Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 novembre 2017 à 8h40
Institutions européennes — Régime électoral du parlement européen : communication de mme fabienne keller et m. jean-yves leconte

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

La composition du Parlement européen est, comme vous le savez, encadrée par les traités. Il ne peut comprendre plus de 751 membres. Un État ne peut pas disposer de plus de 96 sièges ni de moins de 6 sièges. La composition du Parlement européen repose, par ailleurs, sur le principe de proportionnalité dégressive. Comment définir celui-ci simplement au-delà d'une formule mathématique ? Chaque député d'un État membre plus peuplé représente davantage de citoyens que chaque député d'un État membre moins peuplé. À l'inverse, plus un État membre est peuplé, plus il a droit à un nombre de sièges élevé. Dans ces conditions, les petits États membres ne peuvent disposer de davantage de sièges que les grands États membres.

Compte tenu de ces limites, la fixation du nombre de sièges relève d'une décision du Conseil européen, soit l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement, statuant à l'unanimité. Cette décision se fonde sur une initiative du Parlement européen. La décision du Conseil doit également recueillir son approbation.

La décision de 2013 qui précise les règles pour la composition du Parlement européen pour la législature 2014-2019 prévoyait une révision de celle-ci « suffisamment longtemps avant le début de la législature 2019-2024 ». Cette révision devait permettre d'instaurer un système censé, à l'avenir, répartir les sièges avant chaque élection d'une manière « objective, équitable, durable et transparente » reposant sur le principe de proportionnalité dégressive. Il doit bien évidemment être tenu compte des évolutions démographiques des populations.

La question de la répartition des sièges n'est pas sans incidence sur le débat sur la légitimité démocratique de l'Union européenne. La Cour constitutionnelle allemande a ainsi estimé, en 2009, que compte tenu de sa composition, le Parlement européen n'est pas, aujourd'hui, un organe représentatif d'un peuple souverain. Les inégalités de représentation y sont, en effet, considérables : un député européen allemand représentant 862 500 personnes contre 73 406 pour un député maltais. Le suffrage d'un État membre à faible population apparaît donc presque douze fois supérieur à celui d'un État membre à forte population. La représentation obtenue apparaît davantage dégressive que proportionnelle. Dans ces conditions, la loi électorale ne respecte pas l'égalité de vote et apparaît insuffisamment démocratique. Le tableau qui vous a été distribué vient étayer la position de la Cour constitutionnelle. L'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie, la Pologne et le Royaume-Uni apparaissent clairement sous-représentés.

L'initiative du Parlement européen devait être présentée fin 2016. Le Brexit a conduit à un report. Un premier rapport a été présenté le 11 septembre dernier par la commission des affaires constitutionnelles. Il suggère une réduction du nombre de sièges à 699 et la mise en place d'une nouvelle répartition équitable et objective par État membre. Celle-ci serait mise en place via une réattribution partielle des sièges britanniques (21 sièges). Cette nouvelle composition serait mise en oeuvre dès que la sortie du Royaume-Uni deviendrait effective. La France verrait ainsi son contingent majoré de 4 députés pour atteindre 78 membres. L'Espagne et l'Italie seraient également concernées, comme le montre le tableau qui vous a été distribué.

La proposition du Parlement européen appelle néanmoins plusieurs observations.

La réduction du nombre de parlementaires européens est régulièrement demandée au Sénat. Le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne a ainsi, dans son rapport sur la relance du projet européen adopté en février dernier, insisté sur la révision de la taille du Parlement européen. Celle-ci constitue l'un des corolaires de l'émergence d'une représentation européenne des parlements nationaux. Dans ces conditions, le groupe de suivi tablait sur une réduction du nombre de parlementaires, ramené à 700 contre 751 aujourd'hui. L'éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne constituerait, par ailleurs, une opportunité.

La réduction du nombre de parlementaires devait être accompagnée, aux yeux du groupe de suivi, par une révision du mode d'élection au Parlement européen. Celle-ci devrait permettre de renforcer sa légitimité démocratique.

La logique poursuivie par la commission des affaires constitutionnelles peut donc être appuyée. Elle souffre cependant d'un défaut majeur : la réduction du nombre de députés et la révision de la composition du Parlement européen apparaissent conditionnées aux négociations en cours avec le Royaume-Uni. Il convient de rappeler que la décision du Conseil européen du 28 juin 2013 prévoyait l'instauration d'un nouveau système électoral avant la fin 2016. La sortie du Royaume-Uni pourrait, quant à elle, ne pas intervenir avant mars 2019, soit trois mois avant le scrutin. Il apparaît indispensable, dans ce contexte, de désolidariser les questions et de n'envisager le retrait britannique que comme une variable d'ajustement.

Le système proposé ne semble par ailleurs pas totalement pérenne, puisque le rapport de la commission des affaires constitutionnelles renvoie aux élections de 2024 l'application d'une méthode permanente pour l'allocation des sièges entre les États membres. Celle-ci serait fondée sur une formule mathématique, « fixe, proportionnelle et racine carrée à la population ». Dès lors que cette méthode de calcul est retenue, il est possible de s'étonner sur le fait qu'elle ne soit mise en oeuvre qu'en 2024.

Il est par ailleurs possible de s'interroger sur l'ampleur de l'ajustement proposé. Comme le rappelle régulièrement le Gouvernement français, la révision de la composition du Parlement européen doit permettre de corriger les atteintes au principe de proportionnalité dégressive. Elles se sont encore accrues, selon lui, depuis le scrutin de 2014, en raison des variations démographiques intervenues entre les populations des États membres. Dans ces conditions, il estime que le contingent de députés européens élus en France devrait être augmenté au minimum de 5 unités, contre 4 dans le projet de la commission des affaires constitutionnelles. Les autorités françaises estiment, par ailleurs, que toute nouvelle répartition non conforme au principe de proportionnalité dégressive pourrait être contestée en dernier recours devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Quoi qu'il en soit, la future composition du Parlement européen n'éludera pas en France un débat sur la représentativité de nos députés européens. Notre collègue André Gattolin a déposé une proposition de loi en ce sens, visant le retour à une liste nationale pour la métropole et la mise en place d'une circonscription pour les territoires ultramarins. La réduction des circonscriptions de 8 à 2 pourrait, selon notre collègue, anticiper une révision de la loi électorale de l'Union sur laquelle nous avions déjà pris position ici en mars 2016. Mais je laisse Jean-Yves Leconte aborder cette question.

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