La fiscalité énergétique et environnementale est une fiscalité dynamique, qui représente chaque année une part croissante des recettes de l'État. Cette fiscalité regroupe un certain nombre de taxes et de redevances portant sur la consommation d'énergie, le transport ou encore la pollution des milieux comme l'air et l'eau.
Comme les années précédentes, le projet de loi de finances pour 2018 comporte un certain nombre de mesures fiscales relatives à l'énergie et à l'environnement, qu'il nous paraissait important de présenter devant la commission en raison de l'importance des masses financières qu'elles représentent. C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances. Et je salue ici l'initiative de notre président de commission.
Cette saisine porte sur quatre articles du projet de loi de finances initial : l'article 8 relatif à la réforme crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ; l'article 9, qui fixe une nouvelle trajectoire de hausse de la taxe carbone jusqu'en 2022, et qui poursuit le rapprochement de la fiscalité de l'essence et du diesel ; l'article 23 relatif aux recettes du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », qui finance notamment le soutien aux énergies renouvelables ; l'article 24, qui durcit le « malus » automobile afin de financer le renforcement des aides à l'achat de véhicules propres.
Par ailleurs, les députés ont adopté plusieurs articles additionnels en matière d'énergie et d'environnement, sur lesquels je reviendrai à la fin de mon propos.
Je commence donc par la réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Ce crédit d'impôt, je vous le rappelle, permet aux contribuables de bénéficier d'une réduction de leur montant d'impôt sur le revenu ou d'un remboursement à hauteur de 30 % des dépenses de rénovation énergétique de leurs logements qu'ils engagent.
Le code général des impôts précise la liste des équipements et des travaux qui sont éligibles au CITE. Parmi ces dépenses, figurent aujourd'hui le remplacement des portes, fenêtres et des volets isolants ainsi que l'acquisition de chaudières au fioul présentant une haute performance énergétique.
Le CITE a fait l'objet de nombreuses réformes au cours des années passées, qui ont concerné tant son périmètre que son taux. Ceci a généré une forte volatilité du coût de ce dispositif. En 2016, le CITE a représenté une dépense fiscale de près de 1,7 milliard d'euros, contre 900 millions d'euros en 2015. Il devrait atteindre un montant équivalent en 2017.
Un tel montant d'aide pose la question de l'efficience de ce dispositif : il s'agit de savoir si l'argent investi permet de réaliser des économies d'énergie au moindre coût. Plusieurs évaluations du CITE menées ces dernières années ont émis des doutes quant à l'efficience de ce dispositif, et souligné l'existence d'effets d'aubaine. Récemment, un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable a mis en avant l'inefficience du CITE s'agissant des fenêtres, des portes et des volets isolants, qui ne génèrent que très peu d'économies d'énergie.
Or, ces équipements ont représenté 56 % des travaux réalisés éligibles au CITE en 2016 et un coût de 900 millions d'euros, soit plus de la moitié de la dépense fiscale.
Tirant les conséquences de cette évaluation, l'article 8 du projet de loi de finances procède à plusieurs modifications. D'une part, il prolonge le crédit d'impôt d'une année, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2018.
D'autre part, il exclut du CITE les chaudières au fioul du CITE, en cohérence avec le « plan climat » qui prévoit de sortir progressivement des énergies carbonées.
Enfin, il prévoit d'exclure progressivement du CITE les portes, fenêtres et volets isolants en abaissant le taux de prise en charge de ces équipements à 15 % pendant six mois, puis en supprimant leur éligibilité.
Initialement, il était prévu de diminuer le taux du CITE sur ces équipements à 15 % et d'exclure les chaudières au fioul du CITE dès le 27 septembre 2017, ce qui correspond au jour de la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres. Ceci aurait représenté une économie de 115 millions d'euros en 2018 et de 913 millions d'euros en année pleine.
