Intervention de Georges Patient

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2017 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « outre-mer » - examen du rapport spécial

Photo de Georges PatientGeorges Patient, rapporteur spécial :

Je rapporte la mission « Outre-mer » avec Nuihau Laurey, qui m'a demandé de l'excuser auprès de vous pour son absence ; je vous transmettrai également ses principales observations. Cette mission, qui ne rassemble que 13 % des crédits de l'État en faveur des outre-mer, constitue le « bras » budgétaire de l'intervention de l'État dans ces territoires. Elle en est donc aussi le « bras » le plus visible.

Les crédits de la mission « Outre-mer » sont, à bien des égards, indispensables pour ces territoires qui, faut-il le rappeler, souffrent d'importants handicaps structurels liés à leur éloignement de l'hexagone, à la faiblesse de leurs marchés locaux et à leur tissu économique composé pour l'essentiel de très petites entreprises. Les données socio-économiques des outre-mer sont pour le moins inquiétantes : PIB par habitant inférieur de près de 40 % à celui de la métropole, persistance d'un fort taux de chômage, notamment chez les jeunes, augmentation de la mortalité infantile dans certains territoires, traduisant de graves difficultés sanitaires, retard dans le domaine de l'éducation, etc.

L'année 2017 est, à mon sens, particulièrement révélatrice de ces fragilités : je pense au mouvement social survenu en Guyane, qui n'est qu'un symptôme des difficultés de ces territoires, mais également à l'ouragan Irma, qui nous rappelle la prégnance des risques naturels auxquels sont confrontées ces collectivités.

Le travail accompli est certes considérable, mais beaucoup reste à faire. C'est pourquoi les ultramarins sont particulièrement attentifs aux évolutions des crédits de cette mission. Il faut souligner d'emblée que les crédits sont maintenus au-dessus du seuil des 2 milliards d'euros, puisqu'ils s'élèveront à 2 104 milliards d'euros en AE et 2 068 milliards d'euros en CP. À périmètre constant, il est en hausse de 3,6 % en AE et de 4,3 % en CP par rapport à 2017. On ne peut que s'en réjouir.

En tout état de cause, il convient d'insister sur le fait que ce budget, le premier du quinquennat, constitue un « budget de transition » ne présageant qu'en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s'est en effet engagé à s'appuyer sur le Livre bleu Outre-mer, qui résultera des Assises des outre-mer, lancées par le Gouvernement 4 octobre 2017, afin d'ouvrir un temps d'échange et de réflexion avec l'ensemble des ultra-marins.

Cette « transition » entraine nécessairement quelques doutes.

La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques outre-mer représentera cette année une dépense de 1,079 milliard d'euros en AE, soit plus de la moitié des crédits prévus au sein de la mission « Outre-mer » en 2018 et 81,2 % des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ces exonérations ont connu de multiples recentrages depuis 2014, ce qui a entraîné une baisse importante de la dépense associée ; de plus de 36 % entre 2014 et la prévision de dépenses pour 2018. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit, cette année, aucun recentrage des exonérations. Selon le Gouvernement, elle devrait toutefois faire l'objet d'un « réexamen » à l'automne 2019. Nous serons particulièrement vigilants quant à ce que cette réforme soit favorable à l'emploi outre-mer, le chômage culminant encore aujourd'hui à 20 % en moyenne dans ces territoires.

Ce budget présente également, reconnaissons-le, plusieurs motifs de satisfaction.

Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées entre l'État et les collectivités d'outre-mer sont en hausse et s'élèvent à 152 millions d'euros en AE et 157 millions d'euros en CP (contre 136 millions d'euros en AE et 148 millions d'euros en CP en 2017), soit une hausse de 12 % en AE et de 6 % en CP. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que de nombreux contrats ont fait l'objet d'un important sous-financement les années passées.

Le fonds exceptionnel d'investissement sera maintenu sur l'ensemble du quinquennat. Ses crédits sont en augmentation de 3 % en AE et stables en CP. Surtout, le Gouvernement s'est engagé à un maintien de sa dotation au niveau de 2018 sur l'ensemble du quinquennat. Nous avions souligné, dans le rapport d'information que nous lui avons dédié l'an dernier, l'utilité de cet instrument. Nous serons donc particulièrement vigilants quant au respect de la promesse du Gouvernement.

Ce budget conforte le service militaire adapté, qui a atteint en 2017 l'objectif fixé : former 6 000 jeunes ultramarins et leur permettre une insertion dans le monde professionnel. Ses crédits sont en augmentation de 4,16 % en AE et 4,25 % en CP, et le ratio d'encadrement a été amélioré.

Mon collègue Nuihau Laurey souhaitait toutefois appeler notre vigilance sur certains points. Si les crédits de paiement dédiés à la construction neuve seront en augmentation, il faut reconnaître que les crédits affectés au logement, dans leur ensemble, sont en baisse (de 8,13 % en AE et de 1,57 % en CP). En 2018, le Gouvernement prévoit la construction de 5 870 logements locatifs sociaux et très sociaux et 3 550 réhabilitations de logements. Cette prévision reste inférieure au nombre de réhabilitation et de constructions annuelles nécessaires pour atteindre l'objectif fixé par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de 2017. Cette baisse de crédit est donc préoccupante, étant donné l'ampleur des besoins en logements et l'augmentation des coûts de construction.

Les crédits destinés à la continuité territoriale sont en baisse de 1,3 % en AE et en CP. Cette poursuite de la baisse des crédits traduit le retrait de l'État dans l'effort de désenclavement des collectivités ultramarines, alors même que le financement de la continuité territoriale faisait partie des promesses de campagne.

Enfin, le dernier motif de préoccupation porte sur la programmation triennale 2018-2020, qui prévoit une augmentation des crédits de 0,5 % en valeur (contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général), ce qui équivaut à une baisse en volume de 2 %.

Cette programmation pourrait être insuffisante pour donner les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires. Par ailleurs, il serait justifié que la pertinence de cette programmation puisse être réévaluée après la tenue des Assises des outre-mer.

Aussi, c'est bien conscients des carences de ce budget, mais également du fait qu'il s'agisse d'une « transition » que nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification.

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