Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois ans après l’entrée en vigueur de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », nous avons été désignées par la commission des affaires économiques, ma collègue Annie Guillemot et moi-même, pour évaluer l’application de cette loi.
Pour ma part, j’évoquerai les contrats de ville ; Annie Guillemot, quant à elle, parlera du Nouveau Programme national pour la rénovation urbaine, le NPNRU. Ce sera l’occasion de vous présenter les conclusions du petit tour de France que nous avons réalisé.
Nous avons cherché à répondre à plusieurs interrogations : la nouvelle géographie prioritaire est-elle pertinente ? Comment sont pris en charge les quartiers sortants ? Comment sont mis en place les contrats de ville ? Les acteurs de la politique de la ville ont-ils été au rendez-vous ? Quel est leur niveau d’engagement ? Les crédits spécifiques de la politique de la ville interviennent-ils en complément des crédits de droit commun ? Comment se sont déployés les conseils citoyens ? Ont-ils les moyens de fonctionner ? Enfin, comment est mis en œuvre le NPNRU ? Comme vous le voyez, les questions ne manquaient pas. Il s’agit de sujets récurrents, qui remontent du terrain et sur lesquels nous souhaitions apporter un éclairage.
Les nouveaux critères de la géographie prioritaire, plus objectifs, sont globalement adaptés à l’objectif de resserrement et de simplification de la géographie prioritaire poursuivie par la loi Lamy. Néanmoins, nous avons constaté lors de nos déplacements que ces critères ne permettaient pas de prendre en compte certains territoires moins denses, comme le bassin minier, ou des poches de pauvreté enclavées dans des zones de mixité sociale.
Nous avons recommandé au Gouvernement d’identifier les poches de pauvreté non retenues dans la géographie prioritaire en raison du seuil d’habitants et d’évaluer si elles nécessitent la mise en place d’outils spécifiques. Pour les quartiers sortants, c’est-à-dire ceux qui ne répondent pas aux critères de la nouvelle géographie prioritaire, la loi Lamy a mis en place un dispositif de veille active. Or nous avons constaté que les moyens et le suivi de ces quartiers sont insuffisants.
Il nous paraît important que tous les quartiers sortants fassent l’objet d’un suivi par l’État, indépendamment de l’existence d’un contrat de ville. Ce suivi permettra de savoir de quels dispositifs ils bénéficient et, surtout, quelle est leur situation économique et sociale, afin que les pouvoirs publics puissent intervenir le plus tôt possible en cas de décrochage. Le risque est en effet réel lorsqu’ils sortent de ce dispositif.
J’en viens aux contrats de ville, qui mettent en œuvre la politique de la ville. Quelque 435 contrats de ville ont été signés. Ils reposent sur trois piliers, qui permettent d’assurer une meilleure cohérence entre les actions menées au titre du volet économique et social et celles qui sont menées au titre du volet urbain.
Les modalités du pilotage des contrats de ville à l’échelle intercommunale sont globalement satisfaisantes. Néanmoins, l’impact des réformes territoriales sur la mise en œuvre de ces contrats, notamment en Île-de-France, devra faire l’objet d’un examen attentif.
Au titre du pilier « cohésion sociale », nous avons choisi de porter notre attention sur la tranquillité publique, question récurrente des habitants des quartiers prioritaires. Outre que les services de police et la justice doivent amplifier leurs actions pour assurer la tranquillité des habitants dans ces quartiers, les bailleurs sociaux ont eux aussi un rôle à jouer, notamment avec la mise en place de gardiens d’immeuble. Nous avons proposé de renforcer leur présence, ainsi que les dispositifs de médiation.
Pour en avoir beaucoup entendu parler lors de nos déplacements dans les quartiers, il nous semble que les questions liées aux rodéos, dont a parlé le Président de la République à l’occasion de sa venue dans le Nord méritent de faire l’objet d’une évolution législative.
On constate toutefois dans certains quartiers l’échec des politiques publiques. Les conditions de vie des habitants et celles des personnels de proximité sont devenues dangereuses et la mise en place d’une zone de sécurité prioritaire ne suffit pas toujours. Il ne faut pas abandonner ces quartiers « en difficulté extrême ». Nous proposons, au contraire, qu’ils fassent l’objet d’un traitement global des difficultés qui nécessitera un renforcement des moyens de droit commun, lequel ne peut se faire au détriment des autres quartiers.
Je dirai un mot du volet économique. La question de l’emploi est fondamentale dans les quartiers, où le taux de chômage est largement supérieur à la moyenne. Nous considérons qu’il ne faut pas opposer les aides à la personne aux aides en fonction de l’implantation géographique des entreprises. Autrement dit, il ne faut pas opposer emplois francs et zones franches urbaines. Une réflexion sur ces deux formes d’actions doit être menée en toute transparence, afin de retenir les dispositifs les plus efficients.
S’agissant des moyens financiers, nous avons constaté que, contrairement à ce que prévoit la loi, les crédits de droit commun sont peu, voire pas détaillés dans les contrats de ville.