Suite aux nombreuses critiques exprimées par les professionnels du bâtiment quant à la portée rétroactive de cette mesure, le Gouvernement a décidé de reporter l'application de cette réforme à 2018. En conséquence, un amendement de suppression de l'article 8 a été voté à l'Assemblée nationale, et un nouveau dispositif sera proposé par le Gouvernement lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
Je salue la décision du report cette réforme, dont l'application brutale, sans concertation, était un mauvais signal envoyé à la filière de la rénovation énergétique. La faible efficience des portes, fenêtres et volets isolants justifie de revoir leur éligibilité au CITE. Cependant, il est important de souligner que le changement des menuiseries extérieures constitue souvent le point d'entrée des ménages dans la rénovation énergétique, et la réalisation par la suite de travaux plus ambitieux.
Surtout, certains remplacements de menuiseries peuvent présenter une efficacité énergétique intéressante, par exemple lorsqu'il s'agit de remplacer des fenêtres simple vitrage par du double vitrage. Je propose donc de maintenir le crédit d'impôt à 30 % pour ces travaux-là. En fonction du dispositif que proposera le Gouvernement en deuxième partie, je proposerai un amendement en ce sens.
Par ailleurs, de nombreux acteurs dénoncent le caractère instable du CITE, dont le périmètre change tous les ans, ce qui rend ce dispositif illisible pour les ménages. Une telle instabilité pénalise notamment les travaux dans les copropriétés, au sein desquelles les décisions de réalisation des travaux de rénovation prennent du temps. Je considère donc que le CITE devrait être prolongé et sanctuarisé pour une période d'au moins trois ans, pour donner de la visibilité aux acteurs économiques.
Ce constat est important alors que se pose la question de la transformation, en 2019, du CITE en prime immédiatement perceptible par les ménages au moment des travaux, et non l'année suivante comme avec le crédit d'impôt. Deux missions d'inspection ont été lancées sur cette question et devraient rendre leurs conclusions d'ici janvier 2018.
J'en viens maintenant au deuxième sujet : la hausse de la taxe carbone et le rapprochement de la fiscalité de l'essence et du diesel.
La contribution climat-énergie ou « taxe carbone », mise en place par la loi de finances pour 2014, est une contribution intégrée aux taux des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles, et qui est proportionnée au contenu en CO2 des produits taxés. Elle vient augmenter les tarifs des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gaz naturel (TICGN) et sur le charbon (TICC).
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a fixé une trajectoire d'augmentation de la valeur de la tonne de CO2 de 7 euros par tonne en 2014 à 56 euros par tonne en 2020 et 100 euros par tonne en 2030.
Par ailleurs, à la suite du « dieselgate », le Gouvernement a décidé de supprimer progressivement l'avantage fiscal favorable au diesel, qui a encouragé la diésélisation du parc automobile français. En 2016 et 2017, les tarifs de la TICPE ont donc été modifiés pour permettre un rapprochement de la fiscalité du diesel et de l'essence. En 2017, cela s'est traduit par l'augmentation de 1 centime d'euro de la TICPE sur le diesel et la baisse de 1 centime d'euro de cette taxe sur l'essence.
La montée en charge de la taxe carbone et la convergence diesel/essence ont eu pour conséquence une forte augmentation du tarif de TICPE applicable au diesel, qui a augmenté de plus de 10 centimes d'euro par litre entre 2014 et 2017, lorsque le tarif de l'essence a augmenté de 4,4 centimes d'euros par litre. S'agissant du gaz naturel et du charbon, la hausse s'est élevée respectivement à 4,4 et 7,7 centimes d'euro par mégawattheure. Ces mesures ont conduit à une augmentation substantielle des recettes de fiscalité énergétique, de 5,5 milliards d'euros sur trois ans.
