, vous m’avez posé une question sur les ATU. Les autorisations temporaires d’utilisation ont été créées à une période où l’industrie pharmaceutique présentait un médicament ayant une indication. On a vu qu’avec une nouvelle politique visant à obtenir une première indication, souvent dans une niche, puis à développer progressivement de très nombreuses indications, le système des ATU ne permettait pas, une fois l’AMM octroyée, d’avoir accès aux médicaments innovants dans les nouvelles indications de façon anticipée. J’ai vu ce problème arriver quand j’étais présidente de l’INCA. Le ministère en est parfaitement conscient également, et nous devons encore travailler pour essayer de proposer une solution dès 2018.
Vous m’avez aussi interrogée sur les chirurgiens-dentistes : la négociation de la nouvelle convention est en cours avec la CNAM et, pour l’instant, nous réfléchissons avec les chirurgiens-dentistes à la manière de définir un panier de soins minimum qui permettrait d’accentuer l’intérêt pour les actes de prévention et d’avoir un reste à charge de zéro pour les familles.
Vous m’avez également interpellée sur les vaccins, notamment les vaccins contre les HPV. La problématique des vaccins contre la grippe ou les HPV est légèrement différente de celle des vaccins de la petite enfance.
J’ai souhaité aujourd’hui axer l’obligation vaccinale sur les vaccins de la petite enfance, car un certain nombre d’enfants, notamment des enfants atteints de cancer, ne peuvent pas bénéficier de la couverture vaccinale et sont, de ce fait, particulièrement sensibles aux épidémies. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une couverture vaccinale large pour éviter des décès d’enfants.
La problématique du vaccin contre les HPV est très différente, puisqu’il s’agit d’une protection individuelle. Si l’on veut considérer le vaccin anti-HPV sous l’angle de la protection collective, il faudrait alors s’interroger sur la vaccination des garçons. C’est un sujet réel. D’autres pays ont choisi de vacciner l’ensemble des jeunes, et pas seulement les filles. Nous aurons peut-être ce débat l’année prochaine. Mais nous avons déjà suffisamment de pain sur la planche pour convaincre nos concitoyens de l’utilité de vacciner les enfants de moins de deux ans !
J’ai regretté, madame Cohen, que vous évoquiez le suicide d’un praticien à Grenoble. Si la qualité de vie des professionnels de santé est, certes, une vraie question dans nos établissements, que ce soit en EHPAD ou à l’hôpital public, le cas particulier dont vous avez fait part relève, me semble-t-il, d’un autre problème. Veillons, sur des sujets aussi sensibles, à ne pas instrumentaliser le suicide d’un professionnel à un moment donné.
Cela étant, nous ouvrons évidemment la question de la qualité de vie au travail et du sens de l’hôpital public de demain. La tâche est immense, après des années d’une politique qui a voulu faire croire que l’hôpital public devait répondre à une logique d’entreprise. L’hôpital n’est pas une entreprise comme une autre, il ne doit pas rechercher des parts de marché. C’est la raison pour laquelle je souhaite revenir, au moins partiellement, sur la tarification à l’activité. Nous devons redonner à l’hôpital public le sens de sa magnifique mission, qui consiste à faire du progrès médical, de l’enseignement, de la recherche et à accueillir toutes les populations, sans reste à charge.
Nous allons travailler l’an prochain avec l’ensemble des acteurs pour que l’hôpital public retrouve la place qu’il n’aurait jamais dû cesser d’avoir. Les réformes successives – T2A, loi HPST, politique d’ONDAM très contraint – l’ont considérablement impacté et la politique du rabot sur la T2A n’a pas été compensée par un autre mode de tarification permettant de valoriser le savoir-faire de l’hôpital, notamment la pertinence des actes et la qualité des soins.
Je souhaite rééquilibrer cette politique de façon à ce que l’hôpital public ne se lance plus dans une course effrénée à l’activité. J’espère que nous pourrons mener ce débat de façon apaisée.
Je rappelle que 400 millions d’euros d’investissements sont prévus pour l’hôpital public, de même que 400 millions d’euros pour le numérique en santé, qui bénéficiera évidemment en partie à l’hôpital.
Monsieur Daudigny, vous estimez qu’on aurait pu mettre en place partiellement le tiers payant sur la part AMO. Mais on aurait alors perdu le sens de la réforme voulue par Marisol Touraine, qui devait déboucher sur un tiers payant complet et généralisé. Dans les débats, à aucun moment il n’a été question d’avancer par étapes, en commençant par un tiers payant sur la part AMO, puis en l’étendant aux complémentaires en cas de succès. L’esprit de la loi était d’offrir à tous les Français une facilité d’accès aux soins au moyen d’un tiers payant généralisé sur l’ensemble du champ tarifaire. Pour l’instant, il est clair que nous ne pouvons pas atteindre cet objectif. Je ne pense pas qu’on rendrait service à nos collègues médecins en généralisant le tiers payant seulement sur la partie AMO. Nous devons surtout rendre du temps médical aux praticiens.
