Dans 85 % des cas, les communes ont su dès la rentrée 2017 organiser le dédoublement des classes en CP et CE1, et je salue la bonne volonté des maires, ils ont incarné la France et servi l'intérêt général. Quant aux 15 % restants, s'ils ne l'ont pas fait, c'est qu'ils n'ont pas pu. La rentrée 2018 se prépare dans le même climat excellent. Parfois des difficultés apparaissent, qui peuvent paraître indépassables. En ville, les problèmes sont différents et se posent surtout en euros, en mètres carrés... Mais le dialogue est fructueux avec les communes, les inspecteurs d'académie sont mobilisés et je parle aussi avec les préfets, je leur demande d'aider les collectivités, car celles-ci font des efforts. On peut critiquer les classes modulaires, le préfabriqué a mauvaise presse, pourtant il peut être de bien meilleure qualité qu'un bâtiment ancien. Ce peut donc être une occasion d'amélioration. Les collectivités sont mobilisées, elles seront aidées, notamment par des moyens de l'ANRU, comme l'a indiqué le Président de la République. Le ministre de la cohésion des territoires est lui aussi attentif à la question, quant à moi je suis attentif et optimiste !
Le remplacement est un sujet structurel. Oui, on constate une crise des vocations, et, dans certains territoires qui présentent des difficultés spécifiques, qui entraîne l'absentéisme. En Seine-Saint-Denis, on m'a rapporté un cas où s'étaient succédé dix-sept professeurs dans une année : preuve qu'il y a un problème non pas de remplacement - aligner seize remplaçants est à l'honneur de la République - mais d'absentéisme. Pourquoi seize enseignants ont-ils jeté l'éponge durant l'année ? Il faut étudier cette question avec lucidité. Nos premières réponses sont modestes, car de court terme. D'autres, plus efficaces, se déploieront sur le moyen terme. À court terme, nous demandons aux recteurs une attention très soutenue pour porter remède à chaque situation qui l'exige. Et nous définissons une stratégie d'ensemble des ressources humaines du ministère afin de créer de bonnes conditions d'exercice de la profession.
L'orientation est un vaste sujet. Les réformes en cours sont cohérentes entre elles. Réforme de l'accès à l'enseignement supérieur, d'APB, de l'orientation au lycée : les premières mesures entrent en application, désignation d'un second professeur principal dans les classes de terminale, implication du conseil de classe dans le conseil aux élèves - c'est une évolution importante, qui en entraînera d'autres, sur la présence de professionnels autour des élèves pour leur orientation... Réforme du baccalauréat, celui-ci devant se concevoir comme un levier de réussite vers le supérieur - la concertation vient de commencer. Réforme de la voie professionnelle : la concertation a été lancée la semaine dernière, pour améliorer l'enseignement professionnel, le rendre plus fort, plus moderne, adapté aux enjeux de la révolution numérique, de la transition écologique, de l'entrepreneuriat, du savoir-faire français. Si nous avons en outre une logique de passerelles, l'ensemble sera cohérent. Enfin, le ministère du travail et le mien travaillent ensemble pour valoriser l'apprentissage, dépasser l'ancienne querelle entre l'apprentissage et l'enseignement professionnel. Nous voulons revitaliser les deux ! Ces quatre anneaux de réformes seront indissociables de la politique d'orientation, avec un impact sur le lycée et le collège.
L'interdiction du téléphone portable est déjà en vigueur dans certains collèges : ce n'est donc pas un voeu pieux. C'est faisable, si l'on est pragmatique. Un groupe de travail associe des chefs d'établissement pour recenser et diffuser les bonnes pratiques afin que l'interdiction soit réellement applicable. On peut presque parler de transformation anthropologique des élèves : la concentration s'affaiblit, les cours de récréation ont perdu leur joyeuse animation parce que chacun est rivé à son téléphone, le manque d'exercice physique et l'obésité se généralisent ; il faut maintenant lutter contre les addictions et contre la pornographie. Depuis que j'ai annoncé le projet d'interdiction, je constate une appétence toute nouvelle pour l'usage pédagogique des portables... Nous mènerons cela en finesse.
