Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le constat est clair. Notre pays a des spécificités en termes de consommation du tabac. D’abord, le tabagisme des jeunes et des adolescents défie toute concurrence. Ainsi, parmi les pays européens, nous sommes, me semble-t-il, proches de la Slovénie, c’est-à-dire que nous sommes avant-derniers en termes de prévalence du tabagisme des jeunes, avec un jeune sur trois qui fume quotidiennement et 250 000 adolescents qui entrent chaque année dans le tabagisme.
Autre spécificité française, le tabagisme des femmes. Dans ce domaine, nous enregistrons l’un des pires chiffres au monde. Une étude datant de quatre ans de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSSAET, montrait que dans notre pays, la prévalence du tabagisme chez les femmes de 20 à 50 ans était de l’ordre de 40 à 50 %, dont 40 % pour les femmes de 40 ans. On note une explosion – cela a été dit par M. le sénateur – des cancers liés au tabac chez la femme. À ce propos, je rappelle qu’il ne s’agit pas seulement du cancer du poumon : le tabac est aujourd'hui responsable de dix-sept localisations de cancers différents, dont le cancer du col de l’utérus, dont certaines leucémies, dont le cancer de la vessie, et j’en passe.
Cela induit également des décès cardiovasculaires. Chez la femme, en particulier, comme on pense rarement à l’infarctus, il est souvent diagnostiqué avec du retard, et elles en pâtissent. Il s’ensuit donc des décès inacceptables, 200 morts par jour, autant que dans un crash d’avion ! Il est aujourd’hui indispensable de prendre le taureau par les cornes.
Nous le savons, l’augmentation du prix du tabac est, au-delà de l’accompagnement dont nous allons évidemment parler, le meilleur levier existant. Nous n’allons pas nous limiter à l’augmentation du prix du tabac, qui est juste une mesure inscrite dans le PLFSS. Tout le reste suivra, bien entendu, mais l’augmentation du prix du tabac est le levier le plus efficace. Toutes les études internationales montrent que 10 % de hausse du prix du tabac aboutit à réduire de 4 % la prévalence du tabagisme. Tous les autres pays ont réussi ce virage. Au Royaume-Uni, où l’on trouvait voilà dix ans, comme en France, 30 % de fumeurs, il y a actuellement 17 % de fumeurs, alors que notre pays compte aujourd'hui toujours 32 % de fumeurs quotidiens.
Je rejoins ce que dit Mme Cohen pour considérer que la hausse du tabac en elle-même n’a pas d’impact si elle est filée. Les augmentations n’ont d’impact que si elles sont brutales et importantes. C'est la raison pour laquelle nous augmentons de 1 euro par an cette fiscalité liée au tabac. L’objectif, c’est de montrer aux fumeurs la détermination des pouvoirs publics et de leur donner le temps de s’engager, en trois ans, dans une démarche d’arrêt. En effet, on le sait, la plupart des démarches d’arrêt ne fonctionnent pas du premier coup. Il faut essayer à plusieurs reprises.
Ce que l’on n’a pas dit, c’est le coût sanitaire et le coût social du tabac. Il est évalué par la Cour des comptes en termes de coût social à 120 milliards d'euros par an, entre les pertes de vie, les arrêts de travail. Pour la sécurité sociale le coût du tabac est aujourd'hui de 26 milliards d’euros. Si on soustrait les taxes liées au tabac, cela fait un déficit pour les finances publiques de 13 milliards d'euros par an. Vous voyez l’enjeu pour les finances de la sécurité sociale.
Pour vous rassurer et parce que c’est important, je vous dresserai la liste de l’ensemble des mesures qui vont entourer l’augmentation du prix, qui n’est que le levier financier, budgétaire, dirais-je, du PLFSS.
Je laisserai Gérald Darmanin parler de la lutte contre la fraude et de l’accompagnement des buralistes.
Cela a été dit, nous allons également agir sur la traçabilité. Il est impératif que nous ayons des mesures de traçabilité très dures, sur lesquelles nous négocions aujourd’hui avec l’Union européenne dans le cadre de la préparation de la directive européenne qui doit être votée d’ici à la fin de l’année.
De plus, nous allons rédiger un deuxième plan national de réduction du tabagisme. Le premier, lancé en 2014, figurait dans le plan Cancer. Il va de soi que ce deuxième plan national de réduction du tabagisme empruntera la voie du marketing social. Conscients que les grandes campagnes d’information ne fonctionnent pas, nous devons travailler sur les réseaux sociaux à la dénormalisation de l’image du tabac dans la société, notamment vis-à-vis des jeunes.
À ce propos, et je rejoins complètement ce qui a été dit par Mme la sénatrice Grelet-Certenais sur le cinéma français, je veux que notre pays engage une action ferme sur le sujet. Je ne comprends pas l’importance de la place qu’occupe aujourd'hui la cigarette dans le cinéma français. Il se trouve que j’en ai parlé ce matin au conseil des ministres à Mme Françoise Nyssen pour l’alerter. Il y aura donc des mesures en ce sens, mais elles ne seront évidemment pas les seules.
Nous édicterons aussi des mesures d’interdiction de fumer devant les écoles et les lycées. De très nombreuses pistes seront présentées dans le cadre du programme national de santé publique sur lequel nous travaillons. Ce deuxième plan national de réduction du tabagisme visera notamment les personnes les plus vulnérables. On le sait, aujourd'hui, 50 % des chômeurs fument. On le sait aussi, les femmes enceintes françaises fument beaucoup trop. Nous prendrons des mesures dédiées à des publics cibles.
Enfin, cette hausse du tabac va permettre d’abonder, à hauteur de 130 millions d’euros par an environ, le Fonds de lutte contre le tabac, institué au sein de la CNAM. Grâce à cet apport, nous pourrons prendre des mesures d’accompagnement très incitatives vis-à-vis des fumeurs qui souhaitent s’arrêter et vis-à-vis des jeunes. Nous allons intensifier l’opération « mois sans tabac » et multiplier les lieux d’accueil des fumeurs afin de les aider à s’arrêter de fumer, notamment dans les lieux fréquentés par les publics vulnérables. Tout cela sera dévoilé au printemps. Je vais maintenant laisser la parole à Gérald Darmanin.