Intervention de Élisabeth Lamure

Commission mixte paritaire — Réunion du 21 novembre 2017 à 8h35
Commission mixte paritaire sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Bien que nous ne partagions pas l'approche du Gouvernement, qui consiste à interdire une production nationale résiduelle plutôt que d'agir sur la consommation, qui dépend à 99 % de nos importations, nous avons malgré tout cherché à améliorer le texte, en privilégiant l'efficacité, sans nous en tenir au symbole. Nous avons pris au mot le Gouvernement : puisqu'il s'agit d'interdire la production d'hydrocarbures, non pas pour elle-même mais en raison de son effet sur le réchauffement climatique, il n'y a pas lieu d'interdire des activités dont le produit, soit n'émet pas de gaz à effet de serre, soit n'a d'autre fin que de permettre la poursuite d'autres activités.

C'est le sens de la dérogation prévue pour les hydrocarbures à finalité non énergétique qui alimentent la filière pétrochimique, sauf à imaginer que nous pourrions totalement nous passer de matières plastiques, bitumes ou autres textiles synthétiques à l'horizon 2040... De même, nous avons étendu la dérogation introduite à l'Assemblée pour le gaz de Lacq à d'autres usages connexes, considérant que la production de chaleur locale n'était pas moins légitime que celle du soufre.

Il nous a également paru essentiel de ne pas fermer totalement la porte à la recherche, tout en l'encadrant strictement, et en la limitant à la recherche publique. Parce que la parole de l'État a une valeur, nous avons limité l'atteinte aux droits acquis, ce qui permettra du reste de réduire d'autant les demandes d'indemnisation...

Enfin, le Sénat a souhaité un traitement particulier pour les régions d'outre-mer afin qu'elles puissent exercer effectivement leur compétence de délivrance des titres miniers en mer, en vue de favoriser leur développement économique et social.

Nous avons bien entendu le souhait du Gouvernement d'envoyer un signal et la crainte qu'en multipliant les dérogations, on n'affaiblisse la portée du symbole. À nos yeux, ces dérogations ont au contraire le mérite de mettre le texte en cohérence avec l'objectif poursuivi et de préserver le signal tout en tenant compte de la réalité de certains usages ou de certains territoires.

Dans un souci de conciliation, nous étions prêts à revenir sur l'un ou l'autre de ces points. Malgré la qualité du dialogue instauré avec les rapporteurs de l'Assemblée en prélude à cette réunion, il est apparu que nous ne pourrions rapprocher nos positions sans dénaturer à l'excès les textes adoptés dans chacune de nos assemblées.

Je le constate avec d'autant plus de regrets qu'au-delà du caractère constructif de nos échanges, nous pouvions nous accorder sur de très nombreux points, y compris sur le volet « hydrocarbures » : je pense en particulier à l'exigence d'une « rentabilité normale » pour dépasser la date de 2040 dans le cadre du droit de suite, à la codification de la loi du 13 juillet 2011 ou aux apports du Sénat en matière d'analyse de l'impact environnemental des hydrocarbures ou de mise en ligne des demandes et titres.

Quant aux autres dispositions du texte, un accord était possible sur chacune d'entre elles, sachant que trois articles sont déjà conformes. Pour le stockage du gaz, l'intervention directe de la loi, plutôt que le renvoi à une ordonnance, permet à la fois d'accélérer la mise en oeuvre de la réforme et de faire valoir les droits du Parlement. Nous avons conforté deux apports de l'Assemblée, le raccordement des énergies marines renouvelables et la définition des réseaux intérieurs. Et je citerai aussi les nombreux apports du Sénat pour autoriser ou faciliter l'intervention des collectivités dans le déploiement de stations de recharge ou la réalisation d'actions de maîtrise de l'énergie, pour moduler les sanctions applicables en matière d'obligation de pavillon français, ou encore pour assouplir les obligations d'économies d'énergie des distributeurs de fioul domestique.

J'en terminerai par deux sujets de préoccupation. La concurrence déloyale de certains biocarburants importés représente un danger, à très court terme, pour la filière française. Pour y répondre, le Sénat a mis en place un dispositif transitoire de protection dont la logique, si elle venait à être contestée, nous semble parfaitement défendable devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Quelle que soit la solution retenue in fine, il est impératif d'aboutir dans ce texte. Notre seconde préoccupation porte sur l'obligation de double distribution dans chaque station-service, qui relève selon nous de la surtransposition du droit communautaire et conduira surtout à la fermeture de nouvelles stations, réduisant d'autant la couverture du territoire, à rebours de l'objectif poursuivi. Le principe d'une « couverture géographique appropriée » serait sans doute un bon compromis.

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