Quand je mentionne la cellule laïcité, on m'oppose les référents laïcité et on se demande si je ne fais pas une fausse annonce. Mais je suis parfaitement capable de reconnaître la qualité de ce qui a été fait auparavant ! Je veux prolonger cette action. Au-delà de l'observation et du conseil, l'unité interviendra en appui aux équipes pédagogiques confrontées à des atteintes à la laïcité. À l'échelle nationale sera élaborée une doctrine nationale, puisqu'il faut bien prendre en compte la casuistique juridique... Il y aura une déclinaison dans chaque rectorat, pour que des équipes interviennent dans les établissements. Je veux instaurer une sorte de subsidiarité. Il faut une cohésion d'équipe lorsqu'un enseignant fait appel au chef d'établissement, par exemple lorsque les cours de science sont perturbés par des affirmations farfelues. L'institution de l'éducation nationale incarne la République, la science, le savoir. On a besoin d'équipes soudées, qui dialoguent avec les familles. Ensuite, si l'établissement se sent seul, c'est l'académie qui vient en soutien. Et si l'académie se sent seule, c'est le ministre qui viendra en soutien. Sur ce sujet, on ne doit pas du tout sentir la République reculer ; on doit, au contraire, sentir qu'elle est une, indivisible, laïque. C'est absolument fondamental ! Je veux cibler ici le sentiment de solitude de certains professeurs face à certains types de phénomènes. Rien ne peut être relativisé en la matière. Nous travaillons à la mise en place de mesures concrètes, le tout dans un état d'esprit que j'ai d'ores et déjà demandé aux recteurs de diffuser largement.
Madame Billon, je suis d'accord avec vous sur les primes : ce n'est certainement pas l'alpha et l'oméga d'une politique. Elles n'existent pas encore, mais il existe une marge de discussion autour des conditions de leur mise en oeuvre, puisque, comme sur l'ensemble des sujets budgétaires, les moyens doivent être articulés à des objectifs.
Quelles en sont les finalités en éducation prioritaire ? La qualité de la vie professionnelle de ceux qui y travaillent, la stabilité et la mixité des équipes, qui passent par notre capacité à attirer toutes les compétences et toutes les générations. Tous les moyens supplémentaires que nous déploierons seront au service de ce triple objectif, avec des modulations possibles en fonction de nos priorités. Je suis totalement d'accord avec vous, l'argent n'est pas le plus important, même s'il fait évidemment partie des moyens d'incitation.
Ce nouvel état d'esprit de l'éducation prioritaire sera l'élément le plus attractif. Nous avons aujourd'hui de jeunes professeurs qui sont très heureux d'aller enseigner en éducation prioritaire et qui sont très bons dans ce rôle. Il ne faut pas avoir une vision simpliste de ce sujet, mais il est essentiel que les professeurs travaillent avec plaisir. Tant mieux si, par ailleurs, ils sont récompensés pour cela. On sait que certaines idées sont bonnes, comme l'affectation d'un groupe de professeurs à un projet éducatif commun.
Les professeurs sont en première ligne du dispositif « devoirs faits ». Ils sont en quelque sorte chefs d'équipe. En aucun cas les autres intervenants ne doivent être considérés comme des concurrents, mais plutôt comme des coopérants à la mission exercée d'abord par le professeur. Vous avez dit que le métier n'était plus valorisé aujourd'hui et m'avez demandé de faire rêver la jeunesse.
Ce point fondamental rejoint la question de M. Ouzoulias sur la crise de la vocation enseignante. Je répondrai en commençant pas une remarque pessimiste : le phénomène est mondial, ce qui doit nous faire relativiser les débats sur l'efficacité de la politique qui a été menée sous tel ou tel quinquennat. Il se décline partout selon les mêmes caractéristiques, avec une diminution des vocations par exemple dans les matières scientifiques, en particulier les mathématiques. Nous devons mettre en oeuvre une stratégie extrêmement volontariste pour compenser ce phénomène assez structurel.
