Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 15 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur :

La mission « Économie » est l'une des principales missions budgétaires de soutien à l'activité des entreprises. Il me revient de vous exposer brièvement l'évolution de ses crédits avant, dans un second temps, de porter notre attention sur quatre éléments particuliers des politiques publiques dont le financement est en partie assuré par les crédits de cette mission.

Selon les documents budgétaires, la mission affiche, à périmètre constant, une quasi-stabilité de ses crédits. La maquette de la mission reste inchangée. En revanche, des changements de périmètre impliquant certains transferts de crédits affecteront la mission en 2018, mais pour quelques millions d'euros seulement. Je n'en citerai qu'une : le transfert hors de la mission des crédits de l'action n° 22 « Économie sociale et solidaire », le Gouvernement ayant entendu faire du ministère de la transition écologique et solidaire le chef de file de la politique en faveur de l'économie sociale et solidaire.

Au total, pour 2018, le projet de loi prévoit de doter la mission économie de 1,63 milliard d'euros en crédits de paiement, ce qui marque une stagnation à la baisse de 1 %. Cependant, à cette stabilité des crédits de paiement fait face une baisse plus nette des autorisations d'engagement, qui diminuent de 160 millions d'euros pour s'établir à 2,13 milliards d'euros, soit - 7 %. Cette baisse s'explique par la diminution par deux des montants inscrits au titre du programme provisoire 343 « Plan France très haut débit », les trois programmes pérennes connaissant à l'inverse une légère augmentation de leurs autorisations.

Comme l'an passé, les crédits restent très fortement liés aux dépenses de personnel, qui représentent la moitié des crédits de paiements de la mission. De ce point de vue, il faut souligner que le projet n'envisage qu'une baisse du plafond d'emplois de 133 emplois temps plein travaillés (ETPT), essentiellement concentrée sur le programme 220 « Statistiques et études économiques ». En tout, cela représente une variation des effectifs à la baisse de 1 %. Le montant des dépenses d'intervention de la mission représente 27,42 % des autorisations d'engagement mais 20,11 % des crédits de paiement.

Au sein de la mission, le programme 134 totalise, pour 2018, 1,02 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 983 millions d'euros en crédits de paiement. Il se caractérise par une évolution favorable des autorisations d'engagement, avec une croissance de 2,93 %, et moins favorable en ce qui concerne les crédits de paiement, en baisse de 1,44 %.

Les dépenses d'intervention constituent un tiers des crédits et assurent essentiellement le coût du service postal (139 millions d'euros), la compétitivité des industries électro-intensives (100 millions d'euros) et l'activité de garantie et d'assurance-export de Bpifrance (respectivement 48 et 59 millions d'euros).

La majorité des actions du programme connait une baisse limitée (entre 2 et 5 %). D'autres pâtissent d'une baisse plus marquée. Cette baisse atteint ainsi 7 % pour l'action n° 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles », en raison d'une diminution du dispositif de « compensation carbone », liée en réalité à l'évolution des coûts des quotas sur le prix de l'électricité. Mais je tiens à souligner l'effort en faveur du financement de l'Association française de normalisation (AFNOR), dont la dotation progresse d'1 million d'euros : en juillet dernier, dans le cadre du rapport sur la normalisation, nous avions en effet souligné l'importance d'un niveau suffisant de financement public de cette activité d'intérêt général.

L'action n° 7 « Développement international des entreprises » connaît une diminution d'environ 9 % de ses crédits, découlant de la réduction d'environ 14 millions d'euros des dépenses engagées au titre de la rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion des garanties publiques qui étaient gérées jusqu'au 31 décembre 2016 par la Coface.

Enfin, l'action n° 21 « Développement du tourisme » pâtit d'une baisse drastique de 68 % de ses autorisations d'engagement et de 56 % de ses crédits de paiement. Le Gouvernement a en effet décidé de supprimer tous les crédits d'intervention jusqu'alors portés par cette action, ouverts à hauteur 1,79 million d'euros par la précédente loi de finances initiale. Les actions en faveur du tourisme se limiteront donc, pour la mission, à des dépenses fiscales liées à l'application d'un taux réduit de TVA et au chèque-vacances.