L'article 9 du projet de loi de finances pour 2018 prévoit une nouvelle hausse de la taxe carbone, sur la base d'une trajectoire plus ambitieuse que celle de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, puisque la valeur de la tonne de CO2 atteindrait 44,6 euros en 2018 au lieu de 29 euros et 86,2 euros en 2022. À ce rythme-là, la tonne de carbone dépasserait la valeur de 100 euros dès 2024, soit six ans plus tôt que ce qui est prévu par le cadre actuel.
Par ailleurs, cet article procède à un nouveau rapprochement de la fiscalité applicable à l'essence et au diesel. Contrairement à l'année précédente, le PLF prévoit d'augmenter chaque année, jusqu'en 2021, la fiscalité sur le gazole de 2,60 centimes d'euro par litre - en plus de la hausse de la taxe carbone - sans baisse de celle sur l'essence à due concurrence.
Le rehaussement de la trajectoire carbone cumulée au rapprochement accéléré du diesel et de l'essence aura pour conséquence une hausse de la fiscalité sur l'essence de 12,7 centimes d'euro par litre et de 25,16 centimes d'euro par litre pour le gazole d'ici 2022. Le rendement supplémentaire de la TICPE s'élèverait à 3,3 milliards d'euros et celles de la TICGN à 600 millions d'euros en 2018.
Au total, la fiscalité sur les énergies fossiles augmenterait donc de près de 4 milliards d'euros en 2018 et de 15,4 milliards d'euros en 2022, ce qui est une hausse sans précédent.
D'après les informations transmises par le ministère de la transition écologique et solidaire, cela représenterait un coût annuel moyen pour les ménages de 79 euros en 2018 et de 313 euros en 2022. Ce coût varie en fonction du mode de chauffage et de motorisation des ménages. Il représenterait jusqu'à 538 euros pour les ménages se chauffant au fioul et roulant avec un véhicule diesel.
Si cette augmentation est pour l'instant relativement indolore en raison de prix de l'énergie bas, cette situation pourrait s'inverser en cas de remontée rapide du cours du pétrole et du gaz. Une telle remontée est d'ailleurs à l'oeuvre depuis le début de l'année 2016 s'agissant du pétrole, date à laquelle il avait atteint un prix très bas d'environ 28 euros par baril. En septembre 2017, le prix du pétrole brut s'élevait à 46 euros en moyenne par baril.
Troisième sujet : les recettes du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Créé en 2015, le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » retrace à titre principal les dépenses relatives au financement des énergies renouvelables, c'est-à-dire la compensation aux fournisseurs d'électricité du coût résultant de leur obligation d'achat de l'électricité produite par des installations renouvelables.
Le soutien aux énergies renouvelables électriques représentera un montant de 5,4 milliards d'euros en 2018, dont 2,9 milliards d'euros pour le photovoltaïque et 1,6 milliard d'euros pour l'éolien, en hausse de 626 millions d'euros par rapport aux charges réévaluées de 2017.
Le deuxième volet important de dépenses concerne le remboursement à EDF du déficit de compensation des charges de service public des années passées, à hauteur de 1,6 milliard d'euros en 2018, conformément à l'échéancier de remboursement fixé par arrêté.
Afin de financer ces dépenses supplémentaires, l'article 23 du projet de loi de finances prévoit d'affecter 184 millions d'euros supplémentaires de TICPE au compte d'affectation spéciale. Ceci ne représente qu'environ 5,5 % du montant de la hausse de la TICPE en 2018 qui, je le rappelle, sera de 3,3 milliards d'euros.
Ainsi, la quasi-totalité des recettes de la taxe carbone ne financeront pas les mesures de transition énergétique, mais iront dans le budget général afin de financer d'autres politiques.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que le développement des énergies renouvelables engendre un coût croissant pour les finances publiques. En incluant les dépenses de soutien à la cogénération, ce coût atteindrait près de 8 milliards d'euros en 2022 d'après la Commission de régulation de l'énergie.
