Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » est doté pour 2018 de 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit 3 % des crédits prévus pour la mission « Défense » l'année prochaine. Ce programme est en effet modeste par le volume financier, mais il constitue le coeur de la fonction « connaissance et anticipation » de notre outil de défense, et donc de la préparation de son avenir.
Par rapport à la prévision pour 2017, on note une augmentation de 4,5 % en crédits de paiement (+ 60 millions d'euros), mais une diminution de près de 6 % en autorisations d'engagement (- 89 millions). Cette évolution globale est liée aux différents cycles d'investissements en cause ; elle masque des évolutions différentes dans le détail des actions du programme.
Ces crédits pour 2018 devront couvrir le report de charges du programme, issu de l'exécution budgétaire 2017. Ce report est estimé à 205 millions d'euros, sous la condition, bien sûr, du maintien en fin d'année de l'ensemble des crédits prévus, ce que tend à confirmer le projet de loi de finances rectificatives déposé à l'Assemblée nationale. Il s'agirait d'une baisse de 13 % par rapport au report de charges de fin 2016.
Les priorités du programme 144 sont, conformément au Livre blanc de 2013 et à la loi de programmation militaire en vigueur, d'une part, la réaffirmation du rôle central du renseignement - dont parlera, tout à l'heure, Michel Boutant, d'autre part, la consolidation des efforts de recherche de défense et le maintien de la capacité d'influence de la France ; ce sera l'objet de mes propos.
Je commencerai par ce qui concerne la recherche de défense.
Les études amont font l'objet pour 2018 d'une prévision de 723 millions d'euros en crédits de paiement. C'est plus de la moitié des crédits du programme 144. Ce montant est stable par rapport à la prévision pour 2017 ; il reste en ligne avec l'objectif fixé en matière d'études amont par la LPM actuelle, soit 730 millions d'euros en moyenne annuelle sur la période 2014-2019.
En prenant en compte les exécutions passées et les prévisions pour 2017 et 2018, le budget effectivement consacré aux études amont s'avère en moyenne de 727 millions d'euros par an depuis 2014.
À la suite du rapport d'information sur les moyens de la défense nationale adopté en mai dernier par notre commission, les rapporteurs que nous sommes appellent de leurs voeux le rehaussement, dans la prochaine LPM, de ce budget, à hauteur d'un milliard d'euros en moyenne annuelle : il s'agit d'assurer une préparation adéquate de l'avenir de notre défense. La ministre des armées, que nous avons interrogée ici même, nous a assuré de son ambition en ce sens ; il nous reviendra donc de veiller à la mise en oeuvre !
L'analyse stratégique, de son côté, doit bénéficier en 2018 de plus de 9 millions d'euros, soit un doublement des autorisations d'engagement et une hausse de 50 % des crédits de paiement. Cette évolution traduit, au plan budgétaire, la réforme du dispositif de soutien à la recherche stratégique appliquée depuis 2015.
Le ministère de la défense, en effet, pour donner plus de prévisibilité et donc améliorer le pilotage des études, a mis en place des contrats-cadres et a accru les études de type « observatoire ». Il a également développé des relations plus étroites avec l'université. L'ensemble vise à remédier à la relative fragilité de notre recherche stratégique, comparée notamment aux « war studies » anglo-saxonnes.
Tous programmes confondus, le budget consacré à la recherche et développement (R&D) de défense devrait atteindre, en 2018, 4,7 milliards d'euros. C'est une baisse de 5 % par rapport à 2017, mais cela reste supérieur de près de 30 % à l'enveloppe moyenne sur la période 2014-2016. Malgré les contraintes financières, la France est ainsi le pays d'Europe qui consacre le plus gros effort budgétaire à sa R&D de défense : cette R&D constitue 11 % de notre budget de défense en 2017.
À cet égard, il faut saluer la création - officiellement annoncée la semaine dernière - de « Definvest », fonds d'investissement pour soutenir le développement des PME stratégiques pour la défense. Ce nouvel outil, lancé en partenariat avec BPI France, vient compléter les dispositifs de soutien à l'innovation déjà mis en oeuvre par la DGA.
Dans ce contexte globalement positif, on reste préoccupé par la situation de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) - situation qui s'améliore, mais avec une certaine lenteur.
Certes, la gouvernance de l'ONERA se trouve à présent entièrement rénovée. En particulier, le contrat d'objectifs et de performance de l'établissement, longtemps attendu, a été signé en décembre 2016, et une réorganisation interne est effective depuis mars dernier. Sur ce plan, les critiques que la Cour des comptes avait formulées en 2015 apparaissent levées.
Cependant, une stratégie reste à arrêter pour les infrastructures. Un plan général de rénovation est nécessaire pour maintenir au meilleur niveau le parc des souffleries de l'ONERA - pièce maîtresse de nos grands moyens technologiques -, et ceci au-delà des travaux urgents de consolidation conduits, depuis deux ans, pour la soufflerie du site de Modane (travaux entrepris, d'ailleurs sous « l'aiguillon » de notre commission). D'autre part, il reste à organiser une rationalisation des implantations franciliennes de l'ONERA, aujourd'hui présent à Palaiseau, Meudon et Châtillon. Dans ces deux dossiers majeurs pour le bon fonctionnement de l'établissement, les arbitrages financiers demeurent en attente.
Par ailleurs, la situation financière de l'ONERA s'avère encore fragile, indépendamment du maintien, assuré jusqu'en 2019, de la subvention de l'État au niveau actuel. Au demeurant, cette subvention, fixée à 105 millions d'euros, ne représente que les deux tiers de la masse salariale de l'Office. L'évolution des prévisions de prises de commandes de l'industrie confirme que, pour développer ses ressources propres, l'ONERA doit poursuive l'adaptation de son offre aux besoins industriels et s'efforcer de mieux valoriser sa recherche.
Notre commission doit marquer son attachement à la pérennité de cet outil essentiel pour la filière aéronautique et spatiale, qui contribue à faire de la France un des très grands acteurs mondiaux du domaine. Compte tenu notamment de la structure actuelle du marché sur lequel s'inscrit l'ONERA, on peut être inquiet de voir le pilotage de cet établissement déterminé, peu ou prou, par les économies. L'ONERA s'expose ainsi à un risque de perte d'attractivité pour recruter et fidéliser son personnel ; or il s'agit là, précisément, de sa richesse vive.
J'en viens pour finir, rapidement, aux crédits du programme 144 dédiés à la capacité d'influence internationale de la France. Ces crédits financent notamment le fonctionnement du réseau de nos attachés de défense en ambassade.
Pour l'ensemble des actions de coopération et de diplomatie en cause, que pilote la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), près de 43 millions d'euros sont prévus en 2018. 60 % de ces crédits (26 millions d'euros) tiennent à l'aide versée à la République de Djibouti, au titre de l'implantation des forces françaises, en application du traité bilatéral de 2011. C'est l'occasion d'appeler à ne pas laisser notre influence décroître dans cette zone stratégique, alors que la Chine dispose aujourd'hui à Djibouti de sa première base militaire à l'étranger.
On notera également que le programme 144 porte les crédits de la contribution française au budget de l'Agence européenne de défense (AED), soit 5,2 millions d'euros l'an prochain. Cette prévision couvre l'augmentation de budget de l'Agence décidée la semaine dernière par l'Union européenne, orientation que soutenait la France et que justifie, notamment, le rôle que l'AED est appelée à jouer dans la mise en oeuvre du nouveau Fonds européen de défense.
Sous le bénéfice de ces observations, et avant de laisser, pour la suite, la parole à Michel Boutant, j'indique d'ores et déjà que j'émets une appréciation positive sur les crédits inscrits au programme 144 dans le projet de loi de finances pour 2018.