Deux actions apparaissent, à l'inverse, en progression significative. L'action n° 20 « Financement des entreprises », qui vise à fournir un appui au développement des PME et des ETI à travers l'action de Bpifrance, connaît une évolution remarquable, avec un quasi-doublement de son montant par rapport aux crédits ouverts l'an passé.

L'action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » est marquée quant à elle par une croissance remarquable (131 %), en réalité liée à une opération ponctuelle : l'anticipation du changement d'implantation immobilière de l'ARCEP.

Le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui assure le financement exclusif de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), est doté de 464,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 455,3 millions d'euros en crédits de paiement, en hausses respectives de 1,16 % et 0,3 %. Ces crédits permettront à l'INSEE de mettre en oeuvre sa stratégie « Horizon 2025 » dans le cadre d'un plafond d'emplois réduit de 115 ETPT et de poursuivre l'évolution de son organisation interne, en particulier avec la réorganisation de ses établissements régionaux et le déménagement de son siège à Montrouge.

Enfin, les crédits du programme 305 « Stratégie économique et fiscale » prévus dans le cadre du présent projet de loi sont stabilisés à 434,7 millions d'euros, en progression de 1,5 %. Plus de la moitié des crédits du programme (250 millions d'euros) est, comme les années passées, destiné à financer les opérations menées par la Banque de France pour le compte de l'État, notamment le secrétariat des commissions de surendettement (157 millions d'euros) et la tenue du compte du Trésor. Les moyens dévolus à la direction générale du Trésor et à la direction de la législation fiscale restent les mêmes que l'an passé, pour un périmètre d'action inchangé et sans réelle diminution du plafond d'emplois (-6 ETPT par rapport à 2017).

Néanmoins, en volume, et comme les années précédentes, le principal levier d'aide aux entreprises reste de nature fiscale, et non budgétaire. Le montant cumulé des dépenses fiscales de la mission est évalué par le Gouvernement à 28,9 milliards d'euros en 2018. Par rapport aux évaluations faites pour 2017, le montant de dépense fiscale fait donc apparaître une croissance de 4 milliards d'euros, soit une nouvelle augmentation de 16 %.

Cette hausse s'explique avant tout par le fonctionnement « à plein régime » du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui représente un montant de dépense fiscale estimé à 20,9 milliards d'euros, en hausse de 4,5 milliards par rapport à 2017 compte tenu de l'augmentation de 6 % à 7 % du montant du CICE dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, dont les effets sont décalés d'un an compte tenu de la technique du crédit d'impôt.

Au total, eu égard aux exigences de maîtrise des finances publiques, cette stagnation à la baisse peut être approuvée, étant toutefois souligné que ce sont d'abord les réductions des crédits d'intervention qui la permette, alors que l'on aurait pu attendre davantage d'effort sur les dépenses de personnels ou de fonctionnement. Je vous proposerai donc de donner, en l'état, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve que l'Assemblée nationale n'en modifie pas substantiellement la teneur lors de son examen en séance publique.

J'en viens maintenant à l'examen de quatre dispositifs particuliers.

Le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), tout d'abord. Comme vous le savez, le Fisac est désormais attribué au terme d'une procédure d'appels à projets structurés autour d'axes prioritaires déterminés chaque année par le ministre chargé du commerce et de l'artisanat. Ces axes restent relativement stables depuis trois ans.

Le resserrement du dispositif a conduit à une réduction du nombre de demandes présentées chaque année : ainsi, à la suite de l'appel à projets de 2015, 335 dossiers ont été présentés (contre 1 200 avant la réforme) ; après l'appel à projets de 2016 : 269 seulement.

