Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 17 novembre 2017 à 9h45
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Articles additionnels après l'article 35

Agnès Buzyn, ministre :

Je souhaite répondre à propos du numerus clausus, puisque vous m’avez interpellée sur le sujet.

Vous avez raison, c’est dramatique qu’une classe d’âge, composée de surcroît d’étudiants assez brillants en général, ayant obtenu des mentions très bien au bac, soit ainsi refoulée des études de médecine à cause d’un numerus clausus très restrictif.

Je crois en avoir déjà parlé lundi dernier, on connaît la raison pour laquelle ce numerus clausus a été mis en place : en fait, on n’a pas trouvé d’autre moyen pour réguler l’augmentation des dépenses de santé, puisque les médecins sont payés à l’acte.

Ce raisonnement a été assumé par les différents gouvernements depuis trente à quarante ans malgré, effectivement, une mauvaise anticipation de la conception qu’ont les jeunes aujourd’hui de la vie professionnelle. Et je ne parle même pas de la féminisation des professions. Aujourd’hui, non seulement nous n’avons plus assez de médecins sur un plan quantitatif, mais ceux-ci n’ont plus envie de la vie des médecins d’antan, sur le plan qualitatif. Dont acte !

Ce constat ayant été dressé par quelques-uns des précédents gouvernements, le numerus clausus a été un peu relevé, puisqu’il est passé de 6 000 à 8 000 étudiants, soit une augmentation de plus de 30 %. Nous savons que si nous relevions le numerus clausus en 2018, les médecins finiraient leurs études et leur internat – puisqu’ils font tous un internat désormais – dans douze ans. En 2030, nous savons donc d’ores et déjà que la démographie médicale repartira à la hausse par rapport à ce qu’elle est maintenant. Nous savons également qu’en 2025 elle connaîtra un creux, alors qu’elle sera supérieure en 2030 à celle que nous connaissons aujourd'hui.

Si nous augmentons largement le numerus clausus de 2018 à 2025, un nombre très élevé de médecins finiront par conséquent leurs études entre 2030 et 2035. Nous aurons ainsi obtenu l’exact inverse de la situation que nous subissons aujourd’hui, c’est-à-dire une démographie médicale négative.

Nous avons intérêt à nous interroger collectivement sur ce que sera l’exercice de la médecine en 2035, sur le nombre de médecins dont nous aurons besoin, sur ce que sera l’exercice coordonné entre professionnels et sur la démographie des nouveaux professionnels, avant d’ouvrir tout simplement les vannes du numerus clausus. Sinon, nous allons à une catastrophe certaine dans l’autre sens, avec l’arrivée d’énormément de médecins. Sans compter que si nous poursuivons la mise en œuvre d’une tarification à l’acte, ce n’est pas à un ONDAM à 2, 3 % qu’il faudra s’attendre mais à 7 % ! En effet, soyons clairs, mesdames, messieurs les sénateurs, la régulation de la tarification de la médecine de ville est aujourd’hui compliquée.

Je souhaite modifier la tarification des médecins en associant à la tarification à l’acte une tarification à la qualité et à la pertinence. Cela permettrait, par exemple, de réguler ce que vous appelez les zones surdotées, là où on considère que la présence de médecins en grand nombre induit un nombre important d’actes, dont certains sont inutiles.

Je souhaite travailler sur la pertinence des actes et la régulation par la qualité et la pertinence, parce que cela permettrait de réduire une partie des actes répétitifs ou inutiles dans des zones prétendument surdotées. Selon moi, la régulation par la qualité est préférable à la coercition. Elle permettrait aussi éventuellement d’augmenter le nombre de médecins, mais ce serait de façon réfléchie et en ayant réalisé une projection de ce que sera la médecine en 2035.

Dans les années à venir, nous poursuivrons la réflexion sur le sujet dans le cadre des PLFSS successifs. En tout cas, la régulation coercitive et l’augmentation du numerus clausus sont à mon avis des idées un peu simples par rapport à la complexité du problème. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas du tout favorable à ces amendements.

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