Intervention de Alain Milon

Réunion du 21 novembre 2017 à 15h10
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de mon groupe, permettez-moi d’abord de saluer le travail du rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, ainsi que de l’ensemble des rapporteurs, Catherine Deroche, Élisabeth Doineau, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Bernard Bonne, pour la commission des affaires sociales, ainsi qu’Alain Joyandet, pour la commission des finances. Leurs travaux nous ont permis d’examiner ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec discernement.

Les débats ont confirmé nos points de désaccord, notamment sur la hausse de la CSG, qui entraînera une baisse du pouvoir d’achat pour de nombreux Français.

Nous avons fait le choix, en toute responsabilité, de supprimer cette augmentation lorsqu’elle n’était pas compensée. Ainsi, nous avons exclu de ce dispositif les retraités, les personnes bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, ou PCH, et les artistes auteurs.

Nous avons peu d’illusion quant au sort de ces propositions, sauf éventuellement pour les bénéficiaires de la PCH. Madame la ministre, nous considérons que le Gouvernement choisit la mauvaise voie : s’attaquer aux 8 millions de retraités, que vous considérez comme des nantis, c’est mettre à mal la solidarité intergénérationnelle.

Je ne reviendrai pas sur toutes les mesures, plus catégorielles, qui ont été adoptées par le Sénat portant sur des baisses ou des allégements de charges. Mais si ces débats ont eu lieu, madame la ministre, c’est bien la preuve que vos réformes ne sont pas abouties.

S’agissant de la suppression du régime social des indépendants, ou RSI, nous avons souligné que cette réforme aurait dû faire l’objet d’un projet de loi distinct, et non d’un simple article du projet de loi de financement de la sécurité sociale – article de 30 pages et de 409 alinéas –, dont les délais d’examen sont contraints.

Nous avons exprimé des motifs d’inquiétude sur les conditions de rattachement des indépendants au régime général et nous avons essayé d’apporter quelques réponses.

Tout d’abord, cette réforme ne doit pas se traduire, pour les travailleurs indépendants, par plus de complexité. Or le passage d’un interlocuteur unique à trois interlocuteurs n’est pas synonyme de simplification. Cela a conduit le Sénat à prévoir des guichets dédiés à l’accueil et à l’accompagnement des indépendants.

Quant au niveau des cotisations, nous avons souligné que les travailleurs indépendants, qui attendaient de cette réforme une baisse des charges, vont être déçus : à prestations égales, l’adossement au régime général conduira, au pis, à une augmentation des charges, au mieux, au statu quo, comme l’affirme le Gouvernement.

Pour notre groupe, la suppression du RSI doit s’accompagner, à court terme, d’une simplification à la fois de l’assiette des cotisations, mais aussi des modalités de leur recouvrement. Nous resterons donc vigilants quant à la mise en œuvre de cette réforme.

Nous avons également dénoncé la continuité avec les années précédentes en matière de politique familiale.

L’an dernier, nous avions combattu la modulation des allocations familiales, qui signe la fin de leur universalité, et la réforme du congé parental. Ces deux mesures, qui représentent, à notre sens, des économies injustes au détriment des familles, n’ont malheureusement pas été remises en cause. Pis, vous poursuivez la casse de notre politique familiale avec la nouvelle baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant, ou PAJE.

Notre politique familiale comporte, de longue date, de nombreux dispositifs destinés à répondre spécifiquement aux situations des familles dont les ressources sont les plus modestes. Il n’en demeure pas moins qu’elle accordait aussi à chaque foyer, indépendamment de son niveau de revenus, une forme de compensation des charges familiales. Or, depuis le dernier quinquennat, cet élément constitutif fort de notre politique familiale est désormais dangereusement fragilisé – c’est le moins qu’on puisse dire.

Notre désaccord s’est traduit par le rejet de la nouvelle baisse de la PAJE, qui nous semble injustifiée et inopportune au moment où le Gouvernement souhaite ouvrir un débat « apaisé » sur l’avenir de notre politique familiale.

