Intervention de Jean-Charles Colas-Roy

Commission mixte paritaire — Réunion du 21 novembre 2017 à 8h35
Commission mixte paritaire sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement

Jean-Charles Colas-Roy, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Je remercie les rapporteurs du Sénat pour le bon état d'esprit qui a prévalu lors des réunions préparatoires à cette commission mixte paritaire. Les travaux constructifs de nos deux assemblées, menés dans des délais très courts, ont enrichi ce projet de loi mettant fin à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures en France à l'horizon 2040.

Nous avons eu à coeur, à l'Assemblée nationale, de porter un texte de loi ambitieux et responsable. Ambitieux d'abord, car il fait de la France le premier pays au monde à laisser ses énergies fossiles dans le sous-sol. Ambitieux également par son effet d'entraînement sur la scène internationale. Je cite le discours d'Emmanuel Macron à Bonn, mercredi 15 novembre dernier, lors de la COP 23 : « Pour ce qui relève de la France, nous devons accélérer cette transformation avec une obsession, celle de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, nous nous sommes engagés durant les derniers mois, clairement, pour une sortie de la production des énergies fossiles et une vraie transformation de notre modèle de production. Ainsi, la France a-t-elle décidé la fermeture de toutes les centrales à charbon d'ici la fin de l'année 2021, l'absence de toute construction de nouvelles centrales thermiques, et surtout, à travers un projet de loi hydrocarbures voté à l'Assemblée nationale et qui sera parachevé dans les prochaines semaines, l'interdiction de tout nouveau permis d'exploration et d'exploitation d'hydrocarbures dans notre pays. C'est la première fois qu'un pays développé décide, pour son propre territoire, d'une telle politique ; nous l'assumons parce que c'est celle qui est indispensable pour être au rendez-vous du climat et de la transition que nous avons actée. »

L'Assemblée nationale a porté un texte responsable - qui, fixant un horizon à 22 ans, laisse le temps aux entreprises du secteur et aux territoires concernés de s'adapter à la transformation des filières -, fruit d'un travail de coconstruction ayant permis à l'ensemble des sensibilités politiques de l'enrichir et d'aller dans le sens de la politique climatique ambitieuse de la France. Ce travail collectif a permis des avancées importantes comme l'interdiction définitive de l'exploitation du charbon, la définition des hydrocarbures non conventionnels par les techniques, la clarification de la définition du gaz de mine, l'encadrement du « droit de suite », ou encore le renforcement de la transparence avec la mise en ligne par le Gouvernement de l'ensemble des demandes de titres et des titres d'exploration et d'exploitation d'hydrocarbures. L'Assemblée nationale a adopté à une large majorité ce projet de loi, témoin de la qualité du travail effectué en amont et qui a abouti à un compromis dont nous pouvons être très fiers.

Je salue une partie du travail de la Haute Assemblée, et ses apports comme la modification de l'article 3 bis, qui prévoit désormais l'évaluation des contrats de transition écologique, et celle de l'article 3 ter, qui permet d'établir un bilan carbone exigeant des hydrocarbures que nous continuerons à consommer à moyen terme. L'article 6 ter facilite le ravitaillement en gaz, biogaz et hydrogène dans les communes. Les articles 9, 10 et 11 opèrent des ajustements opportuns dans l'application de notre législation. En particulier, l'article 10 procède à une réforme des règles relatives au transport de pétrole attendue par les acteurs du secteur.

Je salue également l'adoption conforme de trois articles par nos deux assemblées : l'article 2 bis portant sur la reconversion des sites d'exploitation d'hydrocarbures ; l'article 5 sur le commissionnement et l'article 8 assurant l'application des dispositions sur les hydrocarbures à Wallis-et-Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises.

Néanmoins, je déplore l'introduction par le Sénat de plusieurs dispositions qui vont directement ou indirectement à l'encontre de l'esprit de ce projet de loi, dès l'article 1er. Tout d'abord, l'introduction d'une dérogation pour les outre-mer est en totale contradiction avec le principe d'indivisibilité de la Nation. L'ajout d'une dérogation afin d'autoriser la recherche publique créée une confusion inopportune entre l'objectif de la loi et son périmètre d'action. Il s'agit bien ici d'interdire la recherche exploratoire en vue d'exploiter nos sous-sols. La délivrance d'autorisations pour la recherche publique à des fins de connaissance géologique restera autorisée et ce, au-delà des dispositions de ce projet de loi. La création d'une dérogation pour les hydrocarbures non énergétiques pourrait s'appliquer à l'ensemble des productions d'hydrocarbures et viderait le projet de loi de son sens et de sa portée. Or, nous souhaitons, par ce projet de loi, tourner définitivement la page des énergies fossiles et accélérer irrémédiablement la transition énergétique. Il en est de même pour la notion d'hydrocarbures « connexes ». Par ailleurs, la modification apportée à l'article 2 sur les demandes de titres en cours d'instruction augmenterait considérablement le nombre de permis délivrés.

L'ensemble de ces dispositions sont autant de désaccords qui séparent nos deux assemblées sur ce texte et qui traduisent deux visions de la transition énergétique et de l'action climatique qui paraissent aujourd'hui irréconciliables.

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