Ce qui compte pour moi, c’est que le rapport commandé permette d’identifier – j’ai pris un engagement pour mars 2018 – le délai dans lequel nous serons en mesure de généraliser le tiers payant sur l’ensemble du champ tarifaire, complémentaire et obligatoire, de façon à ce que tout le monde y ait accès le plus vite possible. Ce rapport prévoit également d’identifier les populations qui sont vraiment gênées par l’absence de tiers payant généralisé, au-delà de celles qui en bénéficient déjà – CMU-C, ACS, ALD. Nous savons en effet qu’un certain nombre de nos concitoyens ont des difficultés à avancer ces sommes. L’idée est d’avancer par étapes en faveur des populations les plus en difficulté. Nous le savons tous ici, il n’y a pas urgence à ce que le tiers payant soit accessible à l’ensemble des foyers, quels que soient leurs revenus. Nous privilégions une démarche pragmatique, qui ne perd pas pour autant sa cible de vue, à savoir l’accessibilité pour ceux qui en ont vraiment besoin, le plus rapidement possible.
S’agissant du tabac, beaucoup de choses ont été dites sur les zones frontalières. Nous sommes parfaitement conscients de ce problème avec Gérald Darmanin. C’est la raison pour laquelle nous menons une politique acharnée de lutte contre la fraude : 200 postes supplémentaires vont être dédiés à la lutte contre la fraude et le commerce illégal de tabac dans l’administration des douanes. Le ministère des comptes publics travaille par ailleurs à un plan d’aide pour les buralistes. Enfin, les sanctions et les poursuites vont se durcir.
Outre ce renforcement des contrôles, je m’engage pour ma part à mener des négociations à l’échelon européen, notamment sur la traçabilité du tabac, un sujet sur lequel je suis très engagée avec mes homologues ministres de la santé, des finances ou de l’agriculture. Nous sommes aidés pour cela par la volonté farouche du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé et du commissaire européen à la santé, résolus à avancer vers une harmonisation de la fiscalité sur le tabac en Europe, avec la nécessité d’en faire réellement une priorité de santé publique pour l’ensemble des pays européens.
Je le rappelle quand même, s’il est aujourd’hui difficile d’harmoniser la fiscalité au niveau européen, c’est en partie parce que la France fait office d’exception. Le taux de prévalence du tabagisme dans les autres pays d’Europe n’a rien à voir avec le nôtre, et nos voisins ne sont donc pas confrontés à la même urgence sanitaire. L’Angleterre compte 15 % de fumeurs, contre 30 % pour la France. Les autres pays ont réussi là où nous avons échoué, et il est donc plus difficile de les embarquer vers une hausse drastique du prix du tabac, alors que leur santé publique est meilleure que le nôtre.
Je voudrais conclure sur les cancers des enfants, un sujet qui me tient à cœur depuis de nombreuses années. J’avais écrit le plan Cancer 2014-2019 en faisant des cancers des enfants l’une de mes priorités. Ce plan comportait, me semble-t-il, l’ensemble des mesures qu’on pouvait imaginer pour favoriser la recherche sur les cancers des enfants.
Aujourd’hui, une association de malades en particulier prône la taxation de certaines industries. Or nous avons besoin que les industriels fabriquent des médicaments pour les cancers pédiatriques. Il nous faut donc entraîner les industriels sur la voie de l’innovation médicamenteuse.
On peut décider d’instaurer une taxe, mais ce n’est pas elle qui permettra de développer de nouveaux médicaments.
Nous avons besoin de nous investir considérablement dans le nouveau règlement pédiatrique européen, qui favorise justement les investissements de l’industrie dans les médicaments pédiatriques. La France est leader en la matière.
Dans le cadre du plan Cancer, j’avais créé des centres d’essais cliniques de phase précoce pour les enfants et j’avais invité tous les grands industriels à nous donner leurs molécules innovantes pour les cancers réfractaires afin de les tester dans un cadre offrant une sécurité maximale aux enfants français. La France était donc pionnière dans l’accès aux médicaments innovants et aux essais cliniques.
Nous devons développer une réflexion intelligente, et non pas dogmatique, sur les cancers pédiatriques.
La question de la recherche est importante. J’avais mobilisé beaucoup d’acteurs de la recherche sur les cancers pédiatriques, mais nous avons peu d’équipes de recherche dédiées, probablement parce que la plupart des grands progrès médicaux ne proviennent pas d’une recherche appliquée.
Il faut certes avoir, en matière de recherche, des financements dédiés à un sujet. Mais, selon la formule consacrée, nous n’avons pas découvert l’électricité en essayant d’améliorer la bougie ! C’est une réalité : les grands progrès en médecine sont venus de recherches qui n’avaient rien à voir avec le sujet sur lequel allait s’appliquer le résultat des recherches. Vouloir à tout prix financer la recherche sur les cancers des enfants ne fera donc pas forcément progresser la recherche sur ces cancers. Ce qui compte, c’est d’avoir un très bon financement de la recherche en France de manière générale et de renforcer l’accessibilité aux essais cliniques. Cela doit devenir une priorité.
En revanche, je ne crois pas à la taxation des industriels : celle-ci risque de les freiner au lieu de les inciter. Toutes les incitations à la recherche sont pour moi positives, mais elles ne passent pas forcément par une taxation.