S’agissant de la branche vieillesse, notre collègue rapporteur René-Paul Savary l’a qualifiée dans son rapport de deuxième « homme malade » de la sécurité sociale. Nous avions contesté, l’an dernier, l’idée selon laquelle le problème des retraites aurait été réglé. Le retour à la réalité ne s’est pas fait attendre, sans pour autant que le Gouvernement en tire de conséquence.

Nous souscrivons à l’objectif d’unification des cotisations et des droits, mais il s’agit d’un objectif de moyen terme, laissant entière la question de l’accentuation à très court terme des déséquilibres. Il faudra donc y répondre rapidement par une réforme paramétrique, sans attendre la mise en place d’une réforme systémique, d’autant que l’exercice sera nécessairement complexe à mener.

S’agissant de l’assurance maladie, madame la ministre, nous avons soutenu les mesures de santé publique et de prévention que vous avez proposées sur le tabac, la vaccination, les consultations de prévention pour les jeunes femmes. La suppression de l’obligation générale du tiers payant témoigne d’un changement d’approche indispensable vis-à-vis des professionnels de santé.

Nous approuvons les mesures en faveur des nouvelles formes de prise en charge des patients, mais elles seront sans doute insuffisantes pour donner corps à cette ambition que nous partageons avec vous, madame la ministre, à savoir préserver l’accès à des soins de qualité sur notre territoire en rendant efficaces les modes d’organisation.

Limiter l’intervention de l’administration à une juste régulation, redynamiser l’exercice libéral de la médecine, donner une plus grande autonomie de gestion aux hôpitaux publics, favoriser le travail complémentaire du secteur public et du secteur privé et réaffirmer le rôle de l’assurance maladie dans le financement de notre système de protection sociale sont autant de mesures illustrant le changement de cap que nous appelons de nos vœux.

Ce changement de cap, nous ne le retrouvons que partiellement dans votre projet de loi. Nous n’avons pas pu illustrer ces mesures par des amendements, mais nous sommes convaincus que des mesures structurelles sont nécessaires.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur l’idée de donner plus d’autonomie de gestion aux hôpitaux publics. Le dialogue social mené aujourd’hui dans les hôpitaux souffre à la fois d’un excès de formalisme et d’un manque d’autonomie, ce qui ne permet pas d’adapter des décisions prises au niveau national à l’échelle locale ou d’innover. Cette innovation est cependant indispensable pour l’hôpital dans de nombreux domaines.

Tout d’abord, en matière d’innovation technologique : je pense à la télémédecine, à la robotique, mais aussi à la médecine prédictive grâce au progrès de la génétique, qui contribuera à un parcours du patient plus personnalisé.

Ensuite, en matière d’innovation organisationnelle : l’innovation technologique va, en effet, faire de l’hôpital un lieu de passage gérant les flux de patients. De fait, la mutualisation des équipements et l’approche collaborative doivent s’inscrivent dans cette nouvelle logique.

Enfin, pour garantir la pérennité du système, il est nécessaire de repenser l’hôpital en dépassant les prés carrés, l’individualisme et la dispersion génératrice de coûts. Il faut au contraire développer une vision collaborative et compétitive de l’hôpital, autour de plateaux techniques communs et partagés par différents intervenants en la matière – publics, privés, chercheurs, industriels, etc.

Nous sommes satisfaits de l’adoption de plusieurs mesures dont les bénéfices seront pour les patients. En matière de lutte contre les déserts médicaux, nous avons exonéré partiellement de cotisations vieillesse les médecins acceptant de reprendre ou de continuer une activité, afin qu’ils puissent cumuler activité libérale et retraite.

En matière de dispositifs médicaux à domicile, nous avons supprimé le plafonnement du nombre de prestations fournies aux patients à domicile, qui aurait pour conséquence de les priver de ces prestations et de freiner le développement de l’ambulatoire.

Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, nous restons très préoccupés par la situation des comptes sociaux. Nous avons tous le même objectif : l’égalité de toutes les Françaises et de tous les Français devant l’accès aux soins. Mais, devant l’ampleur des réponses à apporter, il y a urgence à agir, madame la ministre.

Le groupe Les Républicains votera le texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat.

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