D'une manière générale, il nous faut être tous conscients que si rien n'est fait dans l'audiovisuel public ou dans l'audiovisuel privé, à court terme, tout le linéaire va s'effondrer. Le temps où chacun examinait le programme télé puis passant la soirée devant son poste de télévision est révolu. La prise de conscience n'est pas assez forte chez nos responsables. Les réformes sont trop difficiles à affronter. L'audiovisuel public n'échappe pas à ce phénomène et doit se remettre en cause. Des efforts ont été accomplis sous la présidence actuelle, des efforts d'économies très comptables, mais la mission de service public n'est pas reprise conceptuellement. Il n'est pas envisagé de réformes systémiques, pourtant nécessaires. Il en est de même pour l'audiovisuel privé qui doit être « décorsetté » la réglementation le contraignant beaucoup trop sévèrement, et ne lui permettant pas d'innover ni d'exporter.
Je propose de donner un avis favorable « avec vigilance » à l'adoption des crédits car, même si nous ne partageons pas tous ici, les orientations proposées, la ministre de la culture et le gouvernement nous envoient des signaux qui vont dans le sens de nos préconisations, tant au niveau de la réforme de la gouvernance qu'au niveau de la restructuration des opérateurs publics leur donnant plus de capacité de synergie. Il me paraîtrait malvenu d'être défavorable à ces crédits alors que les préconisations de la ministre reprennent très largement les conclusions de notre rapport de 2015. Cela affaiblirait notre capacité de participer à la réforme nécessaire et d'être considérés comme une partie prenante contributive. Je vous propose donc de donner un avis favorable pour voir si les intentions seront suivies de propositions concrètes, que nous pensons d'ailleurs pouvoir traiter dans le courant de l'année 2018, où une loi sur l'audiovisuel sera nécessaire, ne serait-ce que pour transposer dans le droit français, la directive des services médias audiovisuels.
Ensuite, je souhaite préciser que nous n'avons jamais proposé de fusion des grands opérateurs publics. Je conviens avec certains orateurs, dont David Assouline, que s'il était question de fusion, la mise en conformité de conventions collectives très différentes prendrait du temps et serait plus coûteuse. La proposition formulée aujourd'hui est de désigner un président identique chez les deux grands opérateurs, une même personnalité, qui aurait intérêt à trouver des synergies entre ces deux entités. C'est une idée qui est très loin de la fusion et loin de ce qui est préconisé dans notre rapport, à savoir une holding. La holding serait possible, avec une instance décisionnaire capable de jouer sur plusieurs opérateurs pour réaliser des optimisations, non pas uniquement pour le coût mais aussi sur la qualité de l'offre.
Pour répondre à Pierre Laurent sur le non-respect du COM, je ne peux que préciser qu'ils n'ont jamais été respectés sous aucune mandature. Au vu du temps que cela prend, de la multitude de critères qui sont évoqués, même si le dernier a été plus raisonnable en la matière, et que ces COM n'arrivent pas à franchir la moindre échéance politique quelles qu'elles soient, c'est là un vrai sujet. En effet, les patrons de chaîne ont besoin de clarté et de visibilité à long terme pour pouvoir agir et mettre en place une vraie stratégie de développement. S'ils n'ont pas de vision au-delà de l'année, ils sont « stérilisés ». La notion de pérennité d'un financement de l'audiovisuel est absolument à prendre en compte dans la réflexion législative. En Allemagne, la ressource qui bénéficie à l'audiovisuel public est constitutionnelle. Il y a quelques années, le gouvernement avait voulu réduire la contribution aux chaînes publiques. La cour constitutionnelle allemande a stoppé cette décision. Ce ne serait pas le cas en France. Des idées pourraient être développées pour permettre aux responsables de chaînes de suivre une stratégie qui soit inscrite dans le temps.
Enfin, nous souhaitons un service public de l'audiovisuel qui traverse les échéances électorales sans soubresaut. Ce qui nous permettrait d'obtenir une forme d'indépendance que nous appelons de nos voeux. Continuer à employer le mot « tutelle » apparaît très contradictoire. Il serait souhaitable que l'audiovisuel public ait ses ressources garanties en termes de structure, avec sa part de risque éventuelle, ce qui lui permettrait de ne pas toujours ouvrir le robinet des finances publiques, qui l'amène dans la situation actuelle.