Je l'ai dit à Jean-Michel Blanquer : c'est un ministre qui a l'avantage de connaître le ministère pour avoir été recteur dans des académies difficiles, Guyane et Créteil, et - sous un ministre de droite - un directeur général de l'enseignement scolaire apprécié des uns et des autres. J'aurais mauvaise grâce à croire qu'une participation à un gouvernement signifierait qu'il a abandonné ses convictions, d'autant plus que rien ne le laisse soupçonner.
Antoine Lefèvre, le coût de la nomination de deux professeurs principaux dès décembre 2017 a été intégré dans le budget pour 2018.
Arnaud Bazin dit quelque chose de très vrai : la réussite pédagogique est une affaire collective, dont les parents sont les premiers acteurs. C'est d'ailleurs pour cela que je suis favorable à la liberté de l'enseignement, qui est une façon pour les parents d'exprimer leurs choix, leurs préférences, leurs convictions. Plus les parents sont associés, plus la scolarité est réussie. C'est aussi une affaire de travail collectif des enseignants, lequel ne peut exister sans le chef d'établissement. L'importance de son rôle ne fait aucun doute dans les lycées prestigieux comme Henri-IV, mais cela est moins vrai pour les lycées professionnels et technologiques. Il est peu reconnu pour les principaux de collèges, et pratiquement pas reconnu pour les directeurs d'écoles. Or la réussite des élèves dépend d'enseignants qui les suivent de classe en classe et de matière en matière. On parle souvent en termes chaleureux de « communauté éducative ». C'est souvent une illusion : les enseignants ne se parlent pas faute de chef d'orchestre et les parents ne s'expriment que s'ils sont mécontents - cela étant, à mon avis, la pire des façons d'assurer la réussite scolaire de leurs enfants.
Le dédoublement ne suffit donc pas. Mais une éducation nationale qui dédouble les classes fait un effort suffisant pour que les parents viennent aux réunions et que les professeurs acceptent de travailler ensemble, ce qui n'est pas toujours le cas. L'évaluation de cohortes d'élèves ayant bénéficié du dédoublement est prévue. Le quantitatif ne suffit pas. Les élèves doivent comprendre une idée simple : se former est une chance, ce n'est pas un fardeau, mais c'est un effort ; il ne faut pas attendre, comme une plante, que l'arrosoir vienne vous arroser : il faut travailler ! C'est pour cela que je trouve le dispositif « devoirs faits » formidable : cela crée une communauté de travail.
Je n'ai pas de réponse sur les innovations. Mais j'ai la conviction que les élus locaux ne sont pas suffisamment associés à la vie des établissements. Ils servent de punching ball aux parents mécontents qui se plaignent du menu de la cantine...
L'hygiène des sanitaires est un sujet important. Le respect de la vie collective passe par des toilettes propres. J'ai un passé de militaire, comme ministre et comme sous-lieutenant : quand c'est propre, on se respecte, et on respecte la communauté, l'institution ; quand c'est sale, c'est l'inverse.
Les parents, trop souvent, ne sont pas proactifs, ils sont râleurs. Dans l'enseignement agricole c'est un autre état d'esprit, parce qu'il y a un projet éducatif et professionnel.
Oui, Michel Canevet, il y a un vrai problème de gestion des ressources humaines, comme vient de le rappeler la Cour des comptes. Notre commission a travaillé sur les heures supplémentaires ; l'annualisation est une nécessité absolue, comme la bivalence, au moins dans le premier cycle secondaire, pour assurer les remplacements. Aujourd'hui, les chefs d'établissements jonglent avec les effectifs disponibles et les inspections académiques disposent de remplaçants qui ne sont pas toujours mobilisées. Il manque une souplesse que l'annualisation permettrait d'obtenir.
