Intervention de Annie Guillemot

Réunion du 21 novembre 2017 à 15h10
Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens — Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques

Photo de Annie GuillemotAnnie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer maintenant les conseils citoyens et le Nouveau programme national de renouvellement urbain, ou NPNRU. L’affirmation du principe de coconstruction avec les habitants est un axe majeur de la loi Lamy, qui trouve sa traduction au travers des conseils citoyens et des maisons de projet dans le cadre du NPNRU.

Le conseil citoyen a pour vocation de réunir, au sein d’une même instance, des habitants des quartiers tirés au sort et des représentants des associations, comme des acteurs locaux.

Certains élus ont pu faire preuve d’une certaine réticence à le mettre en place, notamment lorsque préexistaient dans certains territoires des instances de participation ou lorsque la mise en place de précédents dispositifs participatifs avait échoué. Ainsi, 1 054 conseils citoyens ont été recensés et trois quartiers prioritaires sur quatre sont couverts.

Néanmoins, le conseil citoyen nous a paru être encore une instance balbutiante. Son rôle demeure largement à conforter. Ainsi, l’articulation entre les conseils citoyens et les autres dispositifs de démocratie participative doit être précisée. Les moyens dont ils bénéficient, en termes de locaux, de budget et d’accompagnement, seront également décisifs pour éviter leur essoufflement. L’État doit maintenir une participation significative au fonctionnement de cette instance.

J’en arrive au programme national de renouvellement urbain, ou PNRU. À ce propos, il faut, me semble-t-il, noter que, au regard de la satisfaction unanime que recueille le PNRU, la loi Lamy a prévu la mise en œuvre d’un nouveau programme national de renouvellement urbain centré, en priorité, sur les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants. Ainsi, 216 quartiers ont été retenus. En complément, 274 quartiers dits « d’intérêt régional » ont été choisis, pour lesquels l’ANRU interviendra, mais dans une moindre mesure.

S’agissant du financement du NPNRU, chacun s’accorde à dire que l’enveloppe de 6 milliards d’euros était insuffisante. Les acteurs locaux nous ont fait part de leurs doutes sur l’ambition de ce programme et ont partagé leur crainte de voir leur projet contraint. Comment, dans ces conditions, mobiliser les habitants pour coconstruire le projet ?

Nous avons proposé, avec Valérie Létard, de porter le montant du NPNRU à 10 milliards d’euros et de rétablir la parité de financement entre l’État et Action Logement. Nous avons été partiellement entendues, puisque le projet de loi de finances prévoit que le montant du NPNRU soit porté à 10 milliards d’euros, dont un milliard d’euros, monsieur le ministre, sera financé par l’État.

Toutefois, les modalités de financement de ces 4 milliards d’euros supplémentaires ne sont pas actées à ce stade. S’il semble acquis, en effet, qu’Action logement participera à hauteur de 2 milliards d’euros supplémentaires, la participation des bailleurs sociaux est, pour l’heure, incertaine en raison des débats sur la réforme des aides personnalisées au logement, les APL, dans le parc social.

Nous espérons que ce doublement des crédits dédiés au NPNRU permettra, outre l’augmentation des enveloppes destinées aux quartiers d’intérêt régional, de mener des projets ambitieux de rénovation urbaine, qui porteront sur l’habitat, mais dépasseront le cadre du logement pour inclure l’aménagement et les équipements publics, dont les écoles.

Afin d’éviter une déperdition de concours financiers, nous souhaitons également rendre possible, pour ces quartiers d’intérêt régional, l’insertion, dans les conventions ANRU-région, d’une clause de revoyure qui permettrait, à mi-parcours, de redéployer des crédits au sein d’une région.

Nous avons en outre entendu de nombreuses critiques concernant ce fameux règlement du NPNRU. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé plusieurs adaptations : une rationalisation des études demandées pour les projets de rénovation du NPNRU, qui s’inscrivent dans la continuité du PNRU, le réexamen du dispositif de scoring, qui pénalise les communes les plus vertueuses, ainsi que le réexamen des montants des aides octroyées aux bailleurs sociaux.

Nous espérons que l’augmentation du montant du NPNRU permettra ces assouplissements et que sera privilégié le recours aux subventions plutôt qu’à des prêts bonifiés, sous peine d’accroître plus encore l’endettement des communes.

J’en viens enfin à un aspect sur lequel nous voulons insister, ma collègue Valérie Létard et moi-même. Les politiques de peuplement nous paraissent essentielles à la réussite d’un projet de rénovation urbaine. Le NPNRU doit, plus encore que le premier programme de rénovation urbaine, favoriser la mixité sociale et fonctionnelle.

Pour favoriser cette mixité sociale, nous pouvons agir sur les attributions de logements sociaux, en veillant à ce que les ménages les plus modestes ne soient pas systématiquement orientés vers les quartiers faisant l’objet d’un programme de rénovation urbaine. À ce sujet, je dois vous l’avouer, nous craignons que, dans le cadre du projet « Un logement d’abord », tous les locataires en difficulté ne viennent dans les quartiers déjà en difficulté.

La mixité sociale suppose parfois de repenser entièrement le quartier en favorisant les démolitions et en acceptant ce que nous appelons des « jachères urbaines ». Nous croyons qu’il faut aussi prendre en compte cette situation.

Quant au traitement des copropriétés, il constitue l’un des défis majeurs du NPNRU. Nous souhaitons qu’il soit remédié à l’absence de recensement exhaustif des copropriétés situées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les QPV. En outre, nous estimons que des outils mieux adaptés doivent également être mis en place pour faire face à l’augmentation du nombre de copropriétés en difficulté.

En conclusion, monsieur le ministre, nous avons estimé que si la réforme de la politique de la ville était bien engagée, elle souffrait cependant d’un manque de moyens.

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