Intervention de Michel Amiel

Réunion du 13 novembre 2017 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo de Michel AmielMichel Amiel :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, disons-le clairement : on peut fustiger à l’infini la hausse de la CSG, l’alignement des plafonds des allocations familiales concernant l’allocation de base de la PAJE sur celui du complément familial, la baisse du coût du travail, qui favoriserait uniquement le patronat, mais on ne peut pas vouloir à la fois la réduction des dépenses publiques et exiger le maintien des financements actuels d’un certain nombre de prestations. Le Gouvernement veut non pas les abolir, mais en réduire le coût pour avoir un budget conforme aux critères de Maastricht, idée que l’on peut bien évidemment ne pas partager, surtout si l’on se moque des déficits et de la dette.

Le budget, la santé, l’assurance vieillesse… Voilà bien des sujets d’une extrême importance, qu’il conviendrait d’aborder avec le plus grand sérieux et la meilleure projection à long terme si nous voulons que notre système non pas simplement survive, mais puisse être aussi bénéfique et protecteur pour les générations à venir.

J’ai souvent évoqué l’introduction d’une pluriannualité dans notre processus budgétaire. Je me réjouis aujourd’hui de voir que ce budget s’annonce dans une vision à long terme et coordonnée des finances de la nation.

Le projet que le Gouvernement nous présente ici dans sa philosophie générale a un objectif clair de retour à l’équilibre des comptes pour les années à venir, en s’occupant à la fois des déficits et de la dette, qui devrait être résorbée en 2024.

Je souhaite souligner que ce budget s’est construit autour d’une prévision de croissance de 1, 7 %, hypothèse semblable à celle de l’OCDE ; le Haut Conseil des finances publiques a salué la prise en compte d’un scénario macroéconomique à la fois prudent et raisonnable afin de déboucher sur un budget sincère.

La part du PIB consacrée aux dépenses de santé dans le monde est en moyenne de 9, 92 % selon la Banque mondiale – ce sont les chiffres de 2014.

La France dépense de manière assez stable environ 12 % de son PIB, là où les États-Unis y consacrent 17, 1 %, chiffre en hausse depuis 1995. Notre pays est souvent pointé comme ayant un bon système, issu des idées généreuses du Conseil national de la Résistance.

Mais depuis les Trente Glorieuses, le monde a changé, ne serait-ce que par l’augmentation des dépenses consacrées à la santé – elles sont passées de 6 % dans les années 1960 à 12 % actuellement – et par la baisse du nombre de cotisants depuis le retour des crises économiques successives.

Il faudra du courage pour aborder la problématique d’un cinquième sujet, que je ne saurais qualifier de risque, la dépendance. Cet aspect ne peut seulement représenter une variable d’ajustement dans notre système de protection sociale ; il représente un véritable défi puisque, selon les derniers chiffres de l’INSEE, en 2050, le nombre des personnes de plus de 65 ans aura doublé.

Je m’attarderai sur des décisions fortes prises pour la branche maladie, et tout d’abord sur l’aspect prévention.

Longtemps négligée, la prévention apparaît essentielle dans la réduction de l’occurrence et de la gravité des pathologies. Avec l’éducation à la santé, le dépistage est un levier essentiel pour notre politique de santé publique. Le texte qui nous est présenté contient deux mesures majeures dans cette lignée.

Tout d’abord, l’extension de l’obligation vaccinale à onze vaccins. N’en déplaise aux vendeurs de peur, cette mesure est une bonne mesure. Rappelons qu’un pourcentage important d’enfants est correctement vacciné, même si la cible préconisée par l’OMS n’est pas atteinte. Saluons au passage le rôle joué par la protection maternelle et infantile, ou PMI, dans le suivi et la vaccination d’enfants de familles modestes, mais pas seulement.

Les vaccins ont démontré leur efficacité et le rapport bénéfice-risque est nettement en leur faveur. Comment accepter que l’on puisse aujourd’hui mourir d’une maladie qu’un vaccin peut éviter : rougeole, méningite, cancer du foie causé par l’hépatite B ?

Dépassons les polémiques sur les adjuvants, puisque d’importants progrès ont été faits sur la tolérance vaccinale, ou sur les bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, qui participent eux aussi activement à la recherche.

Vient ensuite l’augmentation du prix du tabac. Rappelons que le tabac est la première cause de mortalité en France, cancers et maladies cardiovasculaires confondus.

Notre pays est, hélas ! un des champions du tabagisme en Europe. Une fiscalisation plus importante du tabac a fait ses preuves, comme l’a montré une étude australienne, mais il faudra aussi s’attarder sur les effets pervers de cette mesure, qu’il s’agisse de la fraude ou de la contrebande, et développer activement une communication pour pointer les méfaits du tabagisme, en particulier chez les jeunes.

J’évoquerai maintenant la question de l’innovation développée par le PLFSS.

Il s’agit tout d’abord de l’innovation technologique, que ce soit en matière de diagnostic et de thérapeutique. La recherche, en particulier sur l’épigénétique, discipline de la biologie qui étudie les mécanismes moléculaires modulant l’expression du patrimoine génétique en fonction du contexte, a révolutionné le pronostic de certaines maladies qui, naguère fatales, sont devenues aujourd’hui curables. Certes, ces progrès ont un coût considérable, et il nous faudra réfléchir de façon approfondie à la question du prix du médicament, notamment à l’échelon européen.

Bien sûr cette innovation doit bénéficier à tous les patients, mais sans doute devrons-nous faire des choix, y compris sur le reste à charge des pathologies courantes.

L’innovation concerne aussi l’aspect organisationnel et la télémédecine – téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance – qui en est la clé de voûte. Cela n’ira pas sans une réflexion sur le développement de ces pratiques, en particulier par la formation initiale, ni sans une réflexion sur la tarification. Pour la première fois, un projet de loi de financement de la sécurité sociale aborde ce sujet.

Pour clôturer ce court chapitre sur l’innovation, je rappellerai que l’innovation scientifique doit s’accompagner d’innovation éthique, comme le souligne Emmanuel Hirsch dans une récente tribune. La révision des lois de bioéthique en 2018 abordera ce sujet. Comme l’écrivait déjà Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

En matière d’organisation de notre système de soins, le PLFSS aborde aussi la question de la pertinence des actes. Selon une enquête récente de l’OCDE, 30 % d’entre eux ne seraient pas pertinents. C’est d’ailleurs un chiffre que vous avez repris, madame la ministre.

Une réflexion sera menée sur de nouveaux parcours de soins – décloisonnement ville-hôpital – et sur de nouveaux modes de rémunération, tels que la rémunération forfaitaire. En particulier, la tarification à l’acte à l’hôpital, la fameuse T2A, a révélé des effets pervers ; sans doute faudra-t-il remettre ce sujet à plat.

Mes chers collègues, le chantier est immense… et le sentier sera long.

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