Il y a 30 000 élèves en moins dans le primaire, mais le diable se cache dans les détails : cela dépend des régions. La mienne perd des habitants, mais d'autres en gagnent beaucoup. Il faudrait que les effectifs en tiennent compte, mais, étant attachés à nos établissements, nous nous battons tous pour garder nos enseignants, même si le taux d'encadrement devient déraisonnable. La viscosité de l'adaptation rend la situation de crise permanente pour les malheureux recteurs qui doivent arbitrer entre ceux qui ont des élèves et pas de professeurs et ceux qui ont des professeurs, mais pas d'élèves. Jean-Michel Blanquer a l'avantage d'avoir été recteur de régions où il y avait trop d'élèves par rapport au nombre de professeurs parce que d'autres régions retenaient ces derniers.
Je n'ai pas été un père de famille très attentif, mais je suis un grand-père relativement soucieux de l'éducation de mes dix petits-enfants. La scolarité des moins de trois ans, outre qu'elle soulage les mères de famille, fait passer au budget de l'État des dépenses qui seraient autrement assurées par les communes ou le monde associatif ; surtout, elle permet d'apprendre aux enfants la sociabilité, qu'ils ne connaissent pas toujours lorsqu'ils sont issus de familles où ne sont pratiqués ni le français ni les traditions - je n'ose dire « bon chic bon genre », ce serait trop versaillais - mais habituelles.
Les Francs, qui ne furent que 400 000 à entrer en France en trois siècles, pratiquaient l'égalité entre l'homme et la femme, et cette dernière participait aux combats, ce qui n'était pas le cas chez les Gaulois et encore moins chez les Romains. Dans certaines générations nouvelles, le garçon est considéré comme Dieu sur terre, ce qui n'est pas un service qu'on lui rend. L'avantage de la maternelle, c'est que les garçons apprennent qu'ils ne sont pas Dieu sur terre et qu'il faut respecter les autres.
Jean-Michel Blanquer laisse la porte ouverte pour les rythmes scolaires. Tout dépendra de la sociologie des villes et des territoires. Le plus probable, connaissant Bercy, c'est que si les collectivités territoriales ont le choix, elles devront financer le périscolaire sur leurs deniers propres. Je vous fiche mon billet que ce sera le cas, probablement avant la fin du quinquennat.
On compte 27 700 ETPT « supports », dont 1 000 cadres A non enseignants, parmi lesquels 60 % font partie de cadres administratifs et 40 % de cadres techniques. Par rapport au million d'enseignants, c'est raisonnable. Il y a un colonel pour 800 hommes : c'est le même ratio. Notre commission a beaucoup travaillé sur les enseignants qui n'étaient pas en face d'élèves et nous avons réussi à dégonfler le mythe selon lequel il y aurait de nombreux enseignants qui ne seraient pas au travail...
La réforme du bac est très importante, Julien Bargeton, car cet examen final commande tout l'amont. Quelqu'un a dit que les classes préparatoires aux grandes écoles avaient un immense avantage, celui d'être les dernières ; c'est du même ordre. Si nous voulons nous battre contre la diversité infinie des formations secondaire, il faut un bac qui ramène les élèves vers quelques valeurs fortes.
Il faut effectivement organiser le lien entre supérieur et lycée. Nous provinciaux, avons le sentiment que nos lycées sans classes préparatoires dans des villes non universitaires, sont un peu moins bons, et jouent en quelque sorte en deuxième division. Jumeler supérieur et secondaire à travers des professeurs qui enseignent aux deux niveaux n'est pas forcément mauvais. Lorsque j'ai quitté Henri-IV, j'ai retrouvé le même professeur à Sciences-po, cela rassure. Ce n'est pas le cas au lycée Margueritte à Verdun. Il faudrait y travailler, au-delà des classes préparatoires.
J'ai évoqué la bivalence, l'annualisation du temps de travail, l'utilisation indispensable des heures supplémentaires. Le compte d'affectation spéciale des retraites représente 30 % du budget. Quand on prend une décision, on la paie longtemps. C'est le problème de l'Éducation nationale : tout est petit en apparence, mais multiplié par des dizaines de milliers de classes, cela fait rapidement beaucoup d'argent. Il faut donc être très prudent - c'est le rôle de la commission des finances.
À l'issue de ces débats, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
La réunion est close à 18 h 35