J'en viens à la révision du barème du « malus automobile ». Notre collègue Jean-Pierre Corbisez a déjà présenté, la semaine dernière, la réforme prévue par le projet de loi de finances pour 2018. Je vous rappelle, en quelques mots, que l'article 24 de ce projet de loi durcit le barème du malus et prévoit son application dès 120 grammes d'émission de CO2 par kilomètre, au lieu de 127 aujourd'hui. Cela doit permettre de dégager 40 millions d'euros de recettes supplémentaires pour financer l'élargissement de la prime à la conversion.
Pour répondre à une des questions qui avait été posées lors de l'examen du rapport de notre collègue Corbisez, les voitures qui bénéficient de la prime à la conversion doivent être mises à la casse et ne peuvent pas être exportées vers d'autres pays.
Les constructeurs automobiles français que j'ai auditionnés ne sont pas opposés au durcissement du malus, qui touche davantage les gros véhicules émetteurs. Cependant, ils insistent sur la nécessité d'accompagner cette mesure, de même que la hausse de la fiscalité sur les carburants, par des actions ambitieuses de soutien au développement du véhicule électrique et des infrastructures de recharge.
Pour terminer, je souhaiterais vous présenter brièvement les principaux ajouts de l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce texte.
Premièrement, les députés ont étendu la taxe carbone au gaz de pétrole liquéfié (GPL) utilisé comme combustible par les entreprises, avec une trajectoire progressive en cinq ans - tout en prévoyant un remboursement quasi-intégral de cette taxe pour le secteur agricole. Le GPL est actuellement la seule énergie de chauffage exonérée de TICPE, ce qui constitue une différence de traitement non justifiée par rapport aux autres énergies.
Ensuite, ils ont gelé le tarif de la TICPE sur le gaz naturel pour véhicules (GNV), afin que ce carburant ne subisse pas la hausse de la taxe carbone. Ceci doit permettre de maintenir l'avantage fiscal du GNV par rapport au gazole pour les transporteurs routiers, puisque ceux-ci peuvent bénéficient d'un remboursement partiel de leur TICPE sur ce carburant et non sur le GNV.
Les députés ont également prolongé de deux ans le dispositif de suramortissement pour l'acquisition de véhicules roulant au GNV, au biométhane carburant ou au carburant ED 95 qui devait prendre fin au 31 décembre 2017. Cela doit inciter les transporteurs routiers à acquérir des poids-lourds roulant avec ces carburants.
Enfin, à l'initiative du Gouvernement, les députés ont supprimé la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), qui est due lors de de la délivrance d'une autorisation d'exploitation et au cours de l'exploitation. Cette taxe ne poursuit pas de finalité écologique, puisqu'elle n'est pas calculée en fonction du niveau des pollutions émises mais est appliquée de manière forfaitaire. Elle ne concerne qu'un faible nombre d'installations et présente un coût de gestion important.
Voilà, mes chers collègues, ce que prévoit le projet de loi de finances en matière de fiscalité énergétique et environnementale. Vous l'aurez compris, il est prévu d'augmenter massivement la fiscalité sur les énergies fossiles sur la durée du quinquennat, ce qui pose une double question.
Premièrement, celle de la compensation de ces mesures pour les ménages précaires. En effet, la consommation de carburant reste obligatoire pour certains ménages modestes notamment en zones rurales. Le véhicule personnel demeure le seul moyen de mobilité. Cette hausse de taxation des carburants se répercute alors sur tous les membres du foyer alors que les ménages aisés des centres villes peuvent choisir un autre mode de transport. En outre, les ménages précaires ont des difficultés financières à remplacer leurs véhicules diesel vieillissants qui consomment davantage que les nouveaux modèles.
Deuxièmement, la question de l'utilisation des milliards de recettes supplémentaires, qui devraient davantage accompagner la transition énergétique dans les territoires et aider les différentes entreprises qui se verront contraintes de réorienter leurs différentes productions. Et je pense par exemple à la production d'injecteurs pour les moteurs diesel au sein de l'usine Bosch qui se situe dans mon département.