Je voudrais dire quelques mots à M. Ravier, s’il me le permet, en tant qu’élu d’un territoire on ne peut plus frontalier. Sans nier que Marseille est à la frontière de bien des influences et des ouvertures, je peux témoigner d’une époque, dans ma jeune enfance, où les frontières existaient encore. Il était même coutumier, dans ma famille comme dans d’autres, d’aller acheter du chocolat, de l’alcool ou du tabac en Belgique, ou d’aller y jouer. Or, entre Tourcoing et Mouscron, en Belgique, il n’y a ni les Alpes ni les Pyrénées : dix-sept points de passage unissent les deux villes, et il existe même quelques rues où les numéros pairs sont en France et les numéros impairs en Belgique…
Si vous venez dans mon territoire, monsieur le sénateur, vous verrez un quartier, au carrefour de Tourcoing, Menin, Mouscron et Neuville-en-Ferrain, quartier construit voilà plus de soixante ans et nommé le Risquons-Tout. Vous aurez compris que ce nom fait référence aux risques que prenaient les contrebandiers en passant la frontière. Ces activités ne sont pas nouvelles, à l’évidence.
Je vous ai conté cette anecdote, monsieur le sénateur, pour démontrer que votre intervention sonne comme la dénonciation passéiste d’une situation qui ne date pas d’hier.
Vous avez qualifié, à raison, les buralistes de gens courageux. Simplement, je n’ai entendu de votre part aucune proposition de transformation. En effet, même en imaginant que, comme vous le proposez au travers de cet amendement, nous n’augmentions pas le prix du tabac, le problème majeur des buralistes ne sera pas réglé, car des différences de fiscalité déjà très importantes existent entre la France et les pays voisins.
Quant aux faits que vous évoquez, et que je ne nie absolument pas, ce qui se passe à Marseille comme à Toulouse, à Lille, à Paris ou dans toutes les grandes agglomérations, ces faits sont évidemment inacceptables, mais ils existent déjà.
Je constate donc que votre proposition n’en est pas une : vous suggérez simplement de ne rien toucher et de ne rien bouger. Vous le justifiez finalement par un argument très spécieux : selon vous, comme ce sont les Français les plus pauvres qui fument, taxer le tabac revient à les étrangler. Mais cela ne vous gêne pas que ce soient les plus pauvres qui meurent en premier ! C’est bien à l’hôpital de Lens et, plus généralement, dans les hôpitaux des zones les plus défavorisées qu’on traite le plus de cancers du poumon. En fait, ce qui vous intéresse, c’est qu’en attendant de mourir ces gens puissent fumer sans qu’on les étrangle financièrement : avouez que c’est un argument assez étonnant !