Ces dossiers font l'objet d'une instruction conjointe aux niveaux local et national. Selon l'administration, les dossiers reçus sont pour l'essentiel de qualité, mais elle évoque le fait que la capacité d'ingénierie à disposition des différentes collectivités qui candidatent exerce une influence significative quant aux résultats obtenus, les collectivités « bien outillées » disposant le plus souvent d'études préalables leur permettant d'étayer leurs demandes. Néanmoins il me semble important que les capacités d'ingénierie des collectivités demandeuses puissent être prises en considération pour l'évaluation des dossiers : les petites collectivités, qui n'ont pas les mêmes moyens en la matière que les plus importantes, ne doivent pas être pénalisées de ce seul fait et leurs projets doivent être regardés avec une certaine bienveillance.

Selon le Gouvernement, les appels à projets menés en 2016 ont permis le financement de 128 dossiers d'opérations rurales individuelles, pour un total de 3,5 millions d'euros, et 122 opérations collectives, pour un total de 14,76 millions d'euros.

Aujourd'hui, le Fisac est le dernier instrument de soutien opérationnel du budget de l'État au profit du commerce de proximité. Et il ressort du rapport établi par l'administration sur la période 1992-2016 que ce fonds s'est révélé efficace pour le maintien des commerces de proximité, notamment en zone rurale :

- les entreprises aidées par le Fisac sont plus pérennes que la moyenne constatée par l'INSEE ;

- le Fisac contribue directement ou indirectement à la pérennité de la dernière activité commerciale dans plus de 8 communes rurales sur 10.

La forte réduction du montant des crédits dévolus au Fisac depuis quelques années implique néanmoins de recentrer encore davantage son « effet levier » sur des projets stratégiques. Depuis 2007, ce montant a en effet diminué de 82 % et devrait atteindre en 2018 14 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11 millions d'euros en crédits de paiement. Il accuse donc une nouvelle baisse de 2 millions d'euros en autorisation d'engagement par rapport aux montants ouverts pour 2017, ce qui est significatif compte tenu de son faible volume...

L'un des projets les plus stratégiques à cet égard est certainement la revitalisation des centres villes de communes moyennes qui connaissent une situation de très forte vacance commerciale. Vos délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises se penchent aujourd'hui sur cette question et devraient formaliser des recommandations au cours de l'année prochaine. Toutefois, sans attendre cette échéance, je crois qu'il convient d'ores-et-déjà de mobiliser davantage le Fisac sur cette thématique en renforçant la dotation budgétaire pour conforter les moyens disponibles pour la revitalisation des centres villes. On ne peut que se féliciter qu'il existe dans le cadre de l'appel à projets publié en 2017 une enveloppe de 1 million d'euros - qui sera financée sur les fonds disponibles en 2018 - spécifiquement réservée aux projets de revitalisation du commerce mettant en oeuvre une démarche structurée de développement du management du centre-ville. Cette somme reste néanmoins plus que symbolique...

Je vous propose donc de porter cette enveloppe à 3 millions en abondant le Fisac de 2 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et en crédits de paiement (action n° 2 du programme 134), par un prélèvement de même montant sur l'action n° 1 du programme 345.

L'Assemblée nationale a semble-t-il quelques velléités pour accroître le montant dévolu au Fisac, le cas échéant de 5 millions d'euros. Il s'agirait ainsi de mieux assurer la présence des stations-service en milieu rural. Je ne suis pas persuadée que le maintien - essentiel, j'en conviens - de ces stations nécessite malgré tout un tel financement. Si, néanmoins, cet amendement prospérait, il n'y aurait sans doute plus lieu de présenter d'amendement, tout en invitant le ministre à faire en sorte qu'une part de cet abondement profite effectivement à la revitalisation des centres villes.

S'agissant de l'agence France entrepreneur (AFE), on peut estimer que cette structure a pris sa place dans le paysage de l'accompagnement des entreprises.

La loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a doté l'AFE de 20 millions d'euros grâce auxquels elle a pu lancer les actions lui permettant d'assurer son rôle d'animateur de la création d'entreprises en France. Parmi ces actions, on peut citer :

- dans le cadre de son activité de pilotage des financements des réseaux d'accompagnement, la conclusion de conventions avec 19 réseaux ou acteurs (tels l'Adie, BGE, France active, Initiative France, Réseau entreprendre) ;

- une action de recensement des réseaux sur le territoire national, qui a abouti à la mise en place d'une cartographie nationale à même de mettre en exergue les lieux où existe un réel manque de structures d'accompagnement. Au terme de cet exercice, 72 territoires - qui relèvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones de revitalisation rurales - ont été recensés comme carencés ; aussi les réseaux partenaires ont-ils été appelés à développer leur offre dans ces lieux ;

- enfin, le lancement d'appels à projets et à manifestation d'intérêt pour renforcer l'offre d'accompagnement sur 7 quartiers prioritaires de la politique de la ville et 3 territoires comportant des zones de revitalisation rurale, pour soutenir des initiatives en lien avec les régions et les métropoles, et pour le déployer une offre d'accompagnement pour le développement des TPE.

Ce bilan satisfaisant ne doit pas dissimuler certains points de vigilance sur le positionnement de l'AFE. Le premier concerne son caractère généraliste. L'AFE a été créée en 2016 avec un positionnement ambigu, en étant d'abord présentée comme l'agence des « territoires fragiles ». La reprise complète des actions de l'ancienne APCE (agence pour la création d'entreprises) montre qu'il n'en est rien : l'AFE a bien vocation à exercer ses actions au profit de l'entreprenariat sur l'ensemble du territoire français et à destination de l'ensemble des entrepreneurs. C'est une situation satisfaisante, car une institution de ce type doit avant tout être conçue comme un facilitateur global de la création d'entreprises qui, en elle-même souffrirait de n'avoir qu'un organisme qui se concentrerait sur un « public-cible » unique.

Le second concerne l'esprit et le fonctionnement de l'AFE. L'APCE avait été conçue comme une entité très agile et autonome, aux mains des acteurs de l'économie, afin de recueillir et de faire connaître des bonnes pratiques entrepreneuriales. Or, le sentiment des acteurs est que la mission de coordination des financements budgétaires désormais exercée par l'AFE tendait à la transformer en une enceinte proche d'un guichet d'administration centrale dispensateur de subventions, dont les arbitrages sont essentiellement le fait des représentants de l'administration au détriment des représentants des entreprises siégeant au conseil d'administration. L'AFE doit donc conserver le rôle de think tank et de partage d'expériences qui avait été celui de l'APCE...

Troisième sujet : l'activité de garantie des crédits bancaires accordés aux entreprises exercée par le groupe Bpifrance, via sa filiale Bpifrance financement. L'intervention de Bpifrance en garantie assure un effet de levier important, les dotations en fonds de garantie de l'établissement lui permettant d'octroyer des garanties pour des crédits bancaires dépassant deux fois le montant de ces garanties. Ce rôle est d'autant plus essentiel que, si la distribution du crédit bancaire aux PME est satisfaisante, le taux d'accès au crédit des TPE reste toujours plus difficile, faute de garanties suffisantes à présenter par ces dernières. En garantissant un montant de prêts aux entreprises de 4,2 milliards d'euros au premier semestre 2017 au profit de 31 958 entreprises, Bpifrance assure donc un rôle stratégique pour faciliter l'octroi des crédits bancaires aux entrepreneurs les plus fragiles.

Si cette activité de garantie est soutenue par les finances publiques, elle ne l'est par des ressources budgétaires que dans des proportions très réduites. En effet, son financement budgétaire est assuré par les seuls crédits d'intervention inscrits à l'action n° 20 « Financement des entreprises » du programme 134. Certes, le montant de ces crédits devrait être doublé par rapport à 2017, pour atteindre 48 millions d'euros en 2018, et il y a lieu de se féliciter de cette augmentation. Néanmoins, cet effort ne doit pas masquer la grande incertitude qui pèse sur le financement futur de cette activité qui, pour l'essentiel, résulte de mécanismes de débudgétisation.

