Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 13 novembre 2017 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez tous, comme moi, la situation « réelle » des comptes de la sécurité sociale.

Malgré une amélioration sensible de la situation financière de l’ensemble des branches, la dette sociale de la France demeure à un niveau très élevé, trop élevé, aux alentours de 5 milliards d’euros cette année encore. Selon la Cour des comptes, le retour à l’équilibre ne pourrait pas intervenir avant 2020. C’est dire l’illusion entretenue jusqu’ici…

Nous sommes réunis aujourd’hui pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, premier budget de la mandature. Il a pour objectif la réduction du déficit de la sécurité sociale à 2, 2 milliards d’euros.

Madame la ministre, engagés sur le thème de la réduction des dépenses et le retour à l’équilibre, nous ne pouvons que soutenir votre volonté affirmée de réduire ce déficit, à l’impérieuse condition, bien entendu, que les mots rencontrent les actes, car un retour à l’équilibre est absolument nécessaire, et pas seulement dans le domaine de la santé !

C’est sur le volet « santé » que je souhaite intervenir plus particulièrement. Convaincue que la prévention et l’innovation sont les deux piliers d’une gestion moderne et équilibrée des comptes en matière de santé, j’aimerais tout d’abord insister sur les mesures qui leur sont consacrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Vous indiquez, madame la ministre, que la prévention sera un axe central de la nouvelle stratégie nationale de santé et qu’elle sera arrêtée d’ici à la fin de l’année. D’ici là, l’une des mesures phares est l’extension d’obligation de vaccination pour les enfants, que je soutiens sans aucune réserve en tant que médecin.

C’est nécessaire compte tenu de la grande défiance des Français à l’égard de la vaccination, qui fait courir le risque d’un recul de la couverture vaccinale, avec comme conséquence la réapparition de maladies disparues aux conséquences graves, voire mortelles, pour nos enfants.

J’ajouterai même qu’un débat devrait être lancé sur la généralisation de la vaccination contre la grippe des professionnels de santé ; c’est aussi une question d’exemplarité et de solidarité.

Il en est de même pour le vaccin contre le papillomavirus. Madame la ministre, mes chers collègues, le constat est préoccupant. Notre pays accuse un retard considérable qui doit nous alerter : seulement 15 % des adolescentes françaises sont vaccinées, contre 90 % en Finlande et 85 % au Royaume-Uni. Nous sommes bien loin des objectifs de 60 % fixés par le plan Cancer 2014-2019.

En 2015, le cancer du col de l’utérus a encore touché près de 2 800 femmes en France et en a tué un peu plus d’un millier. Madame la ministre, il n’est pas acceptable que les femmes françaises soient plus exposées à ce cancer que nos voisines danoises, portugaises, finlandaises ou anglaises, alors qu’il est aujourd’hui considéré comme largement évitable grâce à la vaccination et au dépistage.

Je le sais, dans le domaine vaccinal, il vous faut combattre la désinformation, voire parfois l’obscurantisme, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation. Dans ce combat, je serai à vos côtés.

Toujours dans le champ de la prévention, j’aimerais évoquer le prix du tabac. Le Gouvernement prévoit plusieurs hausses successives jusqu’en 2020.

Le tabac, dont nous connaissons tous les conséquences néfastes sur la santé, doit faire l’objet d’une lutte sans merci de la part des pouvoirs publics, y compris avec le concours de nouvelles formes de communication, parfois innovantes, tout simplement pour atteindre en premier lieu le public jeune. La communication que je qualifierais de « punitive » n’a pas démontré en France toute son efficacité, vous en conviendrez. Votre combat pour lutter contre le tabagisme sera également le nôtre.

Cependant, une hausse des prix ne saurait à elle seule résoudre le problème. Je pense notamment aux habitants des territoires frontaliers, comme dans le Grand Est – région où je suis élue –, qui n’hésitent pas à se rendre au Luxembourg, à quelques kilomètres, pour s’approvisionner. Cette augmentation de la taxe sur le tabac, sans mesure d’accompagnement, serait la double peine pour ces territoires frontaliers, qui ont vu disparaître les bureaux de tabac, donc l’emploi. Mais, plus grave, le taux de prévalence du tabagisme, tout comme celui des maladies induites, y est bien supérieur à ceux des autres régions françaises.

Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez indiqué qu’en parallèle à la hausse du prix du tabac sera engagée une politique de prévention et de sensibilisation, ainsi que des actions visant à lutter contre la contrebande et à limiter les achats transfrontaliers.

À l’instar, je le crois, de beaucoup de mes collègues, je souhaite que de telles mesures soient mises en place le plus rapidement possible. Je suivrai avec beaucoup d’intérêt les annonces sur le sujet. Certaines d’entre elles devront nécessairement être portées à l’échelon européen.