Je poursuivrai par les remarques optimistes, qui sont heureusement plus nombreuses. Au moment où l'on évoque la transformation profonde, voire la disparition d'un certain nombre de métiers du fait des révolutions technologiques, je suis profondément convaincu que le métier de professeur va se développer, se transformer en raison de ces bouleversements, mais qu'il restera fondamentalement le même dans ses grands principes et qu'il sera encore plus utile au sein de la société de demain.
Ce rôle de professeur dans la société de demain, nous devons tous le valoriser dans nos discours publics. Il est évidemment de mon devoir de m'exprimer très positivement sur la fonction professorale. En plusieurs occasions, lorsque des éléments négatifs ont été prononcés contre les professeurs, je me considère comme le défenseur de principe de cette fonction essentielle. Nos discours et nos attitudes sont extrêmement importants pour cette valorisation. D'où mon appel à l'ensemble de la société française de toujours respecter les professeurs.
À l'avenir, cette vocation professorale pourra être stimulée. Elle le sera en diversifiant les sources de recrutement. De plus en plus de jeunes étudiants brillants cherchent un sens à leur futur métier. Le métier de professeur peut répondre à ce besoin, grâce à la diversification des parcours, des perspectives de carrière au sein de l'éducation nationale. Cela contribuera à la lutte contre la crise des vocations.
Le dialogue et l'information entre parents et professeurs vont continuer à évoluer, après la progression enregistrée ces dernières années grâce aux environnements numériques de travail. Pour la classe de terminale, les « Fiches avenir » permettront aux élèves d'émettre des voeux.
Monsieur Grosperrin, il est effectivement difficile dans certains collèges de mobiliser les enseignants pour l'opération « devoirs faits ». Il faut au moins réussir à mobiliser un petit groupe de professeurs. Nous oeuvrons en ce sens.
La question très importante des manuels scolaires a suscité de très nombreux commentaires. Je n'ai jamais évoqué la suppression de la subvention de l'État. Je me suis juste permis de m'interroger sur la rationalité du financement des manuels des collèges par l'État, quand on sait que ce n'est pas le cas pour l'école primaire et le lycée. On peut vivre avec des anomalies, mais la question mérite d'être posée. L'an prochain, le budget sera de 16 millions d'euros, supérieur à ce qu'il était voilà trois ans. Durant les deux dernières années, les nouveaux programmes justifiaient une subvention exceptionnelle. On revient donc à la normale. J'ai commencé à avoir des discussions avec les éditeurs, qui doivent se poursuivre entre ceux-ci, l'éducation nationale et l'ensemble de la société française. L'objectif est que chaque élève dispose d'un manuel dans le premier degré et qu'il puisse aussi bénéficier du numérique, absolument indispensable. Les moyens sont peut-être insuffisants, mais ils ont le mérite d'exister.
Il existe effectivement un différentiel entre la situation des contractuels de l'enseignement privé et ceux de l'enseignement public. Ce phénomène s'est d'ailleurs accentué ces derniers temps et nous devons le regarder en face. Comme je l'ai indiqué récemment à un député, nous examinons les solutions envisageables à long terme.
La gestion des ressources humaines a vocation à évoluer comme vous le souhaitez, monsieur Ouzoulias. Réjouissons-nous de pouvoir manifester une unité nationale sur ces sujets. Sur les taux d'encadrement, notre approche doit être fine, à la mesure des moyens dont nous disposons et des études réalisées en la matière. Ce travail peut être très efficace dans les petites classes. Il devrait donc avoir une incidence sur les réflexions futures.
Le dispositif « plus de maîtres que de classes » ne va pas disparaître : je ne renie donc nullement mes propos. Il atteint environ 70 % cette année et n'avons pas vocation à le faire baisser à la rentrée prochaine. En l'espèce, c'est le pragmatisme qui nous inspire. J'attends les évaluations du dispositif pour envisager de nouvelles actions. Sachez que je n'ai cherché en aucun cas à opposer deux dispositifs ; j'encourage le dédoublement, car des études ont démontré son efficacité.
Concernant Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où je me suis rendu à deux reprises, notre plan de court terme a fonctionné : tous les élèves de Saint-Martin sont aujourd'hui scolarisés. Notre plan d'urgence de reconstruction est lui aussi pragmatique et vise certaines recompositions.