Parmi ces mécanismes, c'est aujourd'hui le recyclage des dividendes de l'État qui permet le financement de près des trois quarts de l'activité de garantie de la banque. Les dividendes versés par Bpifrance participations à l'EPIC Bpifrance, qui atteignent des montants conséquents, ne sont en effet par reversés intégralement par ce dernier à l'État - ainsi qu'ils devraient l'être - mais mis en réserve pour leur plus grande part afin d'être ensuite directement réaffectés par recyclage interne dans le financement de l'activité de garantie.

Or, comme l'a relevé la Cour des comptes en novembre 2016, ce mécanisme encourt deux critiques fondamentales : d'une part, comme tout mécanisme de débudgétisation, il est fortement critiquable au regard des principes, puisqu'il ne met pas le Parlement en mesure d'exercer son contrôle sur un mécanisme de financement public ; d'autre part, le recyclage des dividendes n'apparait pas compatible avec les projections en baisse du résultat net de Bpifrance participations. En d'autres termes, à l'avenir, ce circuit ne devrait plus, en lui-même, assurer un niveau suffisant de financement de l'activité de garantie.

Dans son « plan stratégique 2016-2019 », Bpifrance estimait le besoin de financement dans le cadre du programme 134 à 405 millions en 2018 et 423 millions en 2019. On mesure donc l'écart entre l'effort de 48 millions prévus au présent projet de loi de finances, et ces projections... Dans ces conditions, l'impasse budgétaire est réelle. Face à cette situation qui se présentera dès 2018, certaines mesures sont déjà envisagées par Bpifrance, notamment mettre un terme aux offres de garantie jugées non cruciales ou systémiques et augmenter de 50 % le coût de la garantie pour les créations d'entreprises. Cependant, nonobstant ces changements, Bpifrance estime le besoin de dotation résiduel pour financer le budget 2018 à 30 millions d'euros. Aussi, des mesures complémentaires plus restrictives dans l'octroi de sa garantie devront être prises en cours d'année 2018.

Même si le contexte économique actuel permet d'envisager que les banques accepteront de prêter en réduisant quelque peu le niveau de leurs garanties, l'existence d'un mécanisme de garantie « de masse » sur fonds publics relativement robuste reste essentielle pour porter une économie en croissance. Il importe donc que Bpifrance conserve de réelles capacités d'actions, en particulier à l'égard des TPE et PME.

En dernier lieu, je voudrais évoquer quelques éléments sur le financement public du monde de la consommation.

Vous le savez, le monde de la consommation se caractérise par sa diversité. Outre une administration spécialement en charge de ce secteur - la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - il est constitué d'instituts de consommation, tels l'Institut national de la consommation (INC) et le Centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), et de 15 associations de consommateurs agréées par le ministre chargé de la consommation.

Un financement public - très réduit - existe pour ces entités, en baisse continue depuis 4 ans. Or, le Gouvernement prévoit de les abaisser en 2018 de 40 %. Le montant s'élèverait ainsi à 5,4 millions d'euros, alors qu'il atteignait 8,9 millions en 2017. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, il n'est pas anormal que les crédits d'interventions de l'action n° 17 connaissent eux aussi une certaine baisse. Il n'en reste pas moins qu'en proportion, cette dernière s'avère drastique. En outre, au cours des auditions, j'ai été frappée par le fait que cette baisse n'avait fait l'objet d'aucune information préalable des bénéficiaires concernés et surtout qu'à ce stade aucune réflexion ne semble engagée sur la répartition de cette baisse entre les différents acteurs, ni sur ses effets immédiats sur l'activité même des acteurs.

Or, cette baisse et la modicité des sommes qui seraient désormais dévolues aux acteurs de la consommation doivent conduire à une véritable réflexion sur leurs rôles respectifs.

