Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quel regard le groupe socialiste et républicain porte-t-il sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à l’issue d’une semaine de débats où des visions bien différentes de l’avenir de notre protection sociale se sont dessinées ? Un regard contrasté, mêlant satisfaction, déception et interrogation.
Nous sommes effectivement satisfaits quand le Sénat supprime la hausse de 1, 7 point de la CSG applicable aux retraités – nous avions déposé un amendement identique à celui qui a été adopté –, mais aussi quand les personnes dédommagées au titre de la prestation de compensation du handicap sont exonérées et qu’une compensation de cette hausse de CSG est mise en place pour les artistes auteurs.
Notre satisfaction est grande, encore, quand le Sénat réaffecte les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, majorant ainsi la part de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, attribuée au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
Dans la troisième partie du projet de loi, relative aux recettes, nous nous félicitons de décisions obtenues, soit avec notre appui, soit sur notre initiative.
Je citerai la fin de l’inégalité de traitement devant les charges sociales des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, pour les tâches effectuées au domicile de personnes âgées ou en situation de handicap ; la possibilité de rendre cumulable le dispositif d’année blanche avec le dispositif d’exonérations partielles applicables aux jeunes agriculteurs ; l’offre « service emploi association » accessible aux entreprises de moins de 20 salariés ; l’exonération de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules fonctionnant au superéthanol E85 ; l’exclusion des médicaments génériques – c’est un point important – de la taxe sur le chiffre d’affaires des grossistes répartiteurs.
Je mentionnerai enfin plusieurs points déterminants dans la quatrième partie relative aux dépenses : la suppression de la baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, qui avait été envisagée par alignement du montant et des plafonds de ressources de l’allocation de base sur ceux du complément familial ; la réforme de la tarification de la dialyse, très attendue par les personnes concernées, à travers un forfait unique, adapté au profil de chaque patient, dispositif qui permettra le développement de la dialyse à domicile ; la suppression du dispositif d’ajustement à la baisse, au-delà d’un plafond de dépenses, des prix et tarifs des dispositifs médicaux et des prestations associées ; le rejet d’un amendement de la majorité sénatoriale visant à supprimer le pécule constitué par le cumul des allocations de rentrée scolaire des enfants confiés aux services d’aide sociale à l’enfance.
En revanche, je voudrais revenir sur quatre motifs de déception et de vive opposition à travers des rejets d’amendements.
Tout d’abord, le tiers payant généralisé, devenu généralisable. C’était, madame la ministre, un signe fort adressé aux familles ayant des revenus modestes, un instrument facilitant l’accès aux soins, déjà en place dans de nombreux pays européens. Nous serons attentifs au suivi du rapport qui sera remis en mars prochain.
Parmi ces sujets de déception ou d’opposition, figurent aussi la revalorisation du niveau minimum des pensions de retraite des exploitants agricoles, le report de la date de revalorisation des pensions de retraite du 1er octobre au 1er janvier, l’abaissement de 30 % à 20 % du taux des cotisations patronales sur la distribution d’actions gratuites par les grandes entreprises.
Nous confirmons, madame la ministre, notre soutien à l’ensemble des mesures de prévention. S’agissant de la forte augmentation du prix du tabac, elle exigera, dans le même temps, une lutte déterminée contre la contrebande et les contrefaçons. En ce qui concerne la taxe sur les boissons sucrées, nous avons compris que des négociations étaient encore en cours avec les fabricants. À ces mesures, s’ajoutent la consultation gratuite de prévention du cancer pour les femmes âgées de 25 ans et l’obligation vaccinale portée à 11 vaccins, que nous approuvons.
Nous confirmons aussi notre appui attentif aux mesures d’expérimentations organisationnelles et à l’inscription de la téléconsultation et de la télé-expertise dans le champ ordinaire de l’assurance maladie.
Enfin, le caractère universel de notre protection sociale, confirmé en 2016 avec la protection universelle maladie, est accentué par la disparition du RSI.
J’en viens à deux motifs d’inquiétude, mes chers collègues : l’hôpital et les autorisations temporaires d’utilisation – les ATU.
Tout d'abord, il y a urgence à redonner du sens et des moyens à l’hôpital public, réorganisé dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, et dont le forfait hospitalier est porté à 20 euros : vous avez affirmé – à plusieurs reprises, je crois – que l’hôpital n’était pas une entreprise, madame la ministre. Dix-huit ans après la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, toutes les conséquences doivent en être tirées en matière de gouvernance, modes de rémunération, liens avec la ville, organisation des urgences et financement des investissements.
Ensuite, il existe un risque de déstabilisation de notre système des ATU, qui est pourtant envié dans le monde entier, car il permet un accès rapide des malades aux médicaments en innovation de rupture. Madame la ministre, nous suivrons, avec beaucoup d’attention, votre prise en main de ce dossier.
Mes chers collègues, nous ne sommes ni dans la majorité présidentielle ni dans la majorité sénatoriale ; notre jugement ouvert sur les propositions formulées nous conduira à nous abstenir sur le vote final de ce projet de loi.
Ce projet de loi de financement n’est pas un acte isolé. Il doit être lu en miroir avec d’autres décisions ou positionnements. J’ai en tête, d’un côté, les déclarations radicales du président de Goldman Sachs, de l’autre, un étonnant rapport récent du FMI, que je vous invite à lire, mes chers collègues, ou encore un communiqué du Défenseur des droits, tirant la sonnette d’alarme sur la situation des enfants vulnérables et l’urgence d’un plan de lutte contre la pauvreté.
Entre le libéralisme ultime, qui ignore la dimension humaine, et un pays refermé sur lui-même, nous croyons fortement qu’il existe un espace politique pour affronter les réalités d’un monde global, en gardant les fondations de solidarité, de justice sociale et de lutte contre les inégalités.