La prévention, c’est également la généralisation du sport à des fins de santé. L’élaboration d’un plan sport-santé fait partie des mesures annoncées que je soutiens. J’y vois toutefois des contradictions quand les associations sportives subissent dans le même temps des mesures qui les fragilisent, dont la suppression des emplois aidés ou la baisse de l’enveloppe dédiée au Centre national pour le développement du sport, le CNDS, et des dotations aux collectivités.

De plus, je ne vois toujours pas de grande évolution dans le domaine du sport-santé sur ordonnance depuis la publication du décret du 30 novembre 2016, qui permet aux médecins généralistes de prescrire une activité physique. Madame la ministre, quels financements envisagez-vous pour que cette mesure atteigne enfin son objectif ?

À titre personnel, je ne suis pas favorable à la disposition, introduite par l’Assemblée nationale, visant à moduler la taxe sur les boissons sucrées. Elle vise davantage à renflouer les caisses de l’État qu’à lutter réellement contre l’obésité infantile, dont les causes sont bien plus complexes. En plus d’être inefficace, une telle mesure me semble injuste, car elle touchera prioritairement le porte-monnaie des publics parmi les plus défavorisés et les plus éloignés de la prévention.

Encore une fois, l’effort doit être porté sur l’éducation à la santé, qui se révèle bien plus efficace : plus de prévention, c’est in fine moins de maladies chroniques et moins de soins. Encore faut-il avec audace inverser le logiciel, changer les comportements en profondeur dès le plus jeune âge, être ambitieux et innovants et octroyer à la prévention et à l’éducation un budget à la hauteur de l’enjeu !

L’innovation vient compléter le travail de prévention que je viens d’évoquer.

L’article 36 donne un cadre à la généralisation de la télémédecine en permettant notamment la tarification à l’acte. Je salue cette mesure attendue, qui répond à un réel besoin de la médecine moderne. Certes, elle répond aussi en partie aux problématiques des zones de désertification médicale, mais elle doit surtout être appréhendée comme un vecteur d’innovation et accompagner les nouvelles pratiques en matière de santé. Le champ de la formation dans ce domaine devra également appréhender rapidement les nouvelles orientations pour qu’elles soient efficaces sur le terrain.

Il est difficile d’évoquer le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans s’arrêter sur les problématiques des déserts médicaux, qui touchent surtout les zones rurales, mais pas seulement… Sur certains de nos territoires, le torchon brûle ! Dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, les projections à cinq ans indiquent qu’il n’y aura plus qu’un seul médecin généraliste dans une commune de 10 000 habitants que je connais bien.

Je ne crois aucunement aux mesures coercitives. Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir doubler les maisons de santé pluriprofessionnelles, les MSP. Cela sera possible si les contraintes sont allégées. À ce jour, il faut environ cinq années pour qu’un projet de MSP aboutisse. C’est beaucoup trop long ; sur les territoires, l’urgence, c’est vraiment aujourd’hui !

Je crois que, dans ce domaine, il faut faire confiance et accompagner avec souplesse et réactivité toutes les initiatives des acteurs de terrain. C’est aussi cela, la nouvelle forme d’innovation !

Vous avez indiqué vouloir encourager l’expérimentation et son déploiement. Voilà quelques semaines, j’ai saisi votre cabinet du cas d’un projet porté par deux médecins de Herserange, dans mon département de Meurthe-et-Moselle. Comme beaucoup de projets innovants, celui-ci rencontre des difficultés administratives. Constatant le phénomène croissant de désertification médicale, les deux praticiens ont décidé de créer une société d’exercice libéral multisite, permettant d’installer des points de consultation de médecine générale sur des territoires considérés comme prioritaires. L’équipe serait constituée de généralistes jeunes diplômés et, proposition innovante, de lauréats de la procédure d’autorisation d’exercice, ou PAE, recrutés sous statut salarié. Il s’agit d’un modèle qui pourrait avoir vocation à se généraliser sur l’ensemble du territoire. C’est ce genre d’initiatives, je l’espère, que vous soutiendrez grâce à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, comme vous l’avez déclaré dans vos propos, libérez l’initiative ! Libérez-nous d’organisations parfois inadaptées à ce siècle, parfois inadaptées à la révolution numérique en cours, à l’évolution rapide de la société ! Levez les nombreux obstacles bureaucratiques que les professionnels rencontrent. Permettez l’expérimentation, et n’hésitez pas à encourager tout ce qui pourrait être le fruit de l’imagination ou de la créativité dans le domaine de la santé.

Le groupe du RDSE se montrera particulièrement attentif au débat, auquel il contribuera de manière positive, afin d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens dans le domaine de la santé. Nous serons particulièrement attentifs au sort réservé à nos amendements.

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