À ce stade, il semble que le Gouvernement n'a pas encore décidé de la stratégie de soutien aux associations qu'il entendait privilégier. Cependant, la réduction drastique des crédits d'intervention prévue pour 2018 doit conduire à s'interroger sur la gestion « au fil de l'eau » qui caractérise l'action de l'État en ce domaine. Je suis en effet très partagée sur la pertinence du maintien de financements de quelques milliers d'euros aux plus petites associations, qui peut s'apparenter à un « saupoudrage » sans effet réel en termes de politiques publiques, sauf à assurer la survie de structures qui, en pratique, ne disposent guère de moyens financiers suffisants pour mener une action efficace de défense des consommateurs.

Le monde de la consommation doit conserver une réelle diversité. Mais il est également important que le budget de l'État puisse servir de levier pour des actions efficaces menées par des associations. Dans ces conditions, il semble nécessaire d'engager une réflexion sur une modulation éventuelle du niveau des subventions en fonction de critères objectifs permettant de mieux soutenir et valoriser les actions des associations, en fonction de leurs activités et de leurs projets. En outre, à défaut d'autres sources de financement public d'un niveau équivalent, les associations seront conduites à renforcer leurs modes de financement privés, comme l'activité « presse » ou « partenariale » - qui, pour certaines, est importante - ou, à tout le moins, afin de voir leurs coûts fixes diminuer, à rechercher davantage de synergies et de complémentarités entre elles.

Cela demande néanmoins du temps. Il faut donc qu'une réflexion effective soit menée en concertation avec les associations de consommateurs sur la nature des relations nouvelles qu'engendre nécessairement une forte diminution de ces crédits.

Une réflexion de même nature doit être conduite s'agissant de l'INC. En mai 2016, la Cour des comptes s'était montrée critique sur l'activité de cet institut au cours de la période 2010-2015. Depuis lors, il est incontestable que la situation de l'INC s'est améliorée. Néanmoins, s'agissant de son activité d'information du consommateur et d'appui au mouvement consumériste, le positionnement actuel de l'INC doit être questionné :

- d'une part, sa mission d'information des consommateurs doublonne de plus en plus avec les actions d'information menées directement la DGCCRF par le biais de son propre site internet, voire par les associations elles-mêmes. La question doit alors être posée de la pertinence de la coexistence de canaux d'information délivrant des contenus similaires. La bonne gestion des ressources publiques implique notamment de trouver un positionnement non redondant entre les actions de l'INC - établissement public industriel et commercial - et celles menées par l'administration, sans qu'à ce stade il puisse être décidé lequel de ces acteurs doit être privilégié ;

- d'autre part, en pratique, le rôle d'appui de l'INC a vocation à diminuer structurellement dans le futur à mesure que les centres techniques régionaux de la consommation qui en dépendent se regroupent et gagnent en expertise opérationnelle. En outre, l'activité d'appui semble ne concerner véritablement que les plus petites associations de consommateurs, tandis que les grandes associations assurent de plus en plus par elles-mêmes un soutien et des actions de formation pour leurs membres.

En tout état de cause, la volonté de l'INC de voir son activité se développer ne devrait pas pouvoir se réaliser en l'état des mesures de réduction budgétaire projetées.

Consciente de la nécessité d'assurer une contribution au redressement des finances de l'État, il me semble néanmoins souhaitable, compte tenu du faible montant des sommes en jeu, de préserver davantage les crédits destinés aux acteurs de la consommation, en évitant de mettre le monde de la consommation dans une impasse financière en 2018, alors qu'aucune réflexion avec les acteurs n'est encore engagée. Je préconise donc une voie médiane, consistant par amendement à diminuer de moitié au moins la baisse envisagée des crédits l'an prochain. C'est, semble-t-il, une voie similaire qui devrait être retenue par l'Assemblée nationale, à moins qu'elle ne limite encore davantage cette baisse. S'il tel était le cas, cet amendement n'aurait plus d'objet.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion