Intervention de Michel Boutant

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 novembre 2017 à 9h40
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « défense » - programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel BoutantMichel Boutant, co-rapporteur :

La revue stratégique de la défense a exposé clairement les menaces auxquelles notre pays est confronté. Dans un monde plus incertain et plus dangereux, la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement, car celui-ci est une condition clef de son autonomie stratégique. Le projet de loi de finances pour 2018 s'inscrit dans ces objectifs pour ce qui concerne les crédits inscrits au programme 144, poursuivant ainsi les efforts engagés depuis plusieurs années. Je formulerai trois observations.

Première observation : ce programme porte les crédits hors titre 2 alloués aux services de renseignement relevant du ministère des armées, c'est-à-dire la DGSE et la DRSD (direction du renseignement et de la sécurité de la défense). Ceux de la DRM qui dépend de l'État-Major des Armées figurent au programme 178.

J'inclurai également dans mon analyse les crédits de titre 2, qui figurent au programme 212, car on ne peut comprendre l'évolution des crédits du programme 144 sans prendre en compte l'accroissement des effectifs.

Seconde observation : hors titre 2, les crédits attribués à la DGSE constituent la masse la plus importante, 295,6 millions d'euros dont 251 destinés aux investissements. Les crédits de la DRSD ne représentent que 13,9 millions d'euros.

Les crédits de paiements sont en hausse sous l'effet conjugué de l'augmentation des crédits de fonctionnement liée à l'intensification de l'activité opérationnelle des services notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et à l'étranger (+ 8% pour la DGSE à 45,6 millions d'euros et +11,8 % pour la DRSD à 3,2 millions d'euros) et de celle des investissements, conséquence de la consommation progressive des importantes autorisations d'engagement antérieures finançant les programmes d'investissements techniques et les travaux d'infrastructures de la DGSE (+23,9 % / 251 millions d'euros), ceux de la DRSD étant stables (+0,5 % à 10,7 millions d'euros). En autorisations d'engagement, à l'inverse, les crédits diminuent légèrement, conséquence du ralentissement cyclique des investissements de la DGSE.

La DGSE s'est engagée depuis 2015 sur un programme immobilier de l'ordre de 150 millions d'euros pour accueillir sur ses sites des effectifs plus nombreux et héberger ces moyens techniques de recueil, d'exploitation, et de cyberdéfense. Elle prépare un nouveau schéma directeur et elle a, comme l'avait encouragée votre commission, mis en place un véritable service des affaires immobilières et procéder au recrutement d'experts pour professionnaliser ces fonctions.

La DRSD bénéficie, elle, jusqu'en 2019 d'un programme de l'ordre de 9,2 millions d'euros inscrit au programme 212 et envisage pour la prochaine LPM un regroupement de ses infrastructures.

Troisième observation : cette évolution, significative, accompagne le renforcement des effectifs.

La DGSE bénéficie sur la période 2014-2019 de 822 créations d'emplois, 410 ont été réalisées. Le solde devrait s'échelonner à raison de 215 en 2018 et 197 en 2019. L'effort principal reste à conduire au cours de ces deux dernières années.

Hors service action, elle emploie plus de 5 255 agents. Le montant des crédits de titre 2 progressent en conséquence de 426,6 millions d'euros en 2017 à 445,5 pour 2018. Les tendances observées se poursuivent : la part des militaires continue son érosion, comme la progression du nombre des contractuels au sein des personnels civils et une tendance affirmée à recruter davantage de personnels officiers ou de catégorie A. Tendances que l'on retrouvera à la DRSD également.

La difficulté de recrutement et de maintien des personnes au sein du service, globalement surmontée à la DGSE, tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers. Deux missions d'audits ont été déclenchées en 2017 au sein du ministère des armées, et des mesures mises en oeuvre en matière de parcours professionnels, de mobilités interservices et d'échanges sur les questions RH.

Confrontée à l'évolution des métiers, à l'intensification des missions, et à l'accroissement sensible des effectifs à recruter, former et intégrer, la DGSE, - comme la DRSD, d'ailleurs,- devront professionnaliser les fonctions de soutiens et notamment leur DRH. Elles sont souvent les moins bien loties en raison de la priorité donnée au coeur opérationnel des services, mais leur modernisation est indispensable à la réussite de l'action de transformation à conduire et conditionne les succès à venir. Un nouveau mode de gouvernance et de pilotage de la fonction RH a été mis en place à la DGSE en mai dernier.

La DRSD connaît cette année encore un renforcement significatif de ses effectifs. Son plafond d'emplois est fixé à 1 525 pour 2018 (1 328 en 2017). Les crédits de paiement du titre 2 progressent de 15 % (105,5 millions d'euros en 2017 à 121,4 en 2018). La DRSD est confrontée à une véritable transformation de son organisation et de sa structure d'emplois. Elle doit gérer un turnover de ses effectifs de l'ordre de 12 %, leur montée en puissance, mais aussi l'évolution des métiers. Or par manque de visibilité, mais aussi de capacités à proposer des niveaux de rémunération suffisants et parce qu'elle est sous-dimensionnée dans ses fonctions de soutien, elle éprouve de sérieuses difficultés à assurer la montée en puissance de ces effectifs. Elle est en retard de 60 emplois sur son objectif cible de la fin d'année 2017. Nous estimons que la fonction RH devrait être confortée et des solutions apportées par le ministère des armées pour lui permettre de recruter dans de meilleures conditions. Des améliorations, notamment dans la suite des missions d'audit, sont en cours mais elles restent timides par rapport aux enjeux.

Ce renforcement des effectifs est bienvenu dans le domaine du renseignement mais aussi dans ses activités traditionnelles de sécurité et de protection. Les décisions prises suite aux attentats terroristes ont conduit à devoir gérer avec difficulté des demandes d'habilitation et d'avis de sécurité plus nombreux (+ 70 % depuis 2015). Le ratio d'instruction dans les délais qui avait chuté est remonté grâce à l'optimisation des processus et au renforcement des effectifs, notamment par l'appel à la réserve opérationnelle. En matière d'inspections de sites, le respect des programmes de visites, pour identifier leurs vulnérabilités, s'avère compliqué avec l'accroissement du nombre de sites à inspecter (+15 % en 2017). Le ratio s'est effondré en 2016 (62 %), à peine redressé en 2017 (70 %), la priorité donnée au point d'importance vitale a été néanmoins respectée. Le centre d'inspections a amorcé sa remontée en puissance par des recrutements et le recours à des réservistes, mais le temps de formation est long et les résultats se font attendre. Surtout, il faudrait que les préconisations soient effectivement mises en oeuvre, ce qui n'est pas toujours le cas dans les délais requis. Votre commission demande la mise en place d'un indicateur de performance spécifique. Espérons qu'elle sera enfin entendue.

Sous le bénéfice de ces observations, et pour ce qui concerne spécifiquement le programme 144, mon